Michel-Edouard Leclerc était l’invité du Grand Jury RTL le 24 novembre. Il y a confirmé qu’il n’était pas libéral (nous nous en étions déjà fait l’écho) et que sa pensée, si elle était parfois juste, versait trop souvent dans la confusion.
A la question de savoir s’il avait songé à devenir ministre, il a répondu qu’il y avait songé et qu’il avait été sondé à cet égard, mais qu’il pensait être plus utile à son poste de président du comité stratégique des Centres Leclerc. Sur ce point, le grand homme d’affaires fait preuve de lucidité, car les consommateurs peuvent lui savoir gré de leur proposer de la qualité au meilleur prix. En revanche, il ferait sans doute un très mauvais ministre, mais peut-être ne dépareillerait-il pas dans un gouvernement…
Il a cependant fait part du fait qu’il avait hésité et qu’il ne s’interdisait rien pour l’avenir. En effet, il croit « au primat du politique, à la grande chose du politique ». « Je ne suis pas libéral-libéral ; je suis social-libéral ». « Le marché fait pas (sic) tout ; il faut de la régulation (sic : réglementation) ». C’est déjà une fausse conception du libéralisme, qui ne s’en tient pas au marché, mais qui défend la séparation de la société civile et de l’État, et qui conçoit la société civile comme bien plus large que la seule sphère marchande.
Avec une telle conception erronée, il ne faut pas s’étonner que Michel-Edouard Leclerc s’égare souvent. La ratification du traité avec les pays du Mercosur ? « Je suis d’accord avec la FNSEA. L’accord ne doit pas être signé ». Mais Michel-Edouard Leclerc soutient le secteur industriel exportateur en Amérique-du-Sud qui ne doit pas devenir la chasse gardée de la Chine et d’autres pays. Autrement dit, les exportations sont bonnes, mais les importations sont mauvaises ! La loi Egalim, qui régit les relations entre les producteurs et la grande distribution ? L’homme d’affaires ne s’oppose pas à l’interventionnisme de l’État. Au contraire, il veut étendre la loi à tous les acteurs qui en sont exonérés.
Parfois, Michel-Edouard Leclerc voit plus ou moins juste. La « taxe obésité » ? « C’est du baratin », rétorque-t-il, opposé qu’il est aux « taxes punitives ». La hausse, présentée comme exceptionnelle, des impôts sur les grandes entreprises et les plus riches ? Il répond qu’il y a « dérive des finances publiques », qu’il faut en conséquence d’abord « mettre à plat les comptes publics », faute de quoi on remettra « de l’eau dans un tonneau percé ».
Mais là où Michel-Edouard Leclerc est le plus confus, c’est lorsqu’il répond à une question sur la « Tva sociale ». Il déclare qu’il ne partage pas le point de vue du président du Medef (Medef auquel les centres Leclerc n’appartiennent pas), ce en quoi il a parfaitement raison, mais il prône immédiatement après une solution délirante à la question des charges sociales. Il constate que celles-ci pèsent uniquement « sur le travail » et qu’il conviendrait dès lors  de « transférer le paquet de charges sociales pour faire cotiser ce qui menace cet emploi », à savoir la digitalisation et la robotique.
Or, comme le dit fréquemment notre ami Alain Madelin, « lorsqu’on met un impôt sur les vaches, ce ne sont pas les vaches qui payent l’impôt »… Le problème n’est donc pas de « transférer » des charges, mais de supprimer le mécanisme qui impose des charges excessives, à savoir le modèle social français « quelemondenetiernousenvie » mais que nul n’entend copier.
Plutôt que de massacrer socialement et fiscalement les secteurs d’avenir, on ferait mieux de les traiter avec grand égard (ce qui ne veut pas dire leur octroyer des privilèges) et de mettre en place un « écosystème » favorable à l’innovation. Surtout lorsque la France est à la traîne, ce qui est particulièrement le cas dans le domaine crucial de la robotisation…