Dans un nouveau rapport publié le 9 décembre, fruit de deux années d’enquête, France Stratégie dresse un portrait alarmant du niveau d’attractivité de la fonction publique. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 15 % des postes offerts aux concours de la fonction publique d’État n’ont pas été pourvus en 2022 ; parmi les 21 % des lits de l’APHP fermés la même année, 70 % l’étaient par manque de personnel ; 64 % des collectivités territoriales avaient au moins un domaine professionnel en tension en 2023. L’institution note que le recrutement de salariés contractuels ne compense aucunement la pénurie. Dans la fonction publique d’Etat par exemple, le nombre de candidats entre 2016 et 2022 s’est effondré de 50 %. Dans un pays vieillissant comme le nôtre, il y a peu de chances que les choses évoluent autrement : le secteur privé attire davantage les jeunes que le public, en particulier s’ils sont très diplômés.
Selon France Stratégie, le déséquilibre est structurel depuis 2010. Comment l’expliquer ? L’institution remarque que les éléments propres à la fonction publique, qu’ils soient matériels ou symboliques, ont perdu de la valeur aux yeux des citoyens, mais aussi des fonctionnaires : un emploi à vie perçu comme un risque d’enfermement, de faibles perspectives d’évolution, une rémunération en moyenne moins attractive que dans le secteur privé, un manque de reconnaissance… Ce qu’elle ne dit pas, en revanche, c’est que cette situation est largement imputable au refus de réformer en profondeur la fonction publique depuis des années. Nombreux sont les pays étrangers qui ont réussi à rendre leur fonction publique plus attractive en calquant un modèle proche de celui du secteur privé, au bénéfice de tous. Espérons que le ministre Guillaume Kasbarian, s’il demeure en fonction, s’en inspire : licenciement facilité, rémunération au mérite, parcours axé sur les compétences et la mobilité… en bref, un système méritocratique. Dans un monde idéal, les Français pourraient voter la suppression du statut, comme les Suisses l’ont fait il y a plus de vingt ans ; ils verraient que le monde ne va pas s’effondrer ; au contraire.