Ce lundi 16 septembre et pour la première fois depuis longtemps, des professions libérales se sont réunies dans la capitale pour un défilé de protestation contre ce que leur promet la prochaine réforme des retraites, telle qu’esquissée dans les préconisations Delevoye. Pour leur propre régime, les professionnels libéraux ne sont pas employeurs, ils ne sont pas davantage salariés: ils sont indépendants, mais ils le sont farouchement et ils revendiquent à cor et à cri l’autonomie de leurs régimes de retraite, à laquelle ils tiennent comme à la prunelle de leurs yeux, en refusant de se fondre dans un moule commun qui à leurs yeux n’est pas fait pour eux. Ils ne veulent pas du taux unique de cotisation de 28,12% promis par la réforme, considérant que ce costume que se partagent employeurs comme salariés n’est pas taillé pour eux qui ne sont ni l’un, ni l’autre. A l’inverse des régimes publics, ils ont toujours su préserver l’équilibre financier de leurs caisses, qui n’a été vraiment perturbé que lorsque que l’État a accolé de force et de manière insensée à la CIPAV (Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance-vieillesse des professions libérales) le régime des micro-entrepreneurs, dont pour la plupart les conditions et la précarité d’exercice ne correspondent en rien au mode régulier de fonctionnement des professions libérales.
I – Présentation sommaire des spécificités libérales
Le conflit est profond et il ne fait sans doute que commencer, les professions libérales n’admettant pas que leurs futures retraites soient entre les mains de hauts fonctionnaires, qui n’ont eu de cesse ces dernières décennies que de les dénigrer dans l’opinion et d’entraver leur libre exercice. En effet pour l’Inspection des Finances comme pour la Cour des comptes, les professions libérales s’en mettent plein les poches, elles bénéficient d’une rente intolérable et en profitent pour rançonner indument l’économie française. Les professions libérales ont eu beau jeu de rétorquer à leurs détracteurs que leur temps de travail n’a rien à voir avec celui qui est ordinairement observé dans la fonction publique, qu’elles assument tous les jours un risque personnel dans le cadre d’une responsabilité directe et effective inconnue dans la fonction publique et qu’enfin la présence et la fidélité de leurs clients témoignent suffisamment de l’efficacité et la pertinence de leurs services. Les plus frondeurs de ces praticiens ajoutent d’ailleurs qu’en matière de privilèges, la haute fonction publique a indéniablement acquis une compétence et une expérience reconnues que nul autre corps ou nulle autre profession ne songerait à lui contester. Tout cela pour bien comprendre qu’entre la haute fonction publique, qui s’assure généreusement ses propres retraites tout en contrôlant et en rabotant à l’occasion celle des autres, et les professions libérales, qui se voient constamment contestées par un personnel au statut politico-administratif ambigu, il y plus qu’une question d’argent, il y a au-delà des contentieux anciens une question d’indépendance sur laquelle les professions libérales ne semblent pas prêtes à transiger.
Maintenant et pour revenir à la seule aune des retraites libérales, de quoi s’agit-il ? Il faut d’abord rappeler au moins sommairement la situation actuelle des retraites libérales (II), pour cerner ensuite ce que la réforme se propose d’y changer au stade des préconisations Delevoye (III), avant d’analyser les ressorts des principaux points de désaccord (IV) en concluant sur les principaux arguments de professions qui savent combattre dans l’adversité (V).
II – Les retraites libérales aujourd’hui
On fera observer à titre liminaire que les chiffres varient quelque peu selon les sources consultées (DGE du ministère de l’Économie/ DREES du ministère de la Solidarité / CNAVPL pour les retraites libérales / ou encore rapport Delevoye), sans toutefois que les écarts observés altèrent les ordres de grandeur fournis. Sous cette réserve, fin 2016, on compte un peu plus de 800 (816 précisément) milliers d’entreprises libérales en activité. Si elles totalisent seulement 5,4% du chiffre d’affaires, elles créent 10,4% de la valeur ajoutée du secteur marchand. Le secteur libéral compte 360 000 retraités, dont 312 000 de droit direct et 48 000 au titre principalement de la réversion. La pension brute moyenne s’établit fin 2017 en moyenne à 2 550 euros par mois et monte à 2 780 euros en cas de carrière complète. Mais il faut savoir que si le professionnel libéral cesse son activité en moyenne à 64,8 ans, son affiliation est tardive puisqu’elle ne prend date en moyenne qu’à 35,3 ans, l’accession à l’indépendance libérale étant généralement précédée par plusieurs années de salariat, inclus les périodes de stage exigées par plusieurs professions.
Autre élément du dossier : pour la plupart, les caisses libérales affichent aujourd’hui encore -et même si la tendance demeure à la baisse – des taux de rendement très supérieurs aux 5,50% avancés à titre provisoire dans le rapport Delevoye. Deux d’entre elles ont même osé courageusement mettre en place des amorces de capitalisation qui fonctionnent à la satisfaction générale des pharmaciens et des notaires. Ces deux exceptions démontrent à contre-courant qu’une gestion sérieuse et contrôlée ne débouche pas nécessairement sur les désastres des fonds voyous à l’anglo-saxonne, que les politiques, les médias et les syndicats ne cessent de brandir comme des épouvantails, tant ce petit monde ignore et craint la performance et la nouveauté. Ils oublient pourtant ou feignent d’ignorer qu’à quelques lieues de nos frontières la capitalisation néerlandaise assure par ses pensions sans scandale et depuis de longues années le remplacement quasi-intégral des rémunérations d’activité. Mais en France, les préconisations actuelles écartent délibérément et sans doute pour longtemps toute idée de capitalisation, car on a seriné depuis des décennies aux Français qu’en dehors de la répartition, il n’y avait point de salut, alors qu’en réalité ce système très vulnérable est l’un des plus exposés à toutes sortes de risques soigneusement dissimulés à la population (cf. notre Analyse et évaluation des systèmes de retraites par les risques IREF octobre 2016). Dommage, car parce qu’il était autonome, spécifique et équilibré, le régime des retraites des professions libérales aurait pu se prêter à l’expérimentation intelligente, progressive et raisonnable d’une capitalisation sérieuse, en apportant une alternative prudente à un système de répartition usé jusqu’à la corde. Mais on sait déjà aujourd’hui qu’il s’agit d’une nouvelle occasion perdue, nos hiérarques s’étant raidis sur le choix du passé, alors que l’OCDE montre que la capitalisation ne cesse de progresser pratiquement partout à l’étranger.
Au plan de son exercice quotidien, rappelons que le professionnel est soumis à un régime très strict de responsabilité personnelle encadré et contrôlé le plus souvent par un Ordre, doté de réels pouvoirs disciplinaires. Par ailleurs il ne faut pas oublier que les professions libérales acquittent un lourd tribut – qui a doublé entre 2009 et 2019 ! – à la compensation démographique nationale, puisque c’est près d’un milliard d’euros (994 millions exactement, avocats inclus) que leurs caisses de retraite ont versé en 2017 au profit essentiellement des régimes des commerçants et des agriculteurs. Enfin, ces toutes dernières années, à la suite notamment de plusieurs critiques acerbes et pas toujours fondées de la Cour des comptes qui a abusivement généralisé à l’ensemble du régime libéral la portée de ses observations issues principalement d’une CIPAV en pleine crise de rattachement des micro-entrepreneurs, l’État a considérablement renforcé son contrôle sur toutes les caisses de retraites libérales. Il est ainsi intervenu très directement dans leur gouvernance, en leur imposant des statuts-types, en fixant aussi un certain nombre d’obligations nouvelles, en renforçant sensiblement les contrôles et en pesant directement sur le choix crucial du directeur.
Les 10 caisses de retraites libérales (le barreau ayant conservé un régime spécifique) reçoivent délégation de la Caisse nationale d’assurance-vieillesse pour administrer vis-à-vis de leurs adhérents le régime général de sécurité sociale (régime de base) dont les cotisations sont de 10,10 % jusqu’au plafond annuel de Sécurité sociale et de 1,87% au delà, avec un calcul par points déjà en vigueur et unifié pour toutes les professions adhérentes. Par contre les taux de cotisation des régimes complémentaires varient pour chacune des caisses professionnelles qui fixent chaque année des classes de cotisations en même temps que la valeur des points, tant en acquisition (cotisations) qu’en service (pensions). Sans entrer trop dans le détail, disons que selon leur profession, les praticiens libéraux acquittent une cotisation totale de retraite qui peut le plus souvent varier de quelques points en plus ou en moins autour d’un taux moyen de 18/19% (référence Cavec 2019) du revenu net professionnel plus ou moins corrigé. C’est cet ordre ancien avec deux étages distincts (régime public de base + régime complémentaire privé) et qui donne satisfaction à la grande majorité des adhérents que la réforme se propose de bouleverser avec une balance coûts/avantages que les professionnels concernés estiment, pour les plus modérés, particulièrement incertaine et pour les plus résolus, manifestement désastreuse.
III – Les préconisations Delevoye
D’abord sur le plan des cotisations, le rapport prévoit jusqu’au plafond annuel de sécurité sociale (= € 40 524) l’application généralisée du futur taux de droit commun de 28,12%, avec pour seul aménagement son éventuelle réduction à 12,94% pour la tranche supérieure couvrant les deux plafonds annuels différentiels nécessaires pour atteindre le montant maximum de € 120 000 (en réalité 3 plafonds 2019 totalisent exactement € 121 572) assigné au champ de la nouvelle retraite universelle. Il n’y a pas besoin d’être un fin mathématicien pour s’assurer par un calcul rapide que la nouvelle grille de cotisation augmentera fortement (50% et plus) le coût de la retraite pour tous les professionnels dont le revenu n’atteint pas le plafond annuel de Sécurité sociale ou ne l’excède que faiblement, alors que ceux qui gagnent plus de deux fois ce plafond seront paradoxalement avantagés. Et la promesse non chiffrée d’une éventuelle réduction de la CSG en contrepartie d’un nouveau mode de calcul plus extensif de la base cotisable ne calme pas davantage les appréhensions. En outre certains calculs sont infiniment plus alarmistes, en expérimentant uniformément et immédiatement à titre de précaution le taux-cible de droit commun de 28,12% sur l’ensemble du revenu quasi-brut cotisable.
Sur le plan des pensions, la situation n’est guère plus enviable, car les premières simulations entreprises au sein même des actuelles caisses de retraite (appelées in fine à disparaître) sur la base des quelques chiffres provisoires jetés en pâture dans le rapport Delevoye font immédiatement grincer des dents et les chiffres obtenus laissent craindre à leurs auteurs un déclassement substantiel des futures pensions libérales par rapport aux retraites actuelles. Certes, conscient de l’importance et de la vigueur de l’opposition, le pouvoir tente de déminer le conflit qui pointe en prétendant que rien n’est arrêté et que tout peut se discuter et que l’on va prendre son temps. Mais les libéraux connaissent trop bien l’État – tant dans leur exercice quotidien qu’à raison du matraquage fiscal et social dont ils sont la cible ordinaire – pour ne pas s’alarmer justement des lourdes menaces que tentent de dissimuler de tels atermoiements. Enfin au sein du Conseil d’administration de la nouvelle Caisse nationale de retraite universelle, les représentants des professions libérales siègeront du côté des employeurs avec lesquels, à titre personnel, ils n’ont pourtant rien de commun
IV – L’analyse des désaccords
Et il n’en faut évidemment pas plus pour que l’ensemble des praticiens libéraux, déjà fort mécontents de voir la gestion de leurs retraites leur échapper, réalisent qu’il leur faudra payer à l’avenir des cotisations très supérieures pour des pensions bien moindres que celles qui sont actuellement servies. Fort logiquement, ils s’interrogent en conséquence sur la destination de l’argent supplémentaire qu’on va leur soutirer de par la hausse des cotisations comme de la baisse programmée de leurs pensions. N’ayant jusqu’à présent et pour cause obtenu aucune réponse claire ni convaincante du pouvoir, les professionnels libéraux craignent fort logiquement que leurs efforts ne servent en définitive qu’à tenter une fois de plus de remplir sournoisement le tonneau des Danaïdes des régimes spéciaux, dont la lointaine et fumeuse suppression n’inspire guère confiance.
Et en plus, le flou savamment distillé par les préconisations Delevoye révèle un autre « casus belli » à pas moins de 27 milliards d’euros l’unité (soit l’équivalent de quelque 9 années de cotisations libérales !) En effet, par une gestion généralement serrée et qui a associé sur de longues années les efforts conjoints des actifs et des retraités, la plupart de ces caisses ont constitué en vertu du principe de prudence les provisions qu’elles estimaient nécessaires pour garantir toutes sortes d’aléas tant démographiques qu’économiques ou financiers susceptibles à moyen ou long terme d’impacter les pensions. Bien que le terme soit comptablement impropre, c’est sur ces fameuses « réserves » que l’État lorgne avec une insistance d’aigrefin. Or le rapport Delevoye prévoit leur virement dans un Fonds de réserve universel à concurrence des sommes nécessaires pour couvrir les engagements actuels des caisses concernées afin de garantir ainsi l’équilibre financier de la branche considérée. La formule est suffisamment fumeuse pour susciter tout de suite la méfiance du monde libéral. Les caisses libérales ne sont d’ailleurs pas seules visées puisque, entre autres, les « réserves » affichées pour les mêmes raisons par le nouveau régime fusionné Agirc-Arrco pour plus de 70 milliards d’euros éveillent également la concupiscence publique, toujours à la recherche d’un coup tordu pour financer les besoins insatiables de ses très « chers » régimes spéciaux (le rattachement des retraites d’EDF au droit commun a laissé un très mauvais souvenir aux caisses « hôtesses » durablement fragilisées).
Enfin les professionnels libéraux font également valoir à juste titre qu’ils ne voient vraiment pas pourquoi leur régime serait aligné sur le droit commun du salariat, qui cumule deux sources de cotisation distinctes provenant tant de l’employeur que du salarié, alors qu’eux-mêmes échappent sans contestation possible à ce statut et que la pratique européenne oblige normalement à tenir compte des spécificités d’exercice des agents, dont la retraite est censée garantir l’avenir économique lors de leur cessation d’activité. En effet, il n’y a pas plus de raison d’imposer à tout prix et sous la houlette de l’État à des indépendants qui n’en veulent pas le mauvais copier/coller d’un statut de salarié qui cumule les cotisations d’un employeur et d’un employé que de vouloir soumettre l’ensemble des salariés à un statut d’indépendant qui n’est manifestement pas fait pour eux. Or ce sont des nuances importantes respectées pratiquement partout ailleurs en Europe, mais qui échappent visiblement à une haute fonction publique d’État, certes toute puissante, mais socialement autiste et en tout cas peu familière dans son quotidien des notions d’indépendance professionnelle, de risque personnel, de responsabilité directe et d’efficacité individuelle qui caractérisent singulièrement l’exercice libéral.
V – Conclusion : Le début d’un combat sans merci
Même s’ils auront sans nul doute à faire à forte partie, les professionnels libéraux ont la justice et le bon sens de leur côté. En obligeant le pouvoir à quitter le clair-obscur où il se complait, ils doivent absolument savoir où va passer l’argent de leurs retraites, quand on veut pour beaucoup d’entre eux les faire payer bien davantage pour une retraite beaucoup moindre. Si elles voulaient bien s’en donner la peine, les professions libérales pourraient aussi faire judicieusement observer au gouvernement qu’une Caisse nationale des retraites prétendument universelle ne peut le rester en excluant indignement de son Conseil d’administration et par une sorte de déni social tous les retraités privés, indépendants ou publics. Il faut pour le moins que le pouvoir s’explique clairement sur les tares, vices et autres indignités qu’il impute aux retraités pour justifier qu’il les chasse ainsi comme des pestiférés du Conseil où les actifs monopolisent de plein droit et sans encombre l’ensemble des sièges.
Les praticiens libéraux peuvent encore faire valoir que les caisses excédentaires doivent demeurer propriétaires des provisions qui sont les leurs et uniquement les leurs, que ces provisions ne sont nullement des réserves exposées aux appétits gloutons des caisses-cigales du secteur public, puisqu’elles font face à des risques propres, tangibles et non sérieusement contestables. Or le transfert de ces provisions dans un fonds de réserve « universel » sous contrôle d’État (c’est à dire dans lequel il puisera sans vergogne à toute occasion) n’offrira guère de sécurité pour la pérennité des sommes en cause, car la récente et brutale désindexation des pensions, comme la stagnation du fonds de réserve actuel mis en sommeil depuis longtemps ont suffisamment montré le défaut total de fiabilité de la parole publique sur ces sujets. Les professionnels libéraux peuvent enfin objecter avec raison qu’il n’y a aucune raison que seuls les caisses et régimes excédentaires – c’est-à-dire a priori les plus sérieux – soient contraints à représenter ces fonds, alors que les risques sont incomparablement supérieurs pour tous les régimes spéciaux structurellement déficitaires et qui se gavent à vau-l’eau des subsides de l’État, c’est-à-dire de l’impôt de tous les Français. Comment peut-on donc oser requérir la représentation de garanties massives de la part des régimes actuellement les mieux gérés et présentement les plus sûrs et les plus solvables, sans exiger une absolue parité dans la représentation effective de garanties au moins proportionnellement équivalentes, sinon fort supérieures (il s’agit probablement de très nombreuses centaines de milliards…) de la part d’un État prodigue, outrageusement endetté et rigoureusement incapable depuis des décennies de mettre un minimum d’ordre, aussi bien dans ses propres régimes de retraite que dans ceux des entreprises du secteur public sous son contrôle.
C’est bien évidemment une question que refuse de se poser la haute fonction publique, à la manœuvre comme à son habitude et qui barbote sans la moindre gêne en plein conflit d’intérêts. Car pour elle et ses primes généreuses dont elle a obtenu le rattachement au salaire, la réforme des retraites apparaît de plus en plus comme une occasion inespérée d’arracher de nouveaux avantages. A commencer par le transfert indu sur le contribuable des cotisations salariales prochainement exigibles sur ses primes (lesquelles peuvent monter jusqu’à plus de … 140% du salaire indiciaire dans certains emplois !), avant sans doute d’imposer aussi la revalorisation préalable et substantielle des salaires des « sans primes » : principalement les personnels enseignants, dont pourtant Eurostat vient juste de nous apprendre qu’en moyenne ils n’étaient pas plus mal payés en France qu’ailleurs. Ce doute existentiel quant à l’orientation réelle de la réforme, l’épais brouillard qui nimbe son financement, l’opacité de la période de transition, tout comme la défiance générale de l’opinion qui flaire un leurre grossier dans la promesse de l’enveloppe constante, sont autant de facteurs qui posent une question de confiance cruciale, sur laquelle le pouvoir ne pourra pas indéfiniment louvoyer ou garder un silence aussi gêné que coupable. Sinon, il n’aura pratiquement aucune chance de vaincre le scepticisme et l’opposition d’un nombre croissant de citoyens échaudés par la longue liste des promesses non tenues depuis un quart de siècle, ainsi que par l’empilement récurrent des mauvaises manières systématiquement réservées aux ressortissants du secteur privé. Pour tous ceux-là, la réforme risque fort de ne servir une fois de plus qu’à renforcer et à pérenniser sournoisement des privilèges corporatifs publics issus de temps anciens et révolus. Des privilèges maintenant largement connus d’une majorité de Français qui, parce qu’ils les financent sans jamais en profiter, les jugent désormais parfaitement insupportables et abusifs. Le pouvoir vient d’annoncer que l’acte II du quinquennat associerait étroitement les Français aux réformes qui les concernent : c’est assurément le moment de le prouver !
9 commentaires
Combat à mort
Excellente analyse, vous avez pratiquement tout dit. La CARMF, caisse des des médecins libéraux, a constitué une provision de 7 milliards d"euros en prévision des coups durs, avec notre argent et celui de nos aînés. Bien sûr nos hauts fonctionnaires louchent dessus. Mme Buzin n'a pas répondu sur le devenir de ces provisions dans le projet gouvernemental lorsqu'on lui a posé la question. Parfait, on a compris.
La précédente ministre, Marisol Tourraine, a mis en place un décret dont le seul but était de mettre sur la touche le président de la CARMF, le Docteur Maudrux, qui mettait des bâtons dans les roues du gouvernement. Là aussi, on a compris que l'Etat nous veut du mal. Mais rien de nouveau en somme.
Cette fois ci, avec cette soit disant réforme qui n'est en fait qu'un piège où tous les régimes y perdront avec la main mise de l'Etat sur la valeur du point de retraite, il s'agit bel et bien de mettre à mort les professions libérales, toutes les professions libérales. Les masques sont tombés : il s'agit non seulement de nous abattre mais aussi de paupériser tout le monde, retraités en tête. Sauf pour les hauts fonctionnaires et les politiques, bien entendu. Concernant les retraites de nos parlementaires, ministres et députés Européens le silence est assourdissant. Faites ce que je dis, pas ce que je fais. Cela ne pourra pas durer, la colère monte.
En tant que médecin libéral à la retraite je suis prêt à monter à Paris pour manifester, ce ne sera pas la première fois. Ce gouvernement veut notre mort, c'est donc un combat à mort. Il est l'ennemi de la France, des français et de la Nation. Il faut aussi remonter plus haut sur les raisons de ce projet mortifère : il vient des préconisations de l'UE que, comme d'autres, Macron ne fait qu'appliquer. Comme c'est curieux, personne n'en parle! Dans les grands médias en tout cas.
Comment les professions libérales arrivent à mettre des sous de côté produisant une retraite acceptable en ne cotisant en (avec un taux d'un peu plus de 10% jusqu'au plafond) moyenne qu'entre 35 et 65 ans, alors que nous salariés, l'employeur cotise plus de deux fois plus.
Où va donc cet argent? Sur 1€ cotisé chez les salariés, combien reste-t-il réellement pour alimenter la CARSAT?
Merci d'avance
@PhB
L'étude concernant les retraites libérales, je ne suis pas en mesure de répondre à votre question sur la part des cotisations salariales dévolue à la CARSAT, dont d'ailleurs après une recherche sommaire, la communication semble des plus succinctes.
En revanche, pour les professions libérales, les choses sont beaucoup plus claires. Par rapport à l'ensemble des autres régimes:
1 – La plupart des professionnel libéraux pratiquent des horaires hebdomadaires qui n'ont rien à voir avec les 35 heures, beaucoup les dépassent de 50% et certains arrivent même parfois à plus que les doubler.
2 – Cette masse de travail, renforcée par un niveau de formation souvent nettement supérieur à la moyenne des autres catégories, détermine évidement des revenus et donc des bases de cotisation très supérieures à la moyenne observée chez les autres cotisants.
3 – Le ratio démographique cotisants/retraités est plus que double chez les professions libérales (3,38 selon le recueil 2018 de la Cnavpl et même 5,95 pour le Barreau) que celui observé sur l'ensemble des régimes (1,69 fortement plombé par les régimes spéciaux), ce qui témoigne d'une certain attractivité de ces professions.
En réalité, à grands traits et pour simplifier sans vraiment caricaturer, on peut soutenir que sur leurs 30 années nominales de cotisations, les professions libérales déployent en réalité l'équivalent d'une activité à forte qualification de 45 années et qu'en plus leur ratio démographique très favorable leur permet d'obtenir et de maintenir des taux de rendement (valeur de service du point / valeur d'acquisition du point) des pensions nettement supérieurs à ceux de la plupart des secteurs non subventionnés.
Ces trois facteurs apportent la réponse à votre question.
Cordialement: Th.B
Réponse à Thierry Benne
Pour le point 3 de votre développement, je suis d'accord. Le Ratio défavorable des salariés plombe sérieusement le système.
Parenthèse avant d'aborder les points 2 et 1: ne pas oublier qu'en 2003, le régime des cadres du privé s'est fait siphonner pour renflouer certains régimes spéciaux. On n'a rien pu faire: Grève pourquoi?,c'est les clients qui payent nos salaires, donc pour couler la boite qui nous paye?
Par contre j'aimerais mettre un petit "bémol" sur vos points 2 et 3 et ce, juste avec "un cas d'école" par exemple, en examinant mon cas personnel: J'ai effectué une carrière de cadre de 1981 à 2019 (jusqu'en juin) après des travaux de vacances pendant les années 1970 ayant validés quelques trimestres.
J'ai arrêté quand j'ai atteint mes 166 trimestres, à 64 ans et demie ayant fait des études longues (bien supérieures à Bac +4 ou 5), il n'y a pas que chez les profession libérales qu'on fait des études longues. D'où mon entrée tardive dans l'industrie à 26 ans.
Côté des 35h du salarié:
Pour info, même en étant salarié, souvent j'ai fait plus de 35h: le travail supplémentaire lié à l'encadrement qui se rajoute au technique sur la paillasse avec les collègues, le travail dans les transports en commun (simulations, préparation de présentations, rapports, etc) + le complément au domicile parfois tard le soir par exemple quand un système en R&D ou quand chez un client ça ne fonctionne pas comme on attendait, ça embrouille la tête ou,répondre à un collègue à l'autre bout du monde,…..ça déborde le dimanche parfois! On emmène le travail chez soi, et ce, malgré soi: situation que vous connaissez je pense.
Donc, s'il vous plait ne venez pas avec les 35h des salariés. Pourtant, pour moi, ça toujours été un libre choix: la passion de mon métier et la conscience professionnelle, je pense.
Côté du consistant: des chiffres:
Je vous donne quelques uns, ceux me concernant, ceux de 2018 (ayant arrêté fin juin cette année).
Net Imposable 2018: 43 391€ (travail à 80% suite à soucis de santé en 2004);
Charges salarié: 13 152€,
Charges employeur: 25 800€
soit un total des charges qui frise les 40k€,
c'est énorme!
Maintenant, le fruit de tout ça avec l'incidence sur ma retraite en Brut:
CARSAT: les 1 499€ qui sont plafonnés,
Agirc + Arcco: 1 360€ (sans les points 2019 en cours de MAJ),
bref, une pension brute qui atteindra tout juste les 2 900€ avec le reliquat des points 2019. Je ne me plains pas car c'est bien supérieur à la moyenne des pensions et je pense même être un tout petit peu au-dessus du pivot (donc la moitié est en dessous, l'autre est au-dessus alors que je suis dans la frange des 10 à 15% des plus aisés). Je ne jalouse pas les autres
J'ai joué la transparence alors, si vous en avez, vous pouvez pareil en alignant vos chiffres 2018 et votre retraite prévisionnelle (je ne connais pas votre âge).
La où je suis encore d'accord avec vous, je suis contre le siphonnage des régimes excédentaires. Mais nous ne pouvons continuer à avoir 42 systèmes différents. Dans votre cas, je pense qu'il faudrait que votre régime soit considéré comme une épargne retraite groupée mais il me semble indispensable que tous les régimes contribuent à une base commune raisonnable dont les modalités de fonctionnement sont encore à mettre au point pour convenir aux multiples situations actuelles, gérée par un organisme comme la CARSAT et en plus les systèmes spécifiques en cherchant quand même à les rapprocher. Notaires, Avocats, même Médecins éventuellement.
Peut-être à une prochaine
PhB: prêt à défiler pour la défense des retraites mais pas dès le "premier cri d'affolement" alors que rien n'est encore réellement défini: on parle de la finalisation pour 2040 voir 50.
@ Ph.B suite
01 – Les chiffres que vous mentionnez vous situent très au dessus-de la moyenne des retraites, comme vous l'admettez vous-même et comme le justifie d'ailleurs votre qualité de cadre et même sans doute de cadre supérieur.
02 – Vous citez à juste titre votre implication personnelle qui vous a amené à dépasser régulièrement et largement les 35 heures hebdomadaires. Elle vous distingue nettement pourtant des obligations moyennes assumées par le reste des salariés et même de nombre de cadres "administratifs" souvent moins impliqués. Mais exemple pour exemple, je peux vous garantir que certaines professions libérales mobilisent aisément des journées de 10 heures, 6 jours sur 7, durant une période qui peut durer la moitié de l'année. Or à l'inverse de ce qui se passe pour un cadre travaillant au forfait, toutes les heures passées sur le dossier d'un client lui sont dûment facturées, ce qui procure au praticien un volume de facturation et donc un revenu de base nettement supérieur à ceux observés dans d'autres secteurs plus ou moins corsetés par le plafond des 48 heures.
03 – Mais rassurez-vous, ce n'est pas pour autant que l'ensemble des professions libérales roulent sur l'or, surtout qu'entre une infirmière et un notaire les profils de revenus sont fort contrastés. Mais c'est ce qui explique qu'avec une carrière souvent plus courte, mais avec des volumes de prestations nettement plus lourds, les professions libérales parviennent à compenser dans leurs pensions la brièveté relative de leur carrière.Et pour répondre à votre question, 42 ans d'activité continue éclatée en 5 régimes obligatoires différents m'ont conduit à des pensions qui ne distancent pas vraiment les vôtres. Il ne faut pas oublier que les salaires des années préparatoires à l'exercice libéral complètent également les pensions du praticien.
04 – Je partage totalement votre point de vue quant au caractère exorbitant du total des charges pesant sur les salaires, ce qui explique pour une bonne part notre déficit croissant de compétitivité face mal concurrence internationale.
05 – Votre proposition d'un régime unique de base, avec un second étage complémentaire également obligatoire, mais moins "éclaté" qu'actuellement , correspond, si on y ajoute un dernière étage facultatif d'épargne individuelle au schéma de référence préconisé par la plupart des organisations internationales. Par contre, il ne semble pas qu'il existe ailleurs en économie libérale un régime unique et universel à la main de l'État. Surtout que l'endettement de cet État, son incapacité récurrente à maîtriser sa dépense, ses choix organisationnels, financiers et économiques souvent calamiteux (enseignement, hôpitaux, forêts, écotaxe, désastre industriel (dixit la Cour des comptes!) du RSI, Crédit Lyonnais, Areva, réforme régionale etc.) font peser sur cet acteur des soupçons assez lourds et qui cadrent mal avec le minimum de confiance requis pour mise sous monopole d'État de l'ensemble des retraites des Français.
06 – Quant à votre prudence vis-à-vis toute mobilisation prématurée, elle se comprend sans peine. Mais il importe pourtant de rester vigilant pour tous les acteurs du privé qui auraient sans doute beaucoup à perdre à une pérennisation et à un renforcement "rampants" des régimes spéciaux (qui s'attribueraient ainsi une part majorée de l"enveloppe constante"). Or la démarche très précautionneuse du pouvoir à leur égard demeure particulièrement ambiguë et fumeuse, avec des transitions opportunément extensibles qui n'augurent rien de bon, ces régimes concentrant en outre un pouvoir de nuisance très supérieur à celui fort limité des autres secteurs.
Cordialement: Th.B
les arguties de Delevoye pour faire passer la cigüe
L'ignominie de ce gouvernement est patente, l'exercice du vol légal avec préméditation est sa marque de fabrique : souvenez vous, tout dans l'état rien hors de l'état rien contre l'état !
Professions libérales: IRRESPONSABLES hier, NAIFS aujourd'hui
IRRESPONSABLES hier, car leurs aînés en 1981 faisaient partie des "progressistes" qui ont voté la retraite à 60 ans avec la pérennisation du système par répartition.
Tout le monde, à l'époque, savait que la retraite par répartition relève du système de Ponzi (montage financier frauduleux qui consiste à rémunérer les investissements des premiers entrants essentiellement par les fonds amenés par les nouveaux entrants).
Corporations doublement IRRESPONSABLES en réélisant Mitterand en 1988 et signant ainsi l'arrêt de mort d'une retraite complémentaire par capitalisation.
Triplement IRRESPONSABLE aujourd'hui car nos "progressistes libéraux" qui défilent en ce moment sont les plus avides (donc les plus demandeurs) de nouvelles réglementations.
En effet la complexité, qui en découle, est le principal moteur de croissance de leurs business juteux.
Car le citoyen de base et le "petit patron" ne peuvent plus rien faire sans passer par leurs services couteux (avocats, comptables, juristes, fiscalistes, …).
Et «en même temps» quelle NAIVETE touchante font preuve ces «professions libérales» d'aujourd'hui!!
Car visiblement ils n'ont rien compris à Piketty (le capital c'est caca, la propriété privée est une calamité).
Pire! ces "libéraux" avides de réglementation n'ont pas encore lu les préconisations «innovantes» du think tank Terra Nova, relayées dans des notes récentes de «France Stratégie» (service du 1er Ministre)!!!
IRRESPONSABLES hier, NAIFS aujourd'hui.
Ils ne vont PAS FAIRE LE POIDS face à la corporation (caste?) des hauts fonctionnaires de l’État championne toute catégorie de la SOLIDARITE et de la JUSTICE SOCIALE.
@Maellys
C'est toujours un plaisir que de répondre à vos propos si nuancés, qui tranchent avec la banalité affligeante de notre époque. Apparemment, vous n'aimez pas les professions libérales et c'est votre droit et j'irai même jusqu'à reconnaître que certaines de vos remarques ne sont pas totalement dénuées de fondement. Mais de là à faire des libéraux des affidés de Mitterrand, ou à les transformer en rapaces avides de complexité et de réglementation, il y a un pas que je ne franchirai pas. Parce que vous ne savez sans doute pas le sentiment de temps perdu et de gâchis que l'on éprouve à devoir assimiler quotidiennement une réglementation touffue, mal conçue et mal faite par des gens à la fois dont la crainte première est d'être compris et dont la compétence n'est visiblement pas à la mesure de leur arrogance, avec en plus une fâcheuse propension à se décharger sur les autres (cf. retenue à la source) du travail qui normalement leur incombe. Quant aux Piketty, Agence France Stratégie et consorts, il faut être effectivement aveugle pour ne pas comprendre que ces gens-là ont inscrit dans leur agenda la disparition de l'exercice libéral, complètement étranger à leurs valeurs nourries au dirigisme le plus étroit (et il faut voir qu'avec le Crédit Lyonnais, Areva, le RSI, les urgences, l'enseignement, les portiques écotaxe etc. l'État compte quelques exploits à son actif!) et à la redistribution la plus large (chaque année, 90% du capital pour Piketty, rien moins!) . Il est évident que dans une France de fonctionnaires, les professions libérales représentent un ilot de résistance et qui fait tache. Rien donc n'est superflu pour restreindre leur activité et leur imposer le joug sans cesse plus resserré de l'État.Convenez quand même que ce n'est pas pour cela qu'elles n'ont pas le droit de se défendre…
@Thierry BENNE
«les professions libérales représentent un îlot de résistance» …. face à l'oppression de l’État (je suppose).
Ces propos m'éclairent.
Contrairement à ce que vous pensez, les «professions libérales» (à part cette dénomination) n'ont rien de «LIBERAL» dans leur comportement et organisation.
Elles détestent la concurrence (ordre unique par profession).
Elles pratique une forte connivence avec les pouvoirs technocratiques (je le maintiens) pour développer l'emprise de l’État dans le domaine économique.
En effet leur mutisme est affligeant et leur silence assourdissant face à des projets de lois «fourre tout» de plusieurs centaines d'articles où le «diable» est dans les détails pour chaque citoyen et chaque chef d'entreprise. Mais un «diable» qui est générateur de facturation de nombreuses heures de prestations de «haut niveau» (il va de soit).
Leurs instances dirigeantes se posent-elles la question de la perte de compétitivité de leurs clients (donc du pays) qui sont en «front office» des réalités de tous les jours?
Et que penser des processus de nouvelles installations où l’allégeance (voire la soumission) à des «élites» dirigeantes l'emporte sur le talent?
Si notre seul espoir de «résistance libérale» repose sur ces gens qui jusqu'alors ont pratiqué la «collaboration passive» avec les Hauts Fonctionnaires de l’État,
alors nous sommes très, très mal barrés en France!
A l'IREF il va falloir trouver en magasin d'autres Zorros!!!