Institut de Recherches Economiques et Fiscales

Faire un don

Nos ressources proviennent uniquement des dons privés !

anglais
Accueil » L’augmentation de l’impôt sur le revenu

L’augmentation de l’impôt sur le revenu

par
244 vues

La France est championne d’Europe en matière de taux supérieur d’imposition du revenu, de cotisations sociales, de droits de succession, d’impôt sur les sociétés…. Arrêtons le massacre !

La justice fiscale ne consiste pas à faire payer les autres. C’est tellement facile ! Mais pas très malin parce que ça peut coûter cher à tous.

Pour satisfaire à la demande de justice fiscale des Gilets jaunes, plusieurs députés La République en Marche (M. Orphelin, S. Houlié, G. Chiche, A. Taché…) s’empressent de proposer la création d’une tranche supplémentaire d’impôt sur le revenu pour taxer un peu plus les riches.

Ils oublient que la France est déjà le pays qui taxe le plus les revenus des riches. Le taux d’imposition directe de la tranche marginale supérieure des revenus est en France à un niveau inégalé ailleurs. Le taux appliqué de 45% peut être augmenté de l’imposition « Fillon » de 4% sur les hauts revenus et de la CSG/RDS… au taux de 9,2% sur les revenus du travail, voire de 17,2 % sur les revenus fonciers, soit au total 58,2%, voire 66,2%.

Par comparaison en Europe, beaucoup de pays ont des taux proportionnels et non progressifs, des flat taxes : la Hongrie au taux de 15%, la Bulgarie à 10%, la Roumanie à 16%, la Tchéquie à 15%, l’Estonie à 20%, la Lituanie à 15%, la Lettonie à 23%… Certains pays n’ont que deux taux comme la Slovaquie à 19% jusqu’à 35 268€ et 25% au-delà, l’Irlande à 20% jusqu’à 34 550€ et 40% au-delà, l’Islande à 22,5% jusqu’à 893 713 ISK et 46,24% au-delà, ou encore la Suède au taux de 20% de 455 300Kr à 662 300 et 25% au-delà. D’autres ont trois taux comme Malte de 15 à 25%, le Royaume-Uni de 20% à partir de 11 851£ à 45% au-delà de 150 000£.

L’Allemagne taxe la tranche supérieure à 45%, mais au-delà de 260 533€, l’Autriche à 55%, mais au-delà de 1M€, la Belgique à 50% dès 38 830€, l’Italie à un peu plus de 45 % (taxe régionale et municipale comprise) au-dessus de 75 001 €, les Pays Bas à 52 % au-delà de 67 072€, la Slovénie à 50% au-delà de 70 907 €, Chypre à 35 % au-dessus de 65 001 €, la Grèce à 45 % au-dessus de 40 000€, le Portugal à 48% au-dessus de 80 640 €. Dans quelques pays européens, le calcul est plus complexe car l’impôt sur le revenu est voté d’une part par l’Etat central et d’autre part par les collectivités territoriales. C’est le cas en Espagne où l’impôt central sur les revenus de 2016 était de 22,5% au-dessus de 60 000 € mais il fallait lui ajouter 21% à Madrid au-delà de 53 407 €, ce qui au total faisait 43,5 %.

Au surplus certains systèmes d’assurances sociales dits beveridgiens font payer tout ou partie de la sécurité sociale par l’impôt sur le revenu. C’est le cas au Danemark où le taux maximum d’impôt sur le revenu ne peut pas être supérieur à 51,95 %, mais il inclut les contributions sociales et les impôts locaux. Il en va de même en Norvège où le taux composé représente au plus, pour les revenus gagnés en 2018, 46,6%.

La France a donc bien le taux d’imposition sur le revenu le plus élevé de tous les pays européens. Mais en outre, les Français payent des cotisations sociales qui sont aussi les plus élevées. Selon Eurostat[[Les salaires et le coût de la main-d’œuvre]] « Le coût de la main-d’œuvre comprend les salaires et traitements auxquels s’ajoutent les coûts non salariaux tels que les cotisations sociales à la charge des employeurs. En 2016, la part des coûts non salariaux dans le coût total de la main-d’œuvre a atteint 23,9 % dans l’UE-28, tandis qu’elle était de 26,0 % dans la zone euro. Elle variait par ailleurs fortement entre les États membres de l’Union. Les proportions les plus élevées des coûts non salariaux ont été observées en France (33,2 %), en Suède (32,5 %), en Belgique (27,5 %), en Lituanie (27,8 %) et en Italie (27,4 %). Les proportions les plus faibles ont été enregistrées à Malte (6,6 %), au Luxembourg (13,4 %), en Irlande (13,8 %), au Danemark (13,9 %) et en Croatie (14,9 %) ».

C’est normal car la France a le taux de dépenses sociales le plus élevé d’Europe selon Eurostat (34,3% du PIB en 2014, 32% selon la Dress en 2015). Les cotisations sociales représentent 18,8 % du PIB en France, soit le taux le plus élevé d’Europe où la moyenne est de 13,3% tandis que la Suède est à 3,3% et le Danemark à 0,9%[[Eurostat, 28 novembre 2018]]. Ce qui explique d’ailleurs qu’en France, le coin fiscal [(impôt sur le revenu + charges sociales – avantages sociaux) / (salaire brut +charges patronales)] d’un salarié gagnant le salaire moyen, marié avec deux enfants à charge, est le plus élevé de l’OCDE, à 39,7% en 2017[[OECD, Taxing wages – France]].

Certes, l’impôt sur les revenus des ménages ne représente « que » 8,7% du PIB en France contre 9,4% en moyenne dans l’UE. Mais c’est parce que l’impôt sur le revenu est très concentré en France : plus de 55% des foyers ne sont plus assujettis à cet impôt qui est payé par tous dans de nombreux pays. En France 2% des foyers fiscaux contribuent à 40% du produit de l’impôt sur le revenu et les 10 % des revenus les plus élevés en supportent 70%. Cette concentration de l’impôt sur le revenu devient insupportable, sauf à profiter excessivement des niches fiscales, mais celles-ci sont maintenant plafonnées.

A 48% du PIB (selon Eurostat), les prélèvements obligatoires français sont les plus élevés de l’OCDE et d’Europe. Pour répondre aux demandes légitimes des Gilets jaunes, il faut, non pas augmenter ces prélèvements sur ceux qui en payent déjà beaucoup plus que les autres, mais les réduire pour tous. Et pour ce faire, la seule solution est de réduire le poids des dépenses publiques qui est aussi le plus élevé d’Europe.

Au surplus, l’augmentation du taux de l’impôt sur le revenu tendrait sans doute à en faire baisser le produit selon le principe de Laffer qui veut que lorsque le taux de l’impôt dépasse un certain seuil, variable selon les pays et les époques, le produit de l’impôt baisse par suite des dispositions d’évitement adoptées par les contribuables. C’est ce qui est arrivé au Royaume-Uni après que le gouvernent travailliste eut, en 2010, augmenté le taux de la tranche supérieure de 40 à 50% au-delà de 150 000£, tandis que le produit de l’impôt a augmenté lorsque deux ans plus tard le nouveau gouvernement tory a baissé la tranche supérieure de 50 à 45%.

Augmenter d’une, voire deux tranches comme certains l’envisagent au gouvernement, le taux de l’impôt sur le revenu consisterait à faire peser un poids supplémentaire sur les actifs français qui sont déjà les plus chargés du monde, et peut-être à les inciter à quitter la France. Il faut, à l’inverse, réduire les taux d’imposition, voire n’en avoir plus qu’un, et supprimer toutes les niches, comme l’IREF ne cesse de le proposer.

Abonnez-vous à la Lettre des libertés !

Vous pouvez aussi aimer

Laissez un commentaire