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Le ruissellement ou la diffusion de la richesse

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La théorie du ruissellement (trickle down en anglais) expose que l’enrichissement de certains rejaillit à terme sur les autres. C’est William Jennings Bryan, candidat démocrate à la convention présidentielle américaine le 9 juillet 1896 à Chicago, qui a sans doute pour la première fois utilisé ce terme pour rejeter « ceux qui croient que si vous légiférez uniquement pour rendre les riches prospères, leur prospérité ruissellera sur ceux se trouvant dessous ».

Cette notion de ruissellement ne signifie évidemment pas que l’enrichissement des uns fera directement couler des monceaux de billets sur les terres des pauvres comme certains ont ironisé. Mais elle traduit l’idée qu’en permettant aux plus entreprenants de créer de la richesse, les autres en profiteront aussi à terme par le ruissellement de cette richesse jusqu’à eux. Il ne s’agit donc pas non plus de croire que la richesse peut se diffuser automatiquement et couler à flots comme le champagne de ces fontaines de coupes construites pour certains mariage sur le verre supérieur desquelles il est déversé le champagne de nombreuses bouteilles qui descend ensuite de verre en verre et de niveau en niveau jusqu’aux verres placés au rang le plus large au niveau inférieur. Cette image du ruissellement exprime d’une certaine manière les effets d’une politique de l’offre qui, notamment en réduisant les charges fiscales et sociales et les réglementations excessives, tend à encourager l’innovation et la création d’entreprises. Les entrepreneurs qui réussissent s’enrichissent, mais ils n’y parviennent qu’en faisant travailler salariés, fournisseurs et sous-traitants qui profitent ainsi de leur initiative et des risques qu’ils ont pris. Les consommateurs en bénéficient aussi du fait de l’accroissement du nombre de produits et services mis sur le marché, par des entreprises plus nombreuses que la concurrence, incite à améliorer sans cesse leur production tout en en réduisant les prix. L’enrichissement des entrepreneurs qui réussissent contribue ainsi, dans une économie de marché ouverte et cadrée par un état de droit garantissant à tous les mêmes droits, à réduire la pauvreté. Mais en même temps elle est susceptible d’accroître l’inégalité.

Cette idée du ruissellement est donc combattue par tous les apôtres de l’égalité absolue qui ne sauraient admettre que l’inégalité se développe pour combattre la pauvreté. Ses adversaires soutiennent sans vergogne que cette théorie est non seulement mauvaise, mais même qu’elle n’a pas de consistance. « Il n’existe aucune théorie du ruissellement » écrit Jean-Marc Vittori le 2 octobre 2017 dans les Echos tout en tempérant son propos ensuite. Le pape François fulmine contre cette théorie. M Macron se défend que sa politique du premier de cordée s’y apparente et son Premier ministre préfère parler de sa politique comme d’un « effet de souffle fiscal en faveur de l’investissement, de l’emploi et de la croissance». La réalité nous paraît tout à la fois moins hypocrite et plus complexe.

L’inégalité au secours de l’égalité

Le ruissellement n’est peut-être pas à proprement parler une théorie économique à part entière, mais il est une illustration des effets de la théorie libérale depuis que les physiocrates l’ont conceptualisée au XVIIIème siècle sur les bases de la philosophie du droit naturel, développée par les thomistes de l’Ecole de Salamanque. Turgot a exprimé combien le libre commerce, capable d’enrichir le commerçant bien sûr, est aussi le meilleur moyen d’enrichir les consommateurs en leur offrant les meilleurs produits aux meilleurs prix : « Les réflexions et l’expérience prouvent également que la voie du commerce libre est, pour fournir aux besoins du peuple, la plus sûre, la plus prompte, la moins dispendieuse et la moins sujette à inconvénients […] Plus le commerce est libre, animé, étendu, plus le peuple est promptement, efficacement et abondamment pourvu ; les prix sont d’autant plus uniformes, ils s’éloignent d’autant moins du prix moyen et habituel sur lequel les salaires se règlent nécessairement. Les approvisionnements faits par les soins du gouvernement ne peuvent avoir les mêmes succès»[[Arrêt du Conseil établissant la liberté du commerce des grains et des farines à l’intérieur de Royaume et la liberté de l’importation, 1774, in Œuvres de Turgot et documents le concernant, avec biographie et notes publiées par Institut Coppet 2018]]. Au siècle suivant Guizot dit « Enrichissez-vous » aux Français qui veulent devenir électeurs dans un système censitaire, mais en même temps son message est qu’en créant de la valeur pour eux, ils en créeront pour tous. C’est la base du système libéral selon lequel l’intérêt de chacun peut concourir à celui de tous et en vertu duquel la liberté concoure à un progrès permanent issu des initiatives de chacun. En ce sens, il vaudrait mieux parler d’une irrigation naturelle de la richesse que de ruissellement, car la richesse des uns offre une opportunité aux autres, pour autant que ceux-ci sachent et puissent la saisir. Chacun ne peut s’enrichir qu’à la condition d’être libre de pouvoir le faire, ce qui exige que l’Etat ne vienne pas l’emprisonner dans des contraintes qui tout à la fois l’empêcheront de travailler, créer, entreprendre…, et favoriseront les combines de tous les profiteurs du système pour tirer avantage de leur position dans les rouages de la machine administrative sans avoir à gagner leur pain à la sueur de leur front.

Au demeurant, la théorie du ruissèlement a été étudiée et précisée ensuite. Dans son discours de réception du prix Nobel d’économie en 1971, Simon Kuznets expliquait : « La croissance économique d’un pays peut-être définie comme étant une hausse sur une longue période de sa capacité d’offrir à sa population une gamme sans cesse élargie de biens économiques. Cette capacité croissante est fondée sur le progrès technique et les ajustements institutionnels et idéologiques qu’elle requiert. Les fruits de la croissance s’étendent par suite aux autres secteurs de l’économie. » Dès les années 1950, il a soutenu, et représenté dans sa fameuse courbe en U renversé, que le développement économique passe d’abord par plus d’inégalité avant que celle-ci décroisse lorsque le pays a atteint un certain niveau de richesse.

L’économiste Philippe Aghion a reconnu le processus de ruissellement dans une étude[[“ In words, as more capital is accumulated (and is accumulated quickly enough) there are more and more funds available in the economy to finance a smaller and smaller pool of borrowers. Thus the equilibrium lending terms are progressively shifted in favour of borrowers.
This effect of capital accumulation on the evolution of A, can give rise to a Kuznets curveI5 type relation between growth and wealth inequality: indeed, to the extent that in the early phases of development the lending terms are favourable to the lenders (A, is initially high if aggregate wealth is small) the wealth of rich lenders (with w >1) grows relatively faster.I6 In later stages of development we know from Proposition 2 that lending terms become more favourable to borrowers so that the wealth of the middle-class tends to catch up with that of the rich whilst an increasing fraction of the poor can borrow and thus invest in their own individual projects.’7 In other words, initial phases of growth tend to increase inequalities while later stages tend to reduce them. This Kuznets effect is reinforced by the existence of capital market imperfections, since the higher the cost of capital, A,, the more rapidly the (second-best) probability of success p(w) increases with the initial wealth of borrowers. ]] de 1997. Dans son analyse économétrique, il nous apparaît qu’à l’époque, il faisait fi de l’aspect moral, ou plutôt il considérait que la recherche de l’égalité absolue l’emportait sur le respect du travail, des efforts et de la propriété de chacun. Pourtant près de vingt ans plus tard, le propos a été plus clair en faveur du ruissellement dans sa leçon inaugurale au Collège de France, le 1er octobre 2015. A l’encontre de trop d’idées reçues, il a souligné que l’augmentation sensible de la part de revenus au sommet de l’échelle sociale, le top 1%, depuis plusieurs décennies était due plus aux fruits de l’innovation qu’aux rentes foncières et spéculatives. Mais, dit-il « dans le long terme, les rentes de l’innovation se dissipent à cause de l’imitation et de la destruction créatrice. Autrement dit, l’inégalité générée par l’innovation est de nature temporaire ». Et la richesse inégale tend naturellement à profiter à tous par la généralisation du progrès que ces innovations engendrent de telle façon que d’une certaine manière l’inégalité produit à terme plus d’égalité ou pour le moins une réduction de la pauvreté.

Les inégalités ont permis de lutter contre la pauvreté

L’inégalité n’est donc pas nécessairement l’ennemie de la pauvreté, et peut être sa meilleure alliée sous certaines réserves et conditions. Contrairement au nouveau poncif propagé par quelques études totalement contestables de certaines organisations internationales (FMI, OCDE…), l’inégalité n’endommage pas la croissance mais la favorise, sauf lorsqu’elle est fondée sur de mauvaises richesses bâties sur la corruption, la fraude, la connivence avec l’Etat.

Depuis une trentaine d’années le degré d’inégalité s’est légèrement accru au sein de divers pays de l’OCDE. Les plus riches s’y sont encore enrichis notamment par suite de la mondialisation accélérée de l’échange des produits et services et des innovations de la révolution numérique. Mais dans le même temps, cette mondialisation a aussi contribué à enrichir le monde contrairement à ce que soutiennent à tort trop d’idéologues enfermés dans un étroit souverainisme ou dans un égalitarisme obsessionnel. De 1990 à 2015 les pays les plus pauvres ont connu une progression spectaculaire de leur revenu moyen par tête (chiffre en pouvoir d’achat, donc corrigé des variations monétaires) : le revenu du Chinois a été multiplié par 14, celui de l’Indien par 6, celui de l’Indonésien et du Thaïlandais par 4. Parmi les pays de l’OCDE, le Chili fait partie des cinq pays les plus inégalitaires, mais il est celui qui a eu le plus fort taux de croissance (4%) sur la période 2000/2010 et celui dont le taux de pauvreté a le plus baissé (6%) durant la crise 2007/2011.

Dans le monde, selon le rapport de la Banque mondiale de 2016, le nombre d’individus vivant avec moins de 1,90$ par jour a chuté de plus des deux tiers depuis 1990 malgré l’augmentation significative de la population des pays les plus pauvres. Le taux de pauvreté (selon le standard antérieur de moins de 1$ par jour) dans les zones urbaines de l’Inde est passé de 39% en 1987-1988 à 12% en 1999-2000. Dans le même temps la croissance est passée de 0,8% jusqu’au milieu des années 1980 à 3,2% dans les années 1990 ; et si la croissance annuelle dans ce pays est passée de 0,8% jusqu’au milieu des années 1980 à 3,2% dans les années 90, « ce décollage n’est pas tant le résultat d’interventions locales que la conséquence de réformes systémiques, en particulier la libéralisation du commerce et celle du marché des biens et services »[[Discours inaugural de Philippe Aghion à la chaire « Economie des institutions, de l’innovation et de la croissance » du Collège de France, prononcé le 1er octobre 2015]] note encore Philippe Aghion.

Le prix Nobel 2015 Angus Deaton[[Angus Deaton, The Great Escape, Princeton University Press, 2015]] a constaté que les pays du tiers monde ont été enfoncés dans leur misère par l’assistance que leur a procurée trop longtemps le monde développé pour des raisons éminemment politiques. Cette assistance était largement accaparée par les plus puissants de ces pays, et ce qui en restait ne servait qu’à laisser croire aux populations assistées qu’elles pouvaient subsister sans créer de richesses par elles-mêmes. Ce qui a permis la réduction de la pauvreté dans le monde, rappelle Angus Deaton, c’est la croissance plus que les mesures de redistribution. Et cette croissance a été favorisée par la liberté d’enrichissement économique et non frauduleux laissée aux plus hardis et aux plus avisés. Ce qui bien entendu conduit à une certaine inégalité propre à la diversité des comportements humains.

Les entrepreneurs irriguent le monde

Donnez un pain et deux pommes chaque matin à trois jeunes sans le sou. Le premier s’en contentera pour sa journée ; le deuxième les mangera dès le matin et ira crier famine à l’heure de déjeuner ; le troisième prendra sur lui de ne manger qu’une pomme par jour et vendra l’autre, à celui qui a mangé les deux le matin peut-être, pour accumuler jour après jour une petite fortune et devenir bientôt un vilain riche… capable d’embaucher les deux premiers pour développer son commerce de pommes. En acceptant des privations pour tenter de s’enrichir, le troisième entraine la « cordée » vers l’emploi. C’est la théorie du ruissellement selon laquelle la création de richesse profite à tous, différemment. L’égalité exigerait de les laisser tous les trois végéter dans une médiocre assistance et il y faudrait sans doute des mesures coercitives à l’encontre de celui qui a pris le parti de se priver et de travailler pour s’enrichir à terme.

Malgré les dénégations horrifiées d’une doxa bien pensante, la liberté de création et d’échange permet, mieux que toute autre démarche, de réduire la pauvreté. A condition bien sûr que l’Etat ne décourage pas ces initiatives en captant par exemple la plus grande partie du profit du vendeur de pommes ou en lui imposant tant de sujétions étranges et stupides qu’il renonce à son commerce. Certes notre vendeur de pommes gagnera plus que les deux autres qui auront trouvé un petit boulot chez lui. Mais n’est-il pas préférable que les 10% les plus pauvres gagnent 1 500€ par mois et les 10% les plus riches 8 000€ par mois, plutôt que respectivement 1 000€ et 1 500€ par exemple ?

Dans les pays démocratiques et libéraux, les grandes fortunes se bâtissent en créant des entreprises qui embauchent. Dans le monde, sur les 200 personnes les plus riches, 140 sont des entrepreneurs qui ont gagné leur argent grâce à l’entreprise qu’ils ont créée. Sur les 50 personnes qui possèdent les premières fortunes mondiales, 40 sont des entrepreneurs et sur les 10 personnes les plus riches du monde, 9 sont des entrepreneurs ! En France, les dix plus grandes fortunes appartiennent à des familles créatrices d’entreprises prospères et qui emploient 700 000 salariés, sans compter les innombrables sous-traitants et autres fournisseurs.

Xavier Niel, le fondateur de Free, s’est hissé il y a peu d’années dans le palmarès des dix personnes les plus riches de France. Son parcours est à tous égards exemplaires de la théorie du ruissellement. Son groupe, ILIAD, n’emploie que 9 700 salariés en France. Mais il forme des centaines de jeunes dans son «Ecole 42 » ouverte à tous et destinée à découvrir de nouveaux talents par une pédagogie toute révolutionnaire. Il ne s’est pas enrichi en volant les uns ou les autres, mais au contraire en enrichissant tous les utilisateurs d’un téléphone portable, c’est-à-dire presque tous les Français. Il a réussi en trouvant les moyens de gagner de l’argent tout en abaissant le prix des abonnements de téléphone mobile à un niveau de deux à trois fois inférieur à celui de ses concurrents Orange, Bouygues ou SFR. Il a ainsi permis à tous les utilisateurs de téléphones mobiles, Free ou autres, de gagner chaque mois quelques dizaines d’euros car la concurrence a dû s’aligner peu ou prou et tout le monde a profité directement ou indirectement de sa démarche.

Ce qui a permis à l’entreprise Free de gagner ses marchés, c’est l’innovation, commerciale et managériale plus que technique. C’est aussi la concurrence, car elle n’aurait pas pu accéder au marché si une société nationalisée et monopolistique, un PTT quelconque, l’avait accaparée. C’est l’état de droit qui repose sur l’égalité en droit de chacun et la liberté pour tous, c’est-à-dire la possibilité donnée à chacun de s’engager dans une démarche propre, non tracée par avance par l’Etat, capable d’innover et d’apporter la richesse à son initiateur et le progrès au monde.

Un autre témoignage en est donné avec la montée en puissance des nouveaux bourgeois d’Evo Morales. Après avoir été élu président de la Bolivie en 2005, ce dernier a permis aux Amérindiens d’être reconnus et respectés. « Avant, dit l’un d’eux, nous étions discriminés et tout Aymara qui réussissait était remis en cause, ce n’était pas normal. Aujourd’hui, tous les Boliviens sont sur un pied d’égalité »[[Le Figaro, 16 septembre 2015]]. A El Alto, les habitants, très majoritairement d’origine aymara comme Evo Morales, ont profité de cette égalité de droits pour créer des entreprises, travailler, commercer, fabriquer, embaucher et faire de cette ancienne banlieue misérable de la capitale La Paz une nouvelle ville plus grande et plus riche que celle-ci ! Ils n’avaient pas besoin d’être aidés pour y réussir, mais seulement de pouvoir disposer des mêmes droits que tous. Ils n’exigeaient pas d’être pris en charge, mais d’être libérés.

Il ne s’agit pas non plus, bien sûr, de vanter l’inégalité qui dans ses excès révèle souvent l’arrogance et le mépris des parvenus. Mais il ne faut pas l’éradiquer en tuant en même temps les talents. Au contraire, il convient de faire éclore ceux-ci, aussi nombreux que possible, en donnant leur chance et les mêmes droits à tous de façon qu’aucun ne soit empêché de s’instruire et d’entreprendre par l’obscurité de sa situation. Le meilleur moyen de lutter contre la pauvreté est de garantir à tous les mêmes droits.

La liberté a fait ses preuves

L’économie de l’offre et le ruissellement, ou l’irrigation, ont fait leur preuve. Les Reaganomics ont permis à l’Amérique de sortir de la récession en abaissant le taux maximum d’impôt sur le revenu de 70% (pour ceux gagnant plus 108 000$/an) à 28% (pour ceux gagnant plus de 18.500$/an), et le taux d’impôt sur les bénéfices des sociétés de 46 à 40%. Le président George W. Bush a pratiqué la politique de l’offre à son tour pour combattre la récession de 2001 et il y réussit en réduisant les impôts, ce qu’il renouvela en 2003.

Bien sûr, Les résultats positifs des politiques de Reagan et Bush ont peut-être bénéficié d’autres facteurs. Reagan a investi massivement dans la défense de l’Amérique pour gagner la guerre froide et il a de ce fait augmenté sensiblement le déficit budgétaire passé de 997 Md$ en 1981 à 2 850 Md$ en 1989. En même temps que Bush réduisait les impôts, la FED a abaissé ses taux directeurs. Les effets ne sont pas partout et toujours les mêmes et dépendent de leur environnement : une réduction massive d’impôts dans un pays sous-fiscalisé aurait sans doute peu d’effet. La courbe de Laffer démontre que c’est au-delà d’un certain seuil de tolérance, variable sans doute selon les pays et les époques, que l’augmentation des impôts réduit leur rendement (du moins relatif) et vice-versa.

La mise en œuvre d’une politique de l’offre se fait rarement sans douleur, mais elle était nécessaire, notamment au Royaume Uni qui depuis 1945 comptait, selon la théorie de Keynes, sur la dépense publique pour améliorer la situation mais ne faisait que la dégrader chaque jour un peu plus, de taxe nouvelle en augmentation d’impôt, jusqu’à frapper 98% du capital et 83% des salaires, de nationalisation en désindustrialisation et de grève en grève, jusqu’à devoir appeler au secours le FMI pour obtenir un prêt de 4Md$ en 1976. Lorsqu’elle est bien faite cette libéralisation enrichit pourtant à terme tout le monde parce qu’elle remet l’économie sur les rails du développement là où elle était sur le déclin. Par exemple Margareth Thatcher a beaucoup dénationalisé durant ses 11 ans de mandat et notamment la très soviétique British Steel qui ne produisait pas plus d’acier avec 270 000 salariés que l’Allemand Thyssen avec 90 000 à la fin des années 1970 ! Ce faisant, la Dame de Fer a permis à la Grande Bretagne de retrouver le chemin de la croissance, jusqu’à 5% en 1988 ; elle a fait reculer la dépense publique de 45% à 35% du PIB et la dette publique de 46% du PIB en 1980 à 32% dix ans plus tard. C’est ce qui a permis à la Grande Bretagne, moribonde en 1980, de retrouver son rang parmi les premiers dans le concert des nations et de connaitre une prospérité non démentie depuis lors. Ses successeurs John Major (conservateur) puis Tony Blair et Gordon Brown (travaillistes) n’ont d’ailleurs pas remis en cause ses réformes structurelles, ses privatisations ou sa réforme du marché du travail (Employment Act de 1982) par exemple.

Le taux de pauvreté a parfois augmenté, du moins provisoirement, sous le choc des mesures de libéralisation de l’économie qui réduit l’assistance pour conduire ceux qui en sont capables à retrouver du travail. Au demeurant, la mesure même du taux de pauvreté est trompeuse quand elle est déterminée en pourcentage d’un revenu médian (en général 60%) qui augmente sensiblement, le paradoxe étant alors que pour réduire le taux de pauvreté, il faut que les plus pauvres s’enrichissent plus que le niveau médian. C’est du reste ce qui est arrivé aux Etats-Unis : le revenu après impôt par foyer américain du quintile le plus pauvre a plus augmenté (12%) de 1983 à 1993 que celui du deuxième quintile (+ 9 ,92%), du troisième (+ 10,10%) et du quatrième (+ 11,01%), seul le quintile le plus élevé faisant mieux, soit + 17,54%.[[Cf. CBO, Historical Effective Federal Tax, Table 1C After-Tax Real Comprehensive Household Income]] Par ailleurs le revenu moyen américain est passé de 65 496 $ en 1981 (en dollar constant 2016) à 77 598$ en 1989, soit une augmentation de 18,47% et sur la même période le revenu médian a connu une croissance de 12,7%.[[Cf Tables F6 et F3 Families All Race by Median and Mean Income, US Census Bureau]] Les Reaganomics ont profité à tous !

Il en a été de même au Royaume Uni. Le tableau 17 ci-après donné par l’Office For National Statistics[[Statistical bulletin, Effects of taxes and benefits on UK household income: financial year ending 2016]] montre l’évolution du revenu moyen disponible par foyer en livre constante 2015 et il en ressort que durant le mandat de Mme Thatcher l’augmentation a été sensible.

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Et d’un autre coté, chaque fois que la politique cherche à imposer plus d’égalité, elle l’obtient par l’abaissement de tous ainsi que c’est arrivé au Royaume-Uni des années 1970 et bien sûr plus structurellement en URSS et dans les pays de l’Est hier ; comme encore hélas encore aujourd’hui au Venezuela, à Cuba, en Corée du Nord.

Aussi et à tout prendre, il vaut mieux choisir la liberté que l’égalité comme chemin de lutte contre la pauvreté et pour avancer vers la prospérité. Il est plus important de sortir les hommes de la pauvreté que de les rendre égaux artificiellement et généralement en les abaissant tous. L’inégalité en droit est injuste mais l’égalité n’est pas une vertu. Les hommes sont inégaux et imparfaits par nature, mais il est souhaitable et possible de lutter contre la pauvreté et le ruissellement, ou irrigation, y contribue. Ainsi que l’écrivait Walter Lippmann, ce néo-libéral du début du XIXème siècle, « L’idéal d’égalité des droits pour tous, et de l’abolition de tous les privilèges est donc inséparable de la recherche de la liberté […]. La conception libérale de la liberté ne comporte manifestement pas la promesse de rendre tous les hommes également riches, également influents, également honorés et également sages. Au contraire, ce qu’elle promet c’est que si les inégalités extrinsèques dues aux privilèges et aux prérogatives sont abolies, les supériorités intrinsèques pourront se manifester »[[Walter Lippmann, La Cité libre, Les Belles Lettres, 2011 ( première édition en 1937), p. 415]]

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2 commentaires

Gaston79 16 octobre 2018 - 8:02 am

Faux le ruissellement ?
Les socialistes ne croient pas au ruissellement car en bons égalitaristes, ils estiment qu'un euro consenti au riche devrait générer le même euro distribué au pauvre, équation naturellement impossible dans une économie réelle tenant compte du timing des investissements et des processus de production. Mais si en revanche les effet du ruissellement sont difficiles à mesurer, ceux d'une politique socialiste anti-ruissellement le sont avec fort taux de prélèvement, forte redistribution et fortes dépenses publiques….elle ruine le pays à coup sûr.

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yuropp 24 novembre 2018 - 4:43 pm

Partager le gâteau : quel gâteau ?
Plutôt que que parler de "ruissellement", que je trouve méprisant pour "la boue du bas" comme pour les producteurs de richesse, je préfère le gâteau et son partage.
À ma droite "pour partager le gâteau, il faut fabriquer du gâteau. Donc donner une raison à ceux qui savent fabriquer du gâteau à en fabriquer un max. Et à part quelques philanthrope, la seule méthode qui fonctionne c'est de leur laisser "la part du lion". Car "sans part du lion, pas de lion"
Et plus il y aura de gâteau, plus chacun pourra en attraper un bout (par "ruissellement" si ça vous fait plaisir), quitte à réserver une petite part aux pauvres". Ça fonctionne, mais c'est de droite. Donc, moralement indéfendable.

Et à ma gauche "il apparaît du gâteau, les statistiques macro-économiques le prouvent. Donc il faut le répartir de manière socialement irréprochable, selon des critères nombreux appliqués par des fonctionnaires et des politiciens (à eux la part du lion, pour leur "importance sociale") non moins nombreux (on trouve des économistes pour croire ce le coût de la gestion est "négligeable", et pas qu'au GosPlan soviétique, parce que ça simplifie leurs calculs). Et la production de gâteau s'effondre, ou que les bénéficiaires du gâteau lui trouve un goût infect, c'est la faute de saboteurs ou de traitres ou de réactionnaires, qu'il faut surtaxer, vilipender en place publique, exproprier, goulagiser, etc. Ça ne fonctionne pas, mais c'est moralement supérieur, car de gauche.

Tout le reste, ce sont de fioritures.

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