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Entrepreneuriat improductif et French Tech

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Le classement du « French Tech Next 40/120 », grand dénicheur et accompagnateur de projets, est attendu chaque année avec intérêt. Ce programme permet à de jeunes entreprises prometteuses de se développer et d’apporter de nouveaux biens, services, innovations susceptibles de changer nos vies.

Le concept schumpeterien de « destruction créatrice » a, depuis quelques années, été un peu vulgarisé et bon nombre de gens en ont entendu parler : il s’agit de la capacité d’une jeune entreprise à bousculer un secteur déjà établi, grâce à l’introduction d’une innovation, et de le mener vers l’obsolescence. Certains – les socialistes notamment –considèrent ce concept comme un mythe mais s’y sont néanmoins intéressés.

Il n’est pas contestable que certains systèmes politiques enserrent l’économie dans un carcan idéologique qui, entre autres effets délétères, restreint la capacité des individus à entreprendre. D’où, dans ces systèmes, le tarissement des entreprises émergentes susceptibles de créer de la valeur ajoutée ; et, encore pire, le risque de voir émerger ce que l’on appelle de l’entrepreunariat improductif.

Un entrepreuneuriat peut en cache un autre

Pour bien comprendre les mécanismes, rappelons les différents types d’entrepreunariat identifiés par le prix Nobel d’économie William Baumol.

 L’entrepreneuriat productif qui implique la création de biens et services conduisant à la création de richesses nouvelles, de nouvelles et meilleures façons de satisfaire nos besoins. C’est le plus courant, généralement associé aux startups, aux petites entreprises et aux nouveaux projets.

L’entrepreneuriat improductif qui implique la mise en œuvre de nouvelles méthodes et techniques pour exécuter des tâches connues, mais sans nécessairement créer de nouveaux biens ou services. On le rencontre souvent dans les secteurs fortement réglementés, monopolisés ou présentant de fortes barrières à l’entrée. Dans ces cas, les entrepreneurs sont moins sous pression et ont le loisir de  se concentrer sur la réduction des coûts, l’amélioration de l’efficacité ou de la qualité des produits ou services existants.

L’entrepreneuriat destructeur qui implique la destruction d’entreprises ou d’actifs existants, souvent par le biais de fusions et d’acquisitions, de réductions d’effectifs ou d’externalisations. Bien que ce type d’entrepreneuriat ne crée pas nécessairement de nouveaux biens ou services, il peut conduire à une efficacité et une compétitivité accrues sur le marché.

Des exemples d’entrepreunariat improductif

Pour en revenir à la French Tech, la socialisation de l’économie française étant ce qu’elle est, on ne s’étonnera pas de retrouver quelques exemples d’aventures entrepreneuriales pouvant être qualifiées d’improductives selon la typologie de Baumol.

Prenons l’exemple de Payfit, une « licorne » (rappel : une entreprise non cotée en bourse, valorisée à plus d’un milliard de dollars) dont la mission est de permettre aux entrepreneurs de gérer leurs fiches de paie directement en ligne. Son fondateur explique qu’avant la création de son entreprise en 2015, il fallait faire appel à un expert-comptable pour gérer cette fonction vitale. La multitude des informations à rassembler (congés, acomptes sur salaire, etc.), la mise en forme des documents à déclarer, sont des opérations devenues tellement complexes qu’elles impactent fortement la conduite des affaires. L’inflation normative folle des vingt dernières années n’est pas sans conséquences sur la santé des entreprises.

source : https://www.lepoint.fr/economie/l-inflation-normative-francaise-illustree-11-03-2021-2417322_28.php

Autre exemple, une entreprise du Next 40 spécialisée dans les titres-restaurants, qui profite du savoir-faire français en matière de rente monopolistique et de gastronomie. Le succès de ce fameux système concocté sous le régime de Vichy puis repris par l’industriel Jacques Borel en 1962, est essentiellement dû à l’exonération de cotisations sociales et impôts sur ses titres-restaurant. Cela a inspiré des entrepreneurs malins de la French Tech qui ont lancé Swile, comptant aujourd’hui plus de 600 salariés. Elle a rejoint le cercle des fournisseurs de titres-restaurants incluant Sodexo, Natixis Intertitres, Edenred (Accor) et le groupe Up. Le groupe des rentiers, en l’occurrence oligopolistique, a accepté l’entrée d’une jeune pousse dans leur cercle très prisé. On peut parler de rente car, peu de consommateurs le savent, les frais de transaction des titres-restaurant s’élèvent à 4% en moyenne, quand une transaction avec une carte de crédit habituelle tourne autour de 0.4%. Soit 10 fois moins.

Des licornes, oui, mais pour quoi faire ?

L’État et certains entrepreneurs se gargarisent de la création de ce genre d’entreprises dont les revenus et les emplois grimpent. Beaucoup de citoyens s’y laissent prendre aussi, car les apparences sont flatteuses. Ces créations sont pourtant une sorte de mirage, une bulle. Elles ne doivent leur existence  qu’à la multiplication des normes et à des montages souvent opaques, néfastes pour l’organisation des entreprises et donc leur rentabilité. Parfois, pire encore, leur modèle d’affaires ne tient qu’à un privilège octroyé de facto par la réglementation, voire par des connivences cachées, qui imposent des barrières fortes à l’entrée. Cela, on ne le voit pas.

Pour reprendre l’exemple des titres-restaurant, un bureaucrate se réjouira peut-être que l’on consacre des dépenses à un secteur qui fait vivre une partie de la  France. On peut, au contraire, espérer plutôt qu’un jour les consommateurs ne seront plus contraints de participer à la perpétuation des rentes d’acteurs ne proposant aucune valeur ajoutée. Qu’un jour, le « cadeau » de titres-restaurants sera remplacé par des baisses d’impôts et de cotisations sociales sur la somme perçue chaque mois par les salariés et qu’ils pourront, en citoyens libres, répartir leurs dépenses en fonction de besoins qu’ils évalueront eux-mêmes.

Les entrepreneurs doivent être conscients de toutes les configurations possibles pour bien choisir leur voie, déblayer le terrain, repérer les embûches et tracer clairement un modus operandi avant même de s’occuper de l’essentiel de leurs affaires. Il serait encore plus souhaitable qu’en amont, nos dirigeants soient, eux aussi, bien informés sur ces différentes catégories d’entrepreunariat. Cela leur éviterait de s’emballer parfois pour des projets qui, finalement, dévient de la route qu’on espérait les voir suivre.

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