La question des pouvoirs exceptionnels, états d’exception, et législations d’exception est l’une des plus ardues qui soient pour un constitutionnaliste. Elle pose une question essentielle qui taquine les publicistes depuis toujours : qui détient la souveraineté ? Dans l’optique du juriste allemand Carl Schmitt, ultérieurement théoricien du nazisme, « est souverain celui qui décide de la situation exceptionnelle ». L’expression en elle-même est ambiguë car la traduction de l’allemand pourrait tout aussi bien être « celui qui décide dans la situation exceptionnelle » ou encore « celui qui décide de/dans l’état d’exception »…. Serait souverain celui qui détiendrait le monopole de la décision. Si nous appliquons cette définition à la Constitution de la Ve République, alors le Président de la République serait le souverain puisqu’il est le titulaire des pouvoirs exceptionnels selon l’article 16, alors même que le « peuple » est titulaire de la souveraineté nationale en vertu de l’article 3…
Les publicistes se débattent depuis longtemps avec la notion de pouvoirs exceptionnels car ils réfléchissent habituellement et logiquement pour les temps « normaux ». Dès lors, un texte constitutionnel doit-il prévoir la possibilité d’un temps de crise ? Est-ce opportun alors même qu’il y a contradiction à envisager ce qui ne peut l’être vraiment ? Dans l’orbe du constitutionnalisme, il s’agit à l’évidence d’encadrer ou de tenter d’encadrer des temps dangereux. Car le risque des crises est double : immédiatement de porter atteinte de manière irrémédiable à l’État de droit ; après la crise, de le miner par le maintien au moins d’une partie des règles et dispositions prises durant la période litigieuse.
Supposons que les temps de crise amènent à la violation de la Constitution, les dispositions textuelles n’auraient évidemment plus aucune utilité, mais surtout la Constitution elle-même risquerait à terme de ne plus avoir de majesté et finalement d’effectivité. Dans l’esprit d’un Benjamin Constant, marqué par le contexte révolutionnaire et la succession de coups d’Etat, la moindre violation de la Constitution était inacceptable car destructrice du texte. Le constitutionnaliste semble donc écartelé entre l’édiction de règles qui risquent de ne pas être respectées et l’absence de règles propice aux violations des droits de l’homme. Et c’est bien cela que le libéral a en tête : le risque que, ébranlé par une crise, l’État en sorte non seulement indemne – ce qui est l’objectif –, mais encore renforcé – alors même que l’objectif suprême est la conservation de l’individu et non pas de l’État.
La généalogie de la notion de « circonstances exceptionnelles » est d’ailleurs révélatrice. Initialement, celle-ci ne renvoie pas à la théorie des pouvoirs de guerre découverte par le Conseil d’État à la fin du premier conflit mondial, mais à l’interventionnisme local destiné à pallier l’insuffisance de l’initiative privée au début du XXe siècle, à la grande période dite du socialisme municipal…
L’état d’urgence sanitaire issu de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 n’est malheureusement pas un texte isolé (I). Il n’est que le prolongement de nombreux dispositifs, d’autant plus préoccupants qu’ils se sont multipliés ces dernières années (II). Il amène à s’interroger dès lors sur la légitimité d’une législation d’exception et plus fondamentalement d’une disposition sur les situations de crise dans une Constitution (III).
L’état d’urgence sanitaire
C’est à la suite d’une intense réflexion que la loi du 23 mars 2020 a modifié le Code de la santé publique en insérant un nouveau chapitre à ce sujet. Initialement avait été émise l’idée de l’utilisation de l’article 16 de la Constitution relatif aux pouvoirs exceptionnels du chef de l’État. L’idée était pour le moins saugrenue puisque, à l’évidence, les conditions n’en étaient pas remplies. En effet, les institutions de la République, l’indépendance de la Nation, l’intégrité de son territoire ou l’exécution de ses engagements internationaux n’étaient nullement menacées d’une manière grave et immédiate. Quant au fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels, il n’était nullement interrompu. C’est tout d’abord par une série d’arrêtés du ministre de la Santé que le Gouvernement a paré au plus pressé avant que le Premier Ministre ne prenne, le 16 mars 2020, un décret de confinement – dont la légalité est au demeurant contestée par certains constitutionnalistes.
La loi du 23 mars 2020 dispose que l’état d’urgence sanitaire peut être déclaré sur tout ou partie du territoire « en cas de catastrophe sanitaire mettant en péril, par sa nature et sa gravité, la santé de la population » et ce, par décret en conseil des Ministres pris sur le rapport du ministre chargé de la santé. Sa prorogation au-delà d’un mois ne peut être autorisée que par une loi. Un décret en conseil des Ministres peut y mettre fin avant l’expiration du délai fixé par la loi le prorogeant.
Le Premier Ministre est habilité à limiter les libertés de dix manières différentes : restreindre ou interdire la circulation des personnes et des véhicules dans les lieux et aux heures fixés par décret ; interdire aux personnes de sortir de leur domicile sous réserve des déplacements strictement indispensables aux besoins familiaux ou de santé ; ordonner des mesures ayant pour objet la mise en quarantaine des personnes susceptibles d’être affectées ; ordonner des mesures de placement et de maintien en isolement des personnes affectées à leur domicile ou tout autre lieu d’hébergement adapté; ordonner la fermeture provisoire d’une ou de plusieurs catégories d’établissements recevant du public ainsi que des lieux de réunion à l’exception des établissements fournissant des biens ou des services de première nécessité ; limiter ou interdire les rassemblements sur la voie publique ainsi que les réunions de toute nature ; ordonner la réquisition de tous biens et services nécessaires à la lutte contre la catastrophe sanitaire ainsi que de toute personne nécessaire au fonctionnement de ces services ou à l’usage de ces biens ; prendre des mesures temporaires de contrôle des prix de certains produits rendues nécessaires pour prévenir ou corriger les tensions constatées sur le marché de certains produits ; prendre toute mesure permettant la mise à la disposition des patients de médicaments appropriés pour l’éradication de la catastrophe sanitaire ; enfin, prendre par décret toute autre mesure règlementaire limitant la liberté d’entreprendre pour mettre fin à la catastrophe sanitaire.
La loi encadre de plusieurs manières cette restriction des libertés : les décrets ne doivent avoir pour fin que de « garantir la santé publique » ; les mesures prises doivent être « strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu » ; il doit y être mis fin sans délai lorsqu’elles ne sont plus nécessaires ; les mesures peuvent faire l’objet de recours d’urgence devant le juge administratif. Évidemment, le Conseil constitutionnel pourrait être ultérieurement saisi de la constitutionnalité d’une mesure par le truchement d’une question prioritaire de constitutionnalité. Ultérieurement seulement, puisque nul n’a saisi le Conseil constitutionnel pour vérifier la constitutionnalité de la loi !
9 commentaires
Constitution, état d’exception et état d’urgence sanitaire
L’état d’urgence sanitaire, radars privés 24/24 365j /an l’espionnage organisé avec google qui en profite pour ne pas payer d’impôts, caméras sonore, etc…La vie va devenir infernale ou sommes nous gouvernés de plus en plus par des escrocs qui n’ont qu’un seul objectif piller la société.
C’est une question que tout le monde doit se poser aujourd’hui, mais peut-être que cela est déjà le cas au regard du nombre d’abstentions lors des élections ce qui ne dérange nullement cette grosse bande mafieuse. Reste le problème migratoire et la destruction systématique de nos cultures. Tout est fait par nos nouvelles gouvernances locale et nationales pour aller vers quelque chose de pas très beau. Je souhaite seulement que le jour venu les bonnes cibles seront atteinte et non pas tout ceux qui subissent déjà toutes ces contraintes extrémistes dignes des meilleures dictatures parce que cette médiocre gouvernance est incapable de gérer les problèmes provoquées par quelques minorités et que le pouvoir et le fric leur monte à la tête.
Constitution, état d’exception et état d’urgence sanitaire
Enfin, nous y voila !
Là et maintenant, MACRON entre dans la phase de concrétisation de son projet démoniaque.
Le puzzle est quasiment cristallin et on peut faire crédit – dans le sens confiance ( paradoxalement !) – au gamin psychopathe pour tenter d’imposer à une classe politique hébétée ( dont il avait pris parfaitement la mesure en 2016/2017 ) et bien incapable d’opposer un discours public cohérent et constructif pour éclairer la majorité déjà dépouillée insidieusement de ses libertés fondamentales.
Au nom de la santé publique, instaurée en valeur – et même principe constitutionnelle grâce à la complicité et la duplicité de 9 « Sages » corrompus jusqu’à l’os par des gratifications d’ego ( Juppé et Fabius) et d’espèces sonnantes et trébuchantes ( 100.000 €/an par individu en toute illégalité et non imposable )- MACRON va mettre en œuvre un coup d’Etat « démocratique » qui fera main basse sur la prochaine échéance présidentielle.
Ici, je laisse à chacun sa propre capacité d’imagination pour écrire le scénario des prochaines étapes qui, pendant, les 6 prochains mois vont jalonner le rapt « en douceur et profondeur » de la démocratie pour la désignation par le vote au suffrage universel direct du prochain Président de la République, et en respectant les procédures et modalités telles que la Constitution actuelle les prévoit !
Encore un tour de passe-passe que seul un pervers de ce niveau est en mesure de mettre en œuvre bien entouré d’une escouade aux ordres ( la caste dont le périmètre est aisé à circonscrire et même à designer quasi nominativement).
Notre Loi suprême a été conçue, écrite par un homme d’Etat, sincèrement démocrate ( il l’a prouvé au moins en 1946 et 1969) mais taillée à sa mesure pour être mise en œuvre dans des circonstances exceptionnelles mais paradoxalement établissant une lien directe entre le peuple souverain et le Président ( Monarque !), lui confère une légitimité tellement dense que celui-ci peut en user et abuser à sa guise comme depuis 18 mois…
Elle contient donc un vice rédhibitoire pour la démocratie : sa force, en temps de crise, crise sanitaire (sans décès ?) que MACRON a su installer tout en faisant croire à une « majorité » de français bien « sondés » …est sa faiblesse car elle masque et met de côté que la vraie souveraineté est celle de chaque citoyen, chaque individu libre et non pas celle d’un État ou d’une république qu’on met à toutes les sauces.
Personnellement,, je n’attends qu’un grain de sable, et pour tout dire je l’espère ardemment, pour faire dérailler le train dans lequel Lénine – pardon MACRON !.- avait embarqué en 1917 partant de Suisse pour la Russie et dont chacun sait parfaitement par qui il était financé et protégé : les banquiers allemands .
Constitution, état d’exception et état d’urgence sanitaire
Bonjour,
Vous écrivez : »La loi du 23 mars 2020 dispose que l’état d’urgence sanitaire peut être déclaré sur tout ou partie du territoire « en cas de catastrophe sanitaire mettant en péril, par sa nature et sa gravité, la santé de la population » »
Mais il y a une chose que je ne comprends pas, n’étant pas juriste : le législateur a-t-il défini ce qu’est un « état d’urgence sanitaire » ? Il est mis en place en cas de « catastrophe sanitaire », certes, mais en quoi consiste-t-il et quels sont les critères objectifs définis juridiquement d’une « catastrophe sanitaire » ?
Merci par avance si vous pouviez répondre à mon interrogation.
Constitution, état d’exception et état d’urgence sanitaire
Le Conseil Constitutionnel a violé récemment au moins trois lois, semble t il, (dont le Code de Nuremberg) : il est interdit d’imposer à une population un produit expérimental, ce qui est la cas ici. Nous pouvons tourner, en effet, l’objet dans tous les sens : il faut 5 ans, au moins, pour mettre au point un médicament ou un vaccin, nouvelle technique ou pas, donc ce vaccin contre le Covid 19 est expérimental, par définition. Seul Dieu peut raccourcir le temps, et la relativité si nous savions l’utiliser! Le Conseil Constitutionnel vient de démontrer qu’il est aux ordres du gouvernement et n’a donc plus aucune légitimité, il n’a pas fait son devoir. Par ailleurs la Constitution, mise en place par un homme soucieux de son pays, a été fortement abimée depuis par des « politiciens » de bas étages, et dans le dos des Français, comme il se doit. Il est donc un peu illusoire, je pense, de parler de Constitution, état d’exception et urgence sanitaire alors que tout montre que nous avons un gouvernement autoritaire qui se met en place et qui n’a que faire des lois existantes.
Constitution, état d’exception et état d’urgence sanitaire
Eh, oui on y est ! Ou on niait, va savoir. Pauvre France…
Constitution, état d’exception et état d’urgence sanitaire
Nous avons suffisamment de preuves maintenant pour ne plus accepter cette tyrannie.
Qu’attendons nous pour réagir ?
Si l’équipe actuellement au pouvoir est reconduite la France n’existera plus dans peu de temps. Elle sera ruinée économiquement et sur les plans éducatif, culturel et civilisationnel. Décadence (déjà en cours) assurée.
Notre lâcheté fera que nous laisserons à nos descendants les ruines d’un merveilleux pays.
Constitution, état d’exception et état d’urgence sanitaire
Citez moi un homme politique des quatre dernières décennies qui ait mis au tout premier plan de ses préoccupations (à part caresser ses affidés dans le sens du poil) les deux moyens majeurs de création de la richesse de son pays, à savoir les activités vivrières et les manufacturières dont tout le reste découle qu’on le veuille ou non !
alors la constitution ? elle ne donne ni du travail et corrélativement ni rien à manger !
La nouvelle mouture ne sera écrite que, soit par des filous, soit par un peuple ignare (ou les deux).
Constitution, état d’exception et état d’urgence sanitaire
Les deux, Zelectron, les deux. Ou par le sang. Tout cela ne « sang » pas bon !!!
Constitution, état d’exception et état d’urgence sanitaire
j’ai apprécié l’article et je me permets de faire le commentaire suivant
1 – il a été constaté que l’assemblée ne pouvait se réunir dans des conditions ordinaires donc les groupes ont envoyé des délégués des délégués à une réunion à laquelle au préalable les groupes s’étaient mis d’accord de respecter les rapports de force …
2 – li existait un règlement relatif aux épidémies parfaitement applicable. Pour le torpiller la REM a inventé un état d’urgence sanitaire
Salutations