Les électeurs allemands ont voté en masse le 23 février pour élire leurs députés, mais, une nouvelle fois, la constitution d’une majorité sera le fruit de tractations de couloir.
On nous serine depuis des mois que notre mode de scrutin majoritaire à deux tours est une horreur et que sa substitution par un mode de scrutin proportionnel est rien moins que la panacée. Les élections législatives allemandes du 23 février, qui ont connu une large participation (84 % des électeurs), nous démontrent le contraire.
Rappelons au préalable que le mode de scrutin allemand est un mode mixte très complexe, mais au sein duquel la proportionnelle est prépondérante. Or, une nouvelle fois, il n’a pas produit de majorité absolue. Voici les résultats des suffrages exprimés :
- Chrétiens démocrates 28,6 %
- Extrême droite 20,8 %
- Sociaux-démocrates 16,4 %
- Ecologistes 11,6 %
- Extrême gauche 8,8 %
- Libéraux 4,3 %
Voici maintenant les sièges attribués :
- Chrétiens démocrates 208
- Extrême droite 152
- Sociaux-démocrates 120
- Ecologistes 85
- Extrême gauche 64
- Autres 1
- Libéraux 0 (car il faut recueillir au moins 5 % des suffrages exprimés pour obtenir des sièges, la proportionnelle allemande n’étant -heureusement- pas intégrale)
Le paysage politique allemand se trouve donc très fragmenté avec une forte présence des extrêmes. Les chrétiens-démocrates remportent une victoire, mais sans gloire (+4,5 % par rapport aux élections de 2021) en dépit de la déroute subie par les sociaux-démocrates (-9,3 %), les libéraux sont éjectés de la chambre basse (-7,2 %), les Ecologistes sont en baisse sensible (-3,2 %), mais c’est l’extrême gauche (+3,9 %) et avant tout l’extrême droite (plus qu’un doublement des suffrages reçus) qui tirent leur épingle du jeu.
Le calcul est simple à faire. Aucun parti n’ayant à lui seul, et de loin, obtenu la majorité absolue qui se situe à 316 sièges, une coalition est nécessaire et il n’existe que deux possibilités : chrétiens-démocrates et extrême droite avec 360 sièges ou bien chrétiens-démocrates et sociaux-démocrates avec 328 sièges. Comme la première branche de l’alternative a été rejetée dès l’origine par la droite, il n’y aura d’autre choix que de former une coalition entre les chrétiens-démocrates et des sociaux-démocrates pourtant battus à plate couture et déconsidérés. Et comme Olaf Scholz était la tête de liste des sociaux-démocrates, il a été réélu député en dépit de son vibrant échec au gouvernement.
Magnifiques résultats du scrutin proportionnel que la constitution à l’issue des élections et dans le dos des électeurs d’une coalition contre nature ! Au fait, qu’en pensent nos constitutionnalistes de gauche (Anne-Charlène Bezzina, Benjamin Morel et autres) thuriféraires du scrutin proportionnel et omniprésents dans les médias ?