Le président américain Donald Trump ne semble pas faiblir dans sa volonté d’instaurer des droits de douane sur presque tous les produits importés aux Etats-Unis. Le gouvernement de François Bayrou a décidé, lui aussi, de favoriser les entreprises françaises. Il vient de créer « Je choisis la French Tech » Académie pour former les startups aux marchés publics.
Donald Trump a choisi de s’en prendre à tous les partenaires économiques des Etats-Unis en imposant des droits de douane sur de nombreux produits. Après l’acier et l’aluminium, il s’attaque maintenant aux automobiles, aux semi-conducteurs et aux médicaments. Il est probable que d’autres suivront. Le but avoué de ces opérations est d’inciter les entreprises étrangères à venir produire sur le sol américain.
Encourager le patriotisme économique et technologique français
Alors que l’Union européenne se demande par quels moyens elle peut réagir aux attaques commerciales américaines, le Gouvernement français ne tergiverse pas. Il vient de lancer une formation pour aider les startups à décrocher des marchés publics et ainsi encourager le « patriotisme » économique et technologique.
Curieusement nommée « Je choisis la French Tech » Académie, cette formation en ligne gratuite, mise au point avec une quarantaine d’experts de la commande publique, permettra aux startuppers d’acquérir, en seulement quatre heures, les connaissances nécessaires pour accéder aux marchés publics. Comme le précise le communiqué du ministère de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, les stagiaires apprendront le fonctionnement des marchés publics, mais aussi à identifier les acteurs qui façonnent cet univers, à construire une stratégie efficace en ciblant les marchés innovants, en valorisant leurs solutions et en bâtissant des relations solides avec les acheteurs publics, et à gagner et gérer les premiers contrats.
Le ministère a l’ambition de former 1 000 personnes cette année. Il espère que cela va inciter les startuppers à proposer leurs solutions aux acheteurs publics et que ces derniers vont avoir « un réflexe d’achat French Tech ». Car il est vrai qu’aujourd’hui la part des startups dans la commande publique est plus que marginale. Elle ne serait que de 1,4%. La marge de progression est donc importante.
La simplification des marchés publics passerait-elle à la trappe ?
Ne pourrait-on pas simplifier les règles des marchés publics plutôt que de former les entrepreneurs à les comprendre ?
Il y a moins d’un an, fin avril 2024, les ministres Bruno Le Maire, Olivia Grégoire et Stanislas Guerini présentaient un plan d’action de simplification en direction des entreprises. Il comprenait plusieurs mesures « pour une commande publique simplifiée », notamment la création, d’ici 2028, d’une plateforme (appelée « Place ») regroupant l’ensemble des marchés publics de l’État, de ses établissements publics, des hôpitaux et des organismes de sécurité sociale. Ce plan, qui comprend de nombreuses autres mesures, a donné lieu à un projet de loi qui attend toujours d’être approuvé par le Parlement.
Dernièrement, un décret (JO du 31 décembre 2024) est venu simplifier l’accès des entreprises à la commande publique et assouplir les règles d’exécution financière des marchés publics. Il relève à 300 000 €HT le seuil de dispense de publicité et de mise en concurrence pour les marchés innovants de défense ou de sécurité. Il rehausse aussi de 10 à 20% la part minimale que l’acheteur public peut confier à des petites et moyennes entreprises ou à des artisans. Il permet, par ailleurs, aux collectivités territoriales (jusqu’alors seul l’État pouvait le faire) d’abaisser la retenue de garantie de 5 à 3% lorsque le titulaire est une PME. Un autre décret, paru quelques jours auparavant, proroge d’un an supplémentaire (jusqu’au 31 décembre 2025) le seuil de dispense de publicité et de mise en concurrence préalables pour les marchés de travaux dont la valeur estimée est inférieure à 100 000 €HT.
Ces derniers temps, le mot de « simplification » est dans toutes les bouches. Dans celle du Premier ministre qui, lors de sa déclaration de politique générale, a critiqué la lourdeur de la bureaucratie, « nuisible au développement du pays », et le « poids des normes » qui « pénalise la croissance » et a affirmé vouloir lancer un « puissant mouvement de réforme de l’action publique ». Dans la bouche des parlementaires, des politiques de presque tous les bords, des hauts fonctionnaires et même dans celle d’Ursula von der Leyen.
Mais il y a loin de la coupe aux lèvres. Les deux décrets cités plus haut modifient des textes à la marge, soit pour une catégorie d’entreprises, soit pour des produits ou services particuliers, soit pour un temps donné. En réalité, ils ne s’attachent pas vraiment à simplifier l’existant.
La machine à produire de la norme ne s’arrête jamais
Et pendant ce temps-là , la machine administrative continue inexorablement à produire des textes qui viendront tout alourdir et tout compliquer.
Dernier exemple en date, un arrêté du 13 janvier 2025 « fixant les modalités de déclaration de la part des dépenses relatives à l’acquisition de biens issus du réemploi ou de la réutilisation ou intégrant des matières recyclées » pris dans le cadre du décret n°2024-134 du 21 février 2024 qui accroît la part des acquisitions de biens issus de l’économie circulaire par les acheteurs publics.
Nous pouvons également citer les fiches outils élaborées par la direction des achats de l’État afin d’aider les acheteurs publics à se mettre en conformité avec le plan national pour des achats durables (PNAD) et la loi Climat et Résilience. Ces fiches outils proposent des exemples de clauses et de critères à utiliser par les acheteurs.
Prenons par exemple la fiche « pour des achats éco-responsables » de prestations intellectuelles. Il y est suggéré l’insertion d’une clause prévoyant que « le titulaire du marché estime annuellement la quantité de gaz à effet de serre (GES) émise par le transport du personnel mobilisé durant l’exécution du marché et communique un tableau-bilan à l’acheteur, sous format électronique en accès libre et facilement exploitable, au plus tard à la fin de chaque année civile ». Ou bien des clauses demandant à ce que le titulaire « utilise du matériel affichant un écolabel », à ce qu’il mette en place un espace de travail collaboratif pour le partage d’information et de documentation, limitant ainsi l’échange de mails et le volume des données échangées. Ou encore, si la prestation comprend des déplacements, à ce qu’il privilégie les déplacements à pied, avec des véhicules à propulsion humaine ou en transports en commun.
La direction des achats de l’État a déjà réalisé une dizaine de fiches outils – sur les travaux de menuiserie, les services de blanchisserie, la maintenance des ascenseurs, la téléphonie mobile, etc. Nul doute qu’elle ne s’arrêtera pas en si bon chemin.
Est-ce ainsi que le Gouvernement pense aider les startups, et les entreprises en général, à accéder aux marchés publics ? Ne pense-t-il pas, au contraire, que toutes ces contraintes, forcément coûteuses, puissent les inciter à répondre favorablement à l’appel de Trump ?
En lançant « Je choisis la French Tech » Académie, le Gouvernement avoue, en fait, ne pas croire un seul instant à la simplification administrative qu’il dit vouloir conduire. La machine administrative française est folle et il semble que seul un plan à la Milei ou à la Musk puisse l’arrêter.