Molière sera prochainement mis à l’honneur au château de Vaux-le-Vicomte dans le cadre de «[ l’année] Molière », année au cours de laquelle une production journalistique et éditoriale souvent de qualité n’a hélas pas empêché les poncifs de se déverser régulièrement – « gloire nationale », « génie de la langue française » ayant largement contribué au « rayonnement de la France dans le monde », etc. –, poncifs contrastant d’ailleurs curieusement avec l’occultation parallèle d’un trait pourtant majeur de l’écriture de Molière : sa fondamentale liberté de ton, laquelle ne serait au vrai guère tolérée aujourd’hui s’il revenait parmi nous, à l’ère du prêt-à -penser « politiquement correct » et du garde-à -vous idéologique de rigueur.
Mathieu Laine ne s’y est pas trompé en incluant Molière dans son Dictionnaire amoureux de la liberté (Paris, Plon, 2016). « Molière a brûlé, y écrit-il, du début à la fin, de sa passion pour la liberté ». La scène est en effet pour Molière le lieu par excellence où l’on peut rire à volonté des conformismes, des modes et des travers sociaux, par le truchement des mots, du déguisement et de tout ce qui fait le talent du jeu d’acteur (voix, gestuelle, grimaces, pour lesquelles Molière était notamment connu). Des Précieuses ridicules (1659) au Malade imaginaire (1673), en passant par le Tartuffe (1664) et Le Bourgeois gentilhomme (1670), Molière se révèle avec brio être « ce grand peintre de l’homme tel qu’il est » (Stendhal), dévoilant les hypocrisies, l’inanité des conventions et les ridicules de certains types de personnages propres à son temps (médecins dépeints comme de nouveaux scolastiques, précieuses, faux dévots, etc) avec un talent, une acuité, une audace et une indépendance des plus rares.
Indépendance sans doute rendue possible par le fait que Molière, même s’il fut titulaire de la charge paternelle de tapissier-valet de chambre du roi, même s’il bénéficia d’une pension annuelle accordée par Louis XIV, ne fut pas uniquement tributaire de la cassette royale, loin de là . Si Molière est célébré aujourd’hui, c’est aussi, ne l’oublions pas, parce que son public parisien (pour lequel il créa sans doute ses plus grandes œuvres) lui a permis d’échapper au dirigisme culturel de Louis XIV et de Colbert.
2 commentaires
Excellent commentaire.
N’oublions pas que Molière s’exprimait dans un royaume réputé par certains comme dictatorial ! Aujourd’hui, nous sommes en république, laquelle est réputée toujours par certains comme une réelle démocratie où la liberté d’expression est censée totalement exister. Malheureusement nous assistons de plus en plus au règne du politiquement correct où seuls les tenants de la bien pensante auraient le droit de s’exprimer !! Lamentable ! Louis XIV pourrait donner des leçons. à notre « Jupiter » !!