L’Europe a essayé lundi de se mettre sinon en ordre de bataille, du moins en situation de se préparer à un lâchage complet de l’Ukraine, voire du continent tout entier par la Maison-Blanche, au vu des signaux qui se multiplient. Le sommet informel de Paris a rassemblé autour du président Macron les chefs de gouvernement britannique, Keir Starmer, allemand, Olaf Scholz, italien, Giorgia Meloni, polonais, Donald Tusk, mais aussi espagnol, néerlandais et danois. Il s’agissait d’une part de discuter du principe de continuer à soutenir politiquement et, surtout, militairement l’Ukraine au cas, assez probable, où Washington suspendrait son aide, en évaluant les possibilités du complexe militaro-industriel européen, d’autre part de discuter d’un déploiement éventuel de forces d’interposition au cas où serait signé, sous parrainage américain, un cessez-le-feu entre Moscou et Kiev. Londres s’est dit, comme Paris et Stockholm, prête à contribuer à une telle force garantissant la sécurité de l’Ukraine en cas de deuxième invasion russe, mais qui ne pourrait se déployer qu’avec un feu vert de Moscou, sauf à assumer de devenir tout de suite cobelligérant. Feu vert peu probable et qui explique pourquoi Moscou tient à ce que les Européens ne soient pas à la table des négociations.
Ces questions sont d’autant plus cruciales que Donald Trump multiplie les messages indiquant qu’il est prêt à passer un accord avec Poutine à tout prix, y compris à rebours des intérêts mêmes de son pays, ce qui a de quoi nourrir bien des soupçons sur la lucidité ou la probité du nouveau président américain.  Il envisage de réintégrer la Russie au G8, concession offerte avant même que le Kremlin ne l’ait demandé, de retirer les soldats américains des Etats baltes, pourtant membres de l’OTAN et en première ligne face à la Russie, et de lever les sanctions sur la Russie, alors que ces dernières ouvraient un boulevard en Europe aux exportateurs américains d’hydrocarbures.
Juste avant le début de ces entretiens, Emmanuel Macron s’est entretenu au téléphone avec Donald Trump, dont le secrétaire d’Etat, Marco Rubio, se rend ce mardi à Riyad pour rencontrer son homologue russe, première rencontre de ce niveau depuis le début de la guerre il y a trois ans, pour discuter d’une normalisation des relations, sans même évoquer l’Ukraine. Le chef de l’Etat ukrainien Volodymyr Zelensky se rendra également en Arabie saoudite mercredi, après avoir prévenu que son pays “ne reconnaîtrait” aucun accord conclu sans lui sur son propre avenir. Le Premier ministre Keir Starmer a pour sa part fait savoir qu’il rencontrerait “la semaine prochaine” Donald Trump à Washington. Les pays de l’Union européenne vont chercher cette semaine à Bruxelles à accroître rapidement leur aide militaire à l’Ukraine, avec, en particulier, selon plusieurs diplomates européens, une quantité “minimum” d’un million et demi d’obus d’artillerie.
5 commentaires
Réagir au lieu d’agir. Qu’est-ce qui empêchait les pays d’Europe de prendre des initiatives ? Comment peut-on ne pas se réjouir qu’enfin un pays d’envergure internationale et capable , lui, de faire entre sa voix engage un processus vers la paix ?
Il faut se rappeler que même si l’Europe a plus que raté le coche, lors de l’indépendance de l’Ukraine, Clinton avait usé de son pouvoir de persuasion en qualité de grande puissance pour persuader l’Ukraine de rendre aux Russes les 1100 ogives nucléaires positionnées sur son sol en contrepartie de quoi, les USA et les GB garantissaient à l’Ukraine la garantie de leurs frontières. Moralité : en 2014, lorsque les Russes ont mis la main sur la Crimée, personne n’a bronché. Pas plus, d’ailleurs, ou peu s’en faut, que lorsque les Russes ont massacré les Tchètchènes ou envahi la Géorgie, etc. Les Russes ont transféré au cours des décennies passées de nombreuses familles Russes vers certaines Oblast d’Ukraine ce qui leur a permis par la suite de prétendre qu’ils devaient défendre leurs frères contre les “nazis” ukrainiens !!! Les Européens et les US ont beaucoup tardé à se manifester. Il est tellement plus confortable de laisser faire. Toutefois, après coup, les dirigeants européens, la commission européenne et les USA ont assuré l’Ukraine de leur soutien indéfectible. Et tout d’un coup, Trump fait volte face et cherche à traiter directement avec Poutine au probable détriment de l’Ukraine (sauf miracle…). Il n’y a pas de quoi se réjouir quand l’un des principaux alliés vous tourne le dos alors que le principal intéressé n’a pas démérité.