L’événement est passé presque inaperçu en France. Et pour cause. Les Français ne sont pas habitués à des décisions de ce genre. Le 5 mai dernier, la Cour constitutionnelle allemande basée à Karlsruhe a considéré que la BCE (Banque centrale européenne) pourrait avoir agi en dehors de ses compétences en décidant d’acheter de la dette publique. Le tribunal a donc suspendu la participation de la Bundesbank au programme de la BCE jusqu’à ce que cette dernière apporte la démonstration, dans un délai de trois mois, du caractère nécessaire et proportionné de ce programme.
Les plaignants, dont l’entrepreneur Patrick Adenauer, petit-fils de l’ancien chancelier allemand Konrad Adenauer (1949-1963), ont affirmé que la BCE avait outrepassé son mandat en renflouant les États de la zone euro en difficulté financière et en poursuivant une politique économique plutôt que monétaire. Entre mars 2015 et décembre 2018, la BCE a acheté pour environ 2,6 Mds d’euros d’obligations d’État et autres titres afin de stimuler l’activité économique dans la zone euro. Au 1er novembre 2019, la banque centrale de l’Union européenne a repris ces achats controversés, initialement à une échelle relativement petite de 20 Mds d’euros par mois.
Avec cette décision, la Cour de Karlsruhe a réaffirmé son indépendance par rapport au monde politique, ce qui n’est pas vraiment le cas de la plus haute juridiction de l’UE. Dans un geste étrange, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a annoncé l’intention de l’UE d’ouvrir une «procédure d’infraction» contre l’Allemagne. La commission estime que la Cour, en tant que juridiction nationale, ne peut pas dévier de la position de la Cour de justice européenne, car la politique monétaire de la zone euro est une responsabilité exclusive de l’UE.
Cela peut conduire à une discussion importante pour déterminer si la Cour constitutionnelle d’un État membre peut rendre un verdict qui contredit la Cour de justice européenne et s’il existe des divergences dans leur interprétation des questions juridiques fondamentales. Un autre débat est nécessaire pour clarifier les perspectives de l’UE – doit-il s’agir d’une union d’États souverains ou d’un État unitaire avec un certain degré de décentralisation?
En tout cas, la décision courageuse de la Cour lancera un processus juridique et politique nécessaire. Berlin ne pourra ignorer cette décision historique.
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