Dans un rapport sur « L’allongement de la vie professionnelle des agents dans une fonction publique vieillissante », la Cour des comptes aborde la question du « vieillissement démographique structurel de la fonction publique d’État » qui « va être accentué par l’allongement des carrières découlant des réformes des retraites successives ». Face à ce phénomène, Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes (67 ans) appelle l’État à « mieux anticiper et piloter ses conséquences sur la carrière des agents et leur adaptation à de nouveaux métiers et missions ».
 Le rapport mentionne que 33% des agents de la fonction publique d’État ont plus de 50 ans (chiffres de 2022), et que la part des plus de 60 ans est passée de 4% en 2010 à 9% en 2021 et devrait atteindre 12% à l’horizon de 2030. La Cour préconise la mise en place d’une véritable gestion prévisionnelle des effectifs, des emplois et des compétences (GPEEC) de l’État afin, notamment, de mieux anticiper ce phénomène et « profiler les politiques de recrutement et les effectifs de l’État ».
Arrêtons-nous sur l’une des six recommandations du rapport : « Utiliser les ruptures conventionnelles dans les cas d’absence de perspective de troisième temps de carrière constatée par l’employeur et lorsque le coût est inférieur au maintien dans l’emploi ».
Depuis le 1er janvier 2020 (et jusqu’au 31 décembre 2025), il est en effet possible de réaliser des ruptures conventionnelles dans la fonction publique pour les agents (fonctionnaires titulaires et agents contractuels en CDI) n’ayant pas atteint une durée de cotisation leur permettant de liquider leur retraite sans décote. Ils reçoivent alors une indemnité spécifique (ISRC) et peuvent prétendre au bénéfice de l’assurance chômage.
La Cour des comptes vise explicitement les « agents de plus de 60 ans des catégories A et A+ », dont la croissance des effectifs est avérée et inévitable, et dont « les parcours de fin de carrière ou de troisième temps de carrière sont reconnus par l’administration elle-même comme problématiques ».
Il faut bien reconnaître que les ruptures conventionnelles peuvent être un outil bien utile pour faire baisser les effectifs de la fonction publique et faire des économies. Mais ce n’est pas vraiment ce que souhaitent les magistrats financiers. En effet, ils pensent que le départ des plus âgés pourrait permettre le recrutement d’agents plus jeunes « donc moins onéreux ». C’est faire là un drôle de calcul, car il est peu probable qu’un fonctionnaire senior retrouve, comme par miracle, un emploi salarié dans le secteur privé. Il sera donc au chômage jusqu’à ce qu’il puisse faire falloir ses droits à la retraite. Il restera donc à la charge de la collectivité.
La proposition de la Cour des comptes est étonnante dans le contexte actuel où les gouvernements successifs cherchent à améliorer le taux d’emploi des seniors (55-64 ans) qui est de 60,8% en France, alors qu’il est de 75% en Allemagne et au Danemark, et de 78% en Suède. Rappelons que la dernière réforme des retraites prévoyait la mise en œuvre d’un « index senior » afin d’encourager les grandes entreprises à recruter des profils seniors (mesure retoquée par le Conseil constitutionnel).
La recommandation laisse aussi perplexe quand on sait que les partenaires sociaux ont signé, le 14 novembre 2024, un accord national interprofessionnel (ANI) qui vise, notamment, à rendre obligatoire une négociation dans les branches et les entreprises devant porter sur le recrutement des salariés expérimentés ; le maintien dans l’emploi et l’aménagement des fins de carrière ; la transmission des savoirs et des compétences des salariés expérimentés (ex : missions de mentorat, de tutorat, mécénat de compétences, etc.).
Pourquoi ne pas plutôt utiliser la rupture conventionnelle pour les moins âgés des agents publics, c’est-à -dire ceux qui auront le plus de chance de retrouver un emploi dans le secteur public ? Ce serait là une vraie source d’économies. A moins que la bonne solution soit celle du président argentin Javier Milei (se séparer des incompétents) ?