Plus un système scolaire est libre, meilleurs sont ses résultats. C’est la conclusion de l’Etude que vient de réaliser l’IREF à partir des classements PISA et Eurydice.
– Sur les 5 systèmes éducatifs européens se classant dans l’élite de Pisa, 100% sont des systèmes éducatifs orientés vers la liberté éducative.
– Sur les 20 systèmes éducatifs européens se situant au-dessus et dans la moyenne de l’OCDE (groupe 1 et 2), 60% des systèmes éducatifs sont orientés vers la liberté éducative, soit 12 systèmes éducatifs.
– Sur les 19 systèmes éducatifs orientés vers la liberté éducative, 63% se situent au-dessus et dans la moyenne de l’OCDE, soit 12 systèmes éducatifs et 37% se situent au-dessous de la moyenne de l’OCDE, soit 7 systèmes éducatifs.
INTRODUCTION
« Dites-moi comment est votre système éducatif et je vous dirai comment est votre économie. » Ainsi pourrait-on résumer l’utilité d’une étude sur les systèmes éducatifs.
De la formation des élèves et de leur capacité à s’intégrer dans une société nationale et internationale dépend la réussite d’une économie. Comme le souligne avec raison l’OCDE dans la synthèse de son enquête Pisa 2009 à propos des résultats des élèves dans les évaluations de la compréhension de l’écrit, « des études montrent que ces compétences en compréhension de l’écrit sont des variables prédictives plus probantes du bien-être économique et social des nations que le nombre d’années d’études de formation initiale et continue. »
L’école est donc le premier maillon de l’économie d’un pays. Trop souvent mises de côté et ignorées, l’efficacité et la qualité de l’école déterminent pourtant les succès ou les échecs à venir d’une société. Pisa souligne qu’il y a ainsi « un seuil de compétence à partir duquel les élèves commencent à montrer qu’ils possèdent des compétences en compréhension de l’écrit qui leur permettront de participer de manière efficace et productive à la vie de la société. » L’innovation, l’initiative, la capacité à réaliser des projets trouvent donc leur source dans le système éducatif. L’enjeu est donc de taille.
En outre, jamais un autre domaine social ne touche autant chacun d’entre nous. D’abord en tant qu’élèves : nous passons près de 15 ans de notre vie dans le système scolaire. Puis en tant que parents où nous passons de nouveau quinze ans de nos vies par enfants au contact de ce même système scolaire. Avec deux enfants, des parents peuvent largement passer plus de 20 ans au contact de l’école. Il s’agit donc de savoir quel type de système éducatif apportent les meilleurs résultats : un système dirigé par les autorités éducatives ou un système faisant confiance aux enseignants et aux parents, c’est-à-dire libre.
C’est pour essayer de connaître le degré de liberté des systèmes éducatifs européens ainsi que leur réussite en matière de formation des élèves que nous avons utilisé deux sources d’information incontournables : l’enquête Pisa de l’OCDE et la base de données Eurydice de l’Union européenne.
Pisa 2009 et Eurydice
Le classement effectué par l’OCDE dans son enquête Pisa est essentiel pour connaître les performances des systèmes éducatifs. Ainsi « l’enquête PISA cherche à évaluer la capacité des jeunes à utiliser leurs connaissances et compétences pour relever les défis du monde réel. Cette approche reflète l’évolution des objectifs des programmes de cours : la priorité va désormais à ce que les élèves savent faire avec ce qu’ils ont appris à l’école plutôt qu’à la mesure dans laquelle ils ont assimilé des matières spécifiques. »
L’enquête Pisa possède une « approche novatrice basée sur la notion de « littératie », qui renvoie à la capacité des élèves d’exploiter des savoirs et savoir-faire dans des matières clés, et d’analyser, de raisonner et de communiquer lorsqu’ils énoncent, résolvent et interprètent des problèmes qui s’inscrivent dans divers contextes. »
Les 34 pays membres de l’OCDE ainsi que 41 pays et économies partenaires ont participé au cycle PISA 2009.
Eurydice tient une place importante dans l’analyse des systèmes éducatifs européens. Comme le rappelle les responsables d’Eurydice, « Le rapport général « Chiffres clés de l’éducation 2012 », publié conjointement avec Eurostat, est une publication unique et un produit phare pour le réseau Eurydice, car il combine des données statistiques et des informations qualitatives afin de décrire l’organisation et le fonctionnement des systèmes éducatifs en Europe. »
Suivant les données fournies par Eurydice, nous n’avons pas pris en compte la Suisse qui n’apparaît pas dans ces chiffres clés et nous avons surtout raisonné en termes de système scolaire et non de pays. La Belgique possède ainsi trois systèmes scolaires : néerlandophone, francophone et germanophone. Le Royaume-Uni possède lui aussi trois systèmes : un pour l’Angleterre et Pays-de-Galles, un pour l’Irlande du Nord et un pour l’Ecosse. Comme les résultats de PISA prennent en compte l’ensemble du pays, nous avons donc attribué à chacun de ces systèmes la notation PISA du pays en question.
I- LES SYSTEMES EDUCATIFS EUROPEENS DANS PISA
L’Asie excelle ! Moteur économique, elle devient peu à peu un centre éducatif redoutable. Shanghai, la Corée, Hong Kong, Singapour sont tous dans le Top 5 du classement de PISA 2009, laissant peu de place au doute : leurs élèves sont les meilleurs.
Ils sont talonnés de près par le Japon qui, malgré sa crise lancinante, se hisse dans le Top 10 avec le Canada, la Nouvelle-Zélande et l’Australie. L’Océanie anglo-saxonne s’illustre elle aussi par son excellence et sa jeunesse. En regardant ce Top 10, force est de reconnaître qu’un monde nouveau émerge.
Et la vieille Europe ?
Elle est là. Elle est représentée par des nations, petites mais solides, qui ont su bâtir des systèmes éducatifs qui tiennent la dragée haute aux puissances d’Asie.
Les élèves finlandais mettent à genoux les chinois de Hong Kong et talonnent les Coréens : ces européens polaires se placent dans le Top 5 de PISA, en troisième position, réalisant ainsi une performance que beaucoup envient. Depuis leur arc polaire, ils dominent presque le monde et surclassent l’Europe.
Autre population, discrète, efficace, laborieuse : les élèves néerlandais. Ils ont conquis leur place dans le Top 10. Les Pays-Bas, dont l’honneur est d’avoir inscrit la liberté d’éducation dans le marbre de leur constitution, trouvent leur récompense en étant à quelques encablures des asiatiques.
N’oublions pas enfin, aux portes de ce Top 10, un petit pays qui, exactement comme les 10 autres devant lui, voit ses élèves accomplir une « performance supérieur à la moyenne de l’OCDE dans une mesure statistiquement significative » : la Belgique. Ses trois systèmes éducatifs, le néerlandophone, le francophone et le germanophone, partagent cette récompense.
Ce Top 11 de Pisa constitue l’élite de l’OCDE et par là-même rassemble le premier groupe de systèmes éducatifs européens composé de la Finlande, des Pays-Bas et de la Belgique.
La cohorte des pays de la Vieille Europe arrivent enfin dans le groupe 2, affichant des résultats satisfaisants. On n’en attend pas moins d’ailleurs de leur part. Certes, leurs systèmes éducatifs ne sont pas dans l’élite que constitue le groupe 1, mais ils sont toujours dans la moyenne puisque Pisa précise que les résultats de ce groupe ne présentent « pas d’écart statistiquement significatif par rapport à la moyenne de l’OCDE » qui est de 493 points.
Parmi les européens se glissent les élèves américains qui devancent ainsi les allemands, les français et les britanniques, tandis que les élèves chinois de Tapei s’installent juste derrière leurs camarades de l’Hexagone. De petits pays européens jouent des coudes avec les grands : les élèves islandais, estoniens, du Lichtenstein se paient le luxe de devancer, eux aussi, les jeunes allemands, français et britanniques.
Les élèves portugais ont une performance qui est certes au-dessous de la moyenne de l’OCDE, avec 489 points, mais l’écart n’est pas significatif. Le Portugal clôt ainsi ce groupe 2.
Les élèves italiens sont les premiers à avoir une « « performance inférieure à la moyenne de l’OCDE dans une mesure statistiquement significative. » En d’autres termes, ils obtiennent des résultats inquiétants. Ils ne peuvent que vouloir s’améliorer. En attendant, ils sont bien à la tête de ce groupe 3 où se figurent 13 systèmes éducatifs européens.
Toutes les Europes sont représentées dans ce groupe : les élèves de l’Europe baltique, les élèves de l’Europe centrale – Tchéquie et Slovaquie -, les élèves de l’Europe de l’Est – Bulgarie et Roumanie -, les élèves de l’Europe de l’Ouest – Luxembourg, Autriche, Espagne -, sans oublier la Grèce.
Si le plus haut score européen de Pisa est réalisé par la Finlande avec 536 points, c’est la Roumanie qui est lanterne rouge avec 424 points, soit 102 point d’écart. Nos élèves européens se répartissent donc dans 33 systèmes éducatifs aux résultats aux fonctionnements différents. Eurydice les présente tous et les décortiquent. C’est avec ces analyses de la base de données européennes que l’on tentera de répondre à une question qui taraude l’esprit lorsque l’on regarde les résultats de Pisa : y a-t-il une architecture de système éducatif meilleure qu’une autre ?
Cette question vient du fait que le système éducatif des Pays-Bas repose sur une liberté éducative constitutionnelle, que les systèmes éducatifs belges sont eux aussi fondé sur une grande liberté et que la Finlande est perçue comme un pays peu contraignant vis-à-vis de ses élèves, au moins au niveau des évaluations.
Les systèmes éducatifs orientés vers la liberté éducative sont-ils donc les meilleurs ?
De l’intuition, il fait passer au fait. Et pour cela, il faut définir et quantifier cette liberté, puis la comparer aux résultats de Pisa.
II- LA LIBERTE EDUCATIVE
Liberté ! Le mot est dans toutes les bouches, la liberté est brandie comme un étendard, elle franchit les barricades, seins nus, coiffée du bonnet phrygien, drapeau tricolore à la main. Mais au-delà du concept et du quasi fantasme politique, en quoi consiste concrètement la liberté ? Et plus précisément, qu’est-ce que la liberté éducative ?
Loin d’être un concept, la liberté éducative possède une réalité quantifiable et se définit en fonction de 4 domaines bien clairs et précis :
– l’autonomie de gestion financière ;
– l’autonomie de gestion en ressources humaines ;
– l’autonomie d’enseignement ;
– le choix parental.
Pour quantifier et mesurer ces domaines, des valeurs ont été attribuées aux analyses d’Eurydice qui ont servies pour établir cette « métrologie éducative » et analyser la capacité de liberté et d’autonomie de chacun des systèmes scolaires européens.
Ainsi pour mesurer chacun de ces trois types d’autonomies, la base Eurydice indique un degré d’autonomie que nous avons quantifié de la manière suivante :
– aucune autonomie, valeur 0
– autonomie limitée, valeur 1
– possibilité de délégation des pouvoirs de décision par l’autorité locale, valeur 2
– autonomie totale, valeur 3
Quant au choix parental, toujours en nous appuyant sur Eurydice, les mêmes valeur ont été attribuées et seront décrites dans cette partie spécifique.
+II-1 L’autonomie de gestion financière+
L’argent ! Le nerf de la guerre ! Il est le cœur de l’autonomie, il est la condition sine qua non qui permet à un projet éducatif de se réaliser.
Le premier aspect de l’autonomie de gestion financière, mesuré par Eurydice, est celle des fonds publics, c’est-à-dire les dépenses en capital (biens immobiliers ou mobiliers), les dépenses courantes, l’acquisition d’équipement informatique.
Mais un second aspect entre en jeu, car l’argent public peut ne pas suffire aux projets éducatifs et à un établissement scolaire. Cet autre aspect, bien décomposé et décrypté par Eurydice, concerne la capacité à collecter et utiliser des fonds privés, plus précisément de rechercher des dons et des parrainages, de louer des bâtiments scolaires pour des activités en dehors des heures scolaires et de contracter des emprunts. De même, l’utilisation des fonds privés est observée : l’établissement est-il autonome pour acquérir des biens immobiliers et des biens mobiliers ainsi que pour employer du personnel enseignant du personnel non enseignant ?
Les plus autonomes financièrement sont les belges néerlandophones, germanophones et francophones tandis que les allemands n’en ont presque pas. Les Pays-Bas disposent d’une confortable autonomie ce qui n’est pas franchement le cas de la Finlande. La France, sans surprise, se classe parmi ceux qui ont le moins d’autonomie.
La moyenne se situant à 3, ce sont 15 systèmes scolaires qui possèdent une bonne autonomie financière, soit 45,5%.
+II-2 L’autonomie de gestion des ressources humaines+
« Il n’est de richesse que d’hommes » ! C’est bien pour cela que la gestion des ressources humaines est essentielle. Si le chef d’entreprise choisit ceux qu’il pense être les meilleurs collaborateurs pour réussir, pourquoi n’en serait-il pas de même pour le chef d’établissement ?
Le recrutement des professeurs est un aspect essentiel de l’autonomie. L’esprit n’est pas celui d’une nomination par l’État, mais d’un choix du chef d’établissement pour constituer une équipe pédagogique à même de mettre en valeur le projet éducatif de l’établissement. Cette équipe d’enseignants est chargée de construire un projet pédagogique en disposant des outils nécessaires pour le mettre en valeur. C’est d’autant plus crucial que chaque équipe pédagogique est la seule à connaître réellement leur contexte éducatif et les besoins de leurs élèves. La pleine responsabilité est alors donnée au chef d’établissement dans la gestion et le recrutement des ressources humaines nécessaires au projet éducatif.
La base de données Eurydice définit le degré d’autonomie à la fois pour la direction de l’établissement et pour le personnel enseignant.
Ainsi en ce qui concerne le chef d’établissement, Eurydice indique le degré d’autonomie de l’établissement dans la sélection du chef d’établissement et la définition de ses tâches et de ses responsabilités.
Quant au personnel enseignant, le degré d’autonomie de la direction est précisé sur les domaines suivant : la sélection des nouveaux enseignants et des enseignants remplaçants, la marge de manœuvre sur les salaires, la capacité à licencier des enseignants ainsi que de définir de leurs tâches et de leurs responsabilités.
Les Pays-Bas, l’Irlande, la Belgique néerlandophone se retrouvent dans le groupe de tête. Mais ils sont tous précédés par la Slovénie qui accorde le plus d’autonomie dans la gestion des ressources humaines, suivi immédiatement par la Suède. L’Allemagne, quant à elle, n’accorde que peu d’autonomie, mais la France en donne encore moins.
La moyenne se situe à 2,3, ce sont donc 17 systèmes européens qui ont une assez grande autonomie en matière de recrutement, soit 51,5%. Mais notons que 3 systèmes éducatifs sont à 2,3, un écart très peu significatif statistiquement, et si nous les incluons ce sont 60,6% des systèmes scolaires qui ont une large autonomie en matière de ressources humaines.
+II-3 L’autonomie de programme et d’apprentissage+
Pour établir un vrai projet éducatif, une certaine flexibilité est nécessaire dans les programmes. Chaque enseignant le confirmera ainsi que chaque pédagogue : le meilleur enseignement est celui qui s’adapte à l’élève que l’on a en face de soi. Les cadres rigides explosent sous la pression tandis les cadres souples résistent le mieux.
Ainsi l’autonomie de l’établissement scolaire en matière de programme et d’apprentissage se porte sur plusieurs points : le programme d’enseignement et l’apprentissage.
En suivant Eurydice, en matière de programme ou curriculum, il s’agit de connaître l’autonomie de l’établissement en ce qui concerne le contenu du programme minimal obligatoire, le contenu du programme des matières optionnelles, le choix des méthodes d’enseignement et le choix des manuels.
Pour ce qui est de l’apprentissage, cela concerne les critères de regroupement des élèves pour les activités d’apprentissage obligatoires et la définition des critères d’évaluation interne des élèves.
Les néerlandais et le belges s’illustrent en ayant toujours le plus d’autonomie. Ils sont rejoints par les écossais, les italiens et les islandais. Les finlandais possèdent eux aussi une très forte autonomie de programme.
Pour une fois, l’Allemagne, bien qu’étant en dessous de la moyenne, est néanmoins relativement souple, ce qui n’est pas le cas de la France qui est bonne dernière de ce classement.
La moyenne s’établissant à 3,9, ce sont 14 systèmes éducatifs qui détiennent une autonomie satisfaisante en matière d’enseignement, soit 42,4%. Mais notons que 5 systèmes éducatifs sont à 3,8, un écart très peu significatif statistiquement, et si nous les incluons ce sont 57,6% des systèmes scolaires qui ont une large autonomie en matière de programmes et d’apprentissage.
+II-4 Le choix parental+
L’école est au pire une angoisse, au mieux un souci : pour l’enfant certes, mais aussi pour le papa et la maman qui doivent l’y mettre pour la première fois. L’enfant va quitter le cocon familial pour entrer dans un monde nouveau, remis entre les mains d’instituteur pour apprendre à lire, écrire, compter. Pour cette raison, le choix de l’école est très important pour les parents qui se sentent impliqués dans l’instruction de leur progéniture.
Et l’enfant grandissant, le souci du choix de l’établissement scolaire ne diminue pas moins : l’orientation, la motivation, le cadre éducatif, les projets pédagogiques, de nombreux facteurs font que les enfants devenus adolescents et les parents préfèrent choisir, s’ils le peuvent, l’établissement le mieux adapter à leurs besoins.
Mais tout dépend du système éducatif dans lequel ils vivent. Eurydice définit ainsi les 4 degrés de choix accordés aux parents et auxquels nous avons donné une valeur pour les quantifier :
Premier niveau auquel nous avons attribué la valeur 0, aucun choix n’est possible puisque « les élèves sont affectés à une école spécifique par les pouvoirs publics sur la base de critères géographiques. »
Deuxième niveau auquel nous avons attribué la valeur 1, où les autorités scolaires imposent un établissement à l’élève avec cependant la possibilité donné aux parents de modifier ce choix puisque « les élèves sont affectés à une école, mais les parents peuvent demander une alternative. »
Troisième niveau auquel nous avons attribué la valeur 2, et où les parents peuvent enfin faire un choix actif même s’il est toujours potentiellement modifiable par les autorités scolaires puisque « les parents choisissent une école, mais les pouvoirs publics peuvent intervenir si la capacité d’inscription est dépassée. »
Quatrième et dernier niveau auquel nous avons attribué la valeur 3, celui du choix parental complet puisque « les parents choisissent une école sans l’intervention des pouvoirs publics pour réguler le nombre d’élèves. »
Appliqués sur les 33 systèmes éducatifs, les résultats suivants sont obtenus :
Est-ce véritablement une surprise si les néerlandais ont une liberté de choix totale ? Mais il est frappant de constater que la population néerlandophone belge possède autant de liberté de choix, tout comme leurs concitoyens allemands d’ailleurs.
Par contre les portugais et les grecs n’ont pas le choix. Et c’est à peine si les français et les norvégiens en ont plus. Ces quatre nations sont celles qui n’accordent pas ou presque aucun choix de l’établissement aux parents.
L’Allemagne et le Royaume-Uni sont aux antipodes. Alors que l’Allemagne, un peu comme la France, ne donne qu’un choix restreint aux parents, le Royaume-Uni, dans ses systèmes éducatifs d’Angleterre – Pays-de-Galles et d’Irlande du Nord, accorde une liberté de choix quasi-totale.
Globalement, la moyenne se situant à 1,5, ce sont 16 systèmes éducatifs qui privilégient la liberté de choix parental, soit 48,5%.
+II-5 Bilan de la liberté scolaire+
Liberté éducative ! Nous savons à présent ce que cela veut dire exactement dans les faits, qui la pratique et qui l’ignore.
Néanmoins une vue globale s’impose. Elle nous permettra de comparer les degrés de liberté éducative aux résultats de Pisa.
Les populations néerlandophones aiment la liberté ! Elles ne font pas que l’aimer et en parler : elles la pratiquent. La Belgique néerlandophone possède ainsi le système éducatif le plus orienté vers la liberté éducative, suivi par les Pays-Bas. Les irlandais sont juste derrière talonnés par les belges, encore eux, germanophones cette fois.
Le Royaume-Uni, avec ses systèmes éducatifs d’Angleterre – Pays-de-Galles et d’Irlande du Nord possède une grande liberté que ne partagent pas l’Allemagne, antépénultième, la France, avant-dernière, et la Grèce, la moins libre.
Quant à la Finlande, premier système éducatif européen dans Pisa, elle est en milieu de tableau, comme dans tous les autres résultats d’ailleurs.
La moyenne se situe à 10,7. Cependant, il faut inclure les pays dont l’écart statistique n’est pas significatif par rapport à la moyenne et se différencie d’au plus 0,5 points. Ce sont donc 19 systèmes éducatifs qui sont orientés vers la liberté éducative soit 57,6% des systèmes européens.
Soulignons enfin qu’Eurydice constate qu’il y a « une tendance générale à l’augmentation de l’autonomie scolaire en Europe », même si un groupe de pays tel que le Luxembourg, l’Allemagne, la France et la Grèce sont encore très loin de la liberté éducative.
III- LA LIBERTE EDUCATIVE ET LES RESULTATS DE PISA
La liberté éducative est-elle efficace ? Fait-elle des systèmes éducatifs meilleurs ? Pour tenter de répondre à ces questions, les résultats PISA 2009 tels que nous les avons décrits au début de cette étude sont comparés au degré global de liberté éducative des systèmes éducatifs européens.
Nous avons rassemblés les pays en trois groupes :
Groupe 1, en bleu, sont regroupés les systèmes scolaires ayant une « performance supérieure à la moyenne de l’OCDE dans une mesure statistiquement significative. »
Groupe 2, en blanc, ceux qui n’ont pas « pas d’écart statistiquement significatif par rapport à la moyenne de l’OCDE. »
Groupe 3, en orange clair, les systèmes scolaires qui ont une « performance inférieure à la moyenne de l’OCDE dans une mesure statistiquement significative. »
+III-1 Le constat : la liberté éducative est un atout de réussite+
En comparant ainsi les données Pisa – Eurydice, il ressort donc que :
– sur les 5 systèmes éducatifs européens se classant dans l’élite de Pisa (groupe 1), 100% sont des systèmes éducatifs orientés vers la liberté éducative.
– sur les 20 systèmes éducatifs européens se situant au-dessus et dans la moyenne de l’OCDE (groupe 1 et 2), 60% des systèmes éducatifs sont orientés vers la liberté éducative, soit 12 systèmes éducatifs.
– sur les 19 systèmes éducatifs orientés vers la liberté éducative, 63% se situent au-dessus et dans la moyenne de l’OCDE, soit 12 systèmes éducatifs et 37% se situent au-dessous de la moyenne de l’OCDE, soit 7 systèmes éducatifs.
D’une manière générale, les systèmes éducatifs orientés vers la liberté éducative sont en capacité d’obtenir de meilleurs résultats.
+III-2 Et la France dans tout ça ?+
Avec ses 62 milliards d’euros de budget annuel, son million de fonctionnaires, ses réformes incessantes et sa méthode Coué pour mettre sur un piédestal l’école républicaine, la France est moyenne. Elle ne brille pas, elle ne fait pas honte non plus, elle est au milieu du peloton. Sans être un contre-exemple, elle n’est pas un exemple. Elle en devient presque anecdotique.
Alors que les Pays-Bas ou la Finlande rivalisent avec les puissantes économies asiatiques, que la Belgique joue des coudes dans la course de tête, que l’Allemagne se hisse parmi les meilleurs en mathématiques et en sciences certainement parce que les élèves allemands ont une motivation et une envie que n’ont pas leurs camarades français, la France n’excelle en rien et se maintient juste au-dessus de la moyenne de l’OCDE, avec 496 points pour la compréhension de l’écrit, 497 points pour les mathématiques et 498 points pour les sciences.
On sent bien que l’on pourrait faire mieux, mais que le pire est tout aussi possible. Une réforme orientée vers la liberté éducative serait donc la bienvenue.
6 commentaires
Poncifs sur l'autonomie du chef d'établissement
C'est toujours la même rengaine avec les "têtes pensantes" patentées qui meublent les Think Tank, scotcher des idées entre elles sans jamais les confronter au réel, et postuler le "One Best Way".
Ici, on nous propose de revenir aux petits chefs de la IIIè République, en supposant que tout a changé : les bureaucrates d'aujourd'hui n'ont rien à voir avec ceux d'il y a un siècle !
Ainsi, on voit bien aujourd'hui comment chaque responsable administratif privilégie l'efficacité de son action au détriment potentiel de sa carrière en faisant preuve d'autonomie et de courage…
On nous parle ici de la place du projet, l'actuelle farce à la mode européenne, tout est projet : il n'y a plus de tâches courantes !
Ce projet, c'est ce que je qualifierai de la "Plume dans le cul", amuser les élèves et faire de l'agitation, celle là même qui valorise la carrière des médiocres qui avancent à 4 pattes et à reculons… et ne cherchent qu'à bien se faire voire et être vus de leurs supérieurs, lesquels n'ont d'autre préoccupation que de plaire aussi, et ainsi de suite jusqu'au Ministre qui est de passage et cherche à faire croire qu'avec lui, les choses sont évolué.
Et effectivement, ils auront beau jeu de dire : "regardez nos projets : les choses bougent…" On brasse du vent, cela se voit, on amuse l'élève au centre du dispositif, on pédagogise à la dernière mode…
Alors franchement, "M…" aux technocrates des Think Tank qui eux-mêmes ne font que rabâcher ce que leurs voisins disent, sans rien approfondir…
A améliorer !
Juste une remarque, il n'y a aucun ajustement statistique de réalisé entre la donnée centrale et la réalité, et cela se comprend bien, l'indicateur final dilue la question de la liberté entre trop de variables.
Par ailleurs, on se demandera comment va cette chère Estale et son pied !
à revoir !
10.5 est si près de la moyenne que c'est se ridiculiser que d'en tirer une orientation vers l'autonomie. La grande réussite de la Finlande c'est l'absence de classement dans les élèves, leur niveau… Adapter l'enseignement à l'élève … Ce n'est pas le cas en Belgique (il y a des niveaux…) … Quand à la Norvège, sa 6° place à PISA et son 8,8 … vous l'expliquez comment ?
Les statistiques sont connues pour pouvoir leur faire dire ce qu'on veut, mais là c'est un peu trop gros :..
Remarquable
Analyse très claire !
Travail remarquable .
Les résultats obtenus par la Chine laissent perplexe …
sur le pied
On peut comprendre le mauvais résultat de notre pauvre pays si on le met sur un <pied d'estal> !!! dans la conclusion : enseignants, retournez à l'école et apprenez l'orthographe……
Au sujet du classement Pisa
Bonjour,
Ayant enseigné entre 1973 et 2010 en lycée et collège, je suis bien placée pour savoir que le niveau de l'enseignement en France s'est dégradé. C'est dû essentiellement aux réformes incessantes, conçues par des sociologues et "scientifiques" de l'éducation, qui vont toutes dans le sens de moins de culture, moins de connaissances, plus d'égalitarisme…Néanmoins, le suis assez sceptique sur le classement Pisa, pour diverses raisons, entre autres le fait que la France se trouve loin derrière la Belgique. En effet, jusqu'à il y a quelques années, les jeunes français qui avaient échoué aux concours d'infirmière, kinésithérapeute, et autres concours paramédicaux, ou qui estimaient ne pas en avoir le niveau en France, allaient passer ces concours en Belgique. Maintenant, le système a changé dans ce pays: les candidats sont choisis par tirage au sort; en effet, les premières places étaient prises par les français, il n'en restait plus assez pour les belges!
D'une manière générale, le classement Pisa ne se fonde pas sur les connaissances des élèves, puisque les programmes sont différents d'un pays à l'autre, mais sur leurs "compétences", notion très à la mode chez les idéologues de l'OCDE et dans les hautes sphères de l'Education nationale en France, mais peu précise. Cela fait référence à l'aptitude des élèves à appréhender de manière autonome les situations de la vie quotidienne (école considérée comme "lieu de vie" plutôt que comme "lieu d'enseignement")…Cela évalue donc vraisemblablement des aptitudes et des compétences générales développées aussi bien par les milieux sociaux que par l'école. Ainsi, en 2010, la différence des résultats en compréhension de l'écrit entre les élèves du Nord de l'Italie et ceux du Sud était de plus de 50 points Pisa, pour un même système éducatif! Les atouts de la Finlande: le respect accordé à l'école et aux professeurs, et la prévention précoce de l'échec scolaire, par la réunion des élèves en difficulté en petits groupes séparés de leur classe à temps partiel, voire à plein temps (alors que l'OCDE prône l'hétérogénéité des classes!).
(cf un article sur le classement Pisa paru dans le bulletin n°448 de la Société des agrégés)
Cordialement.