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Au nom du « progressisme », nouvelle censure et nouveaux censeurs

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Dans son essai intitulé La nouvelle censure (Robert Laffont, 1977), Jean-François Revel énumère plusieurs formes de censure : la censure d’Etat, officielle ou officieuse ; la censure par l’argent, occulte et insidieuse ; la censure sociale, qui exclut les non-conformistes ; l’autocensure ; enfin, la censure idéologique en démocratie qui dissuade le public de prendre connaissance d’une œuvre, quelle qu’elle soit, non conforme à la doxa. Tout est alors bon pour la démolir et déconsidérer son auteur. Peu importe le contenu, peu importe l’argumentation. Il ne s’agit pas d’analyser, de discuter, mais de rejeter en bloc, comme on repousse l’hérésie, ce qui ne peut être que nulles et méprisables opinions. A l’époque, Revel était un « dangereux anticommuniste » qui osait mettre en doute, à la fois, l’échec du capitalisme et le succès du marxisme. De nos jours, cette censure idéologique s’est « enrichie » grâce aux nouveaux moyens de communication et aux changements de la société.

Les dogmes du progressisme imposent la censure

Il s’agit toujours d’une censure idéologique exercée au nom du « progressisme » prôné par les bien-pensants, intellectuels, politiques, journalistes, enseignants, réseaux sociaux… Des mots en ont remplacé d’autres : race, genre minorités, ont pris la place du marxisme, communisme, capitalisme, gauche. Mais les sources sont les mêmes, ainsi que les objectifs des (nouveaux) censeurs. Encore, et toujours, il ne peut y avoir qu’une seule vision du monde, uniforme et dogmatique, représentant forcément le Bien. Le Mal est en face, dans la vision de « droite », conservatrice et/ou libérale : une maladie à éradiquer au moins aussi vite que le coronavirus. Pour y parvenir, il faut respecter les dogmes du progressisme. On impose des quotas ; on triture le passé, on l’escamote même ; on interdit des livres ; on chasse, des plateaux, des estrades et des micros, les personnes qualifiées qui oseraient peut-être exprimer un point de vue « inapproprié » ; on lapide certains auteurs dans tous les medias complaisants, on les salit éventuellement…

On a empêché le philosophe Alain Finkielkraut de tenir une conférence à Sciences po, où la discrimination positive et l’écriture inclusive sont de plus en plus pratiquées. Ou l’on se joint, aussi, à la communauté du Bien pour réclamer un quota de minorités à l’opéra et dans les orchestres. D’ailleurs, le directeur de l’Opéra de Paris, Alexandre Neef, a soutenu que « certaines œuvres vont sans doute disparaître du répertoire. Mais ça ne suffira pas. Supprimer ne sert à rien si on ne tire pas les leçons de l’histoire. Pour réussir une rénovation profonde, pour que dans dix ans, les minorités soient mieux représentées à l’Opéra, il fallait une vraie réflexion. Je l’ai confiée à des personnalités extérieures dans un souci d’objectivité accrue, d’une plus grande liberté de parole. » Va-t-on repeindre le cygne noir du Lac des Cygnes ? Ou va-t-on carrément interdire la représentation du ballet ?

A la Metropolitan Opera de New York, il est question de ne plus programmer Aida avec une interprète principale blanche dont le visage et le corps ont été maquillés pour les rendre plus sombres. Les antiracistes poussent parfois la délicatesse très loin : ils ont, il y a peu, été choqués qu’une poétesse noire puisse être traduite par une femme blanche, même si ladite poétesse avait approuvé sans réserves le choix de sa traductrice. Celle-ci, sous la pression d’une militante, a dû faire son mea culpa sur Twitter : une blanche ne peut pas comprendre ce que ressent une artiste noire et peut comprendre le ressenti des personnes noires mécontentes d’être traduites par une blanche. Un homme blanc aurait-il la permission de traduire une femme noire ? Ou un homme noir ? Une femme noire pourrait-elle traduire une femme blanche, ou un homme blanc ? Des individus blancs ont-ils le droit de danser sur une musique noire ? Le musicien Chet Baker, un blanc, avait eu du mal à se faire admettre dans le jazz noir. Nous voici revenus au joli temps de la ségrégation…

De nombreux exemples nous viennent des Etats-Unis mais ces théories ont leurs racines en France. Les lubies « déconstructionnistes » des Michel Foucault, Jean-François Lyotard, Jacques Derrida, ont eu un grand succès dans les universités américaines des années 1970. Et n’oublions pas l’une des plus brillantes de ces stars, le sociologue Pierre Bourdieu, révéré pour sa critique d’une société capitaliste construite sur les mécanismes de la… « domination sociale » et les relations entre dominants et dominés.

Les nouveaux censeurs, moins intellectuels, souvent ignares, ont radicalement simplifié les choses : dire d’un noir qu’il est noir, c’est raciste, point. Quelles que soient les circonstances. Les minorités sont par principe des victimes. Si les casseurs cassent, c’est parce que la société les a abandonnés.

Les plateformes censurent des films, des livres et la gauche veut institutionnaliser la censure

Ces excès sont très contagieux. Ils se sont infiltrés dans les institutions, les administrations, les universités et contaminent maintenant les réseaux sociaux, pourtant symboles de la liberté d’expression. Twitter s’est permis de supprimer le compte du président des Etats-Unis et de bloquer celui du New York Post pour avoir publié – c’était avant l’élection présidentielle – des révélations sur le fils de Joe Biden. Amazon interdit à la vente un livre conservateur qui ose critiquer les personnes transgenres. Toujours sur Amazon, au début du mois de février, les censeurs ont supprimé un documentaire intitulé «Created Equal: Clarence Thomas in His Own Words», réalisé à partir de plus de 30 heures d’entretiens. Le film raconte le parcours du juge Thomas, la pauvreté en Géorgie dans son enfance, puis l’entrée à la Yale Law School et la réussite, sa nomination à la Cour suprême. Le rêve américain, en somme. Mais… bien que noir, Clarence Thomas est conservateur. Il a des opinions, sur la race et les minorités, que les progressistes ne sauraient tolérer. A l’automne dernier le film «What Killed Michael Brown?» d’Eli Steele – une critique des politiques sociales américaines – a subi le même sort.

Il y a quelques jours, Facebook a « critiqué » un article paru dans le Wall Street Journal disant que, grâce à la vaccination, les Américains allaient acquérir plus rapidement l’immunité et que la progression du virus allait probablement être stoppée. Les internautes ont été mis en garde contre cet article. De là à soupçonner que, peut-être, Facebook apporte ainsi un soutien au président Biden et aux Démocrates qui veulent absolument entretenir la panique pour faire passer un nouveau plan de relance de 1900 milliards de dollars…

La censure progressiste n’épargne pas les auteurs pour la jeunesse. L’un des plus connus en Amérique est le Dr Seuss, nom de plume de Theodor Seuss «Ted» Geisel (1904-91). De «GreenEggs and Ham» à «The Sneetches», de «The Cat in the Hat» à «Oh, The Places You’ll Go!», ses livres sont omniprésents sur les étagères des enfants américains. Attention, danger ! On lui a déniché un passé « trouble » et les personnages de ses histoires seraient décidément trop « méchants ».

On peut trouver cette agitation ridicule, absurde, grotesque, les adjectifs ne manquent pas. Mais elle n’est pas dérisoire. Elle est en train de se répandre aussi en politique et d’inspirer des initiatives pour le moins nocives. Deux élus démocrates, Anna Eshoo et Jerry McNerney, ont admonesté les dirigeants des plateformes et des grands médias à propos de leur contenu qui, selon eux, devrait rejeter la « désinformation conservatrice ».

Rejeter la désinformation conservatrice, la belle formule, et la belle conception de la démocratie ! Rejetons donc la désinformation conservatrice. Rejetons d’ailleurs toute information qui ne soit pas estampillée « progressiste » par les autorités compétentes. Coupons son doigt à celui qui le lève pour poser une question. Là où l’idéologie prospère, les censeurs et la censure suivent.

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2 commentaires

Arminius 10 mars 2021 - 7:34

La censure à l’université
Cher monsieur Lecausin,

Excellent article qui fait le point et que l’on peut reprendre comme argumentaire face à la censure qui s’aggrave.
La parole se libère enfin à ce sujet.

Je suis entré dans l’éducation nationale en 1981, l’autocensure je connais et malgré cela j’ai été mis à l’index car « celui qui n’est pas avec nous est contre nous! ».

Respects

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Martron 10 mars 2021 - 7:52

Nature et cullture pour toujours ….
Religions et idéologies se sont toujours opposés à la nature humaine (qui est ce qu’elle est, mais c’est la notre ) quand cela n’est pas pour des raisons strictement animales ,c’est depuis toujours au non d’une religion ou d’une idéologie quelconque ( lendemains qui chantent, homme nouveau ) que les « croyants » de tous poils oppriment et massacrent joyeusement leurs congénères, (oppression et massacres égalent progrès !! )
Et cela n’est pas prèt de changer …Il faut donc se battre ,c’est la nature !!…

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