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« La culture du tabac en France », sous la direction de Catherine Regnault-Roger

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Catherine Regnault-Roger, pharmacien, docteur ès sciences naturelles, professeur émérite à l’université de Pau et des pays de l’Adour, a coordonné, pour l’Académie d’agriculture de France (AAF) dont elle est membre, un ouvrage singulier à plus d’un titre.

En effet, publier en 2022 un livre sur la culture du tabac peut relever, au choix, de la provocation ou de l’inconscience voire du masochisme, car il risque fort de susciter l’ire des hygiénistes de tout poil. Nous en savons quelque chose à l’Iref où nous nous sommes attirés les foudres du lobby anti-tabac pour avoir interrogé l’efficacité des politiques publiques de lutte contre le tabagisme.

Deuxième singularité, le livre compte près d’une vingtaine de contributeurs et traite aussi bien de « l’épopée tabacole en France » que des « politiques publiques européennes » et de « l’amélioration variétale du tabac », en passant par une présentation du musée du tabac de Bergerac. Autant dire que l’on y apprend une foultitude de choses sur la culture (dans tous les sens du terme) de la plante aujourd’hui honnie. Comme le dit C. Regnault-Roger, c’est « un livre de dialogue » qui donne la parole à des tabaculteurs, des agronomes, des industriels, des chercheurs… et même à un médecin et à une philosophe.

Enfin, troisième originalité de l’opus, après avoir fait le constat du déclin du tabac dans notre pays, il se demande si la France n’est pas en train de passer à côté d’une culture qui n’a peut-être pas dit son dernier mot.

S’il est bien évidemment impossible de résumer un tel ouvrage, nous souhaiterions nous attarder sur les deux points ci-dessous, à savoir le passé de la culture tabacole et son avenir.

 

Le déclin inexorable de la culture du tabac

A son apogée, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la culture du tabac en France, c’était 115 000 tabaculteurs cultivant 30 000 hectares. Il convient de leur ajouter les 15 000 employés des usines de transformation et les 50 000 débitants de tabac. Aujourd’hui, les planteurs de tabac sont moins de 400 sur 1 400 ha (pour 26 millions d’hectares agricoles) et la dernière usine de transformation a fermé en 2019 ! Quant aux buralistes, ils ne sont plus que 23 000.

Ce déclin inexorable s’explique bien évidemment par les politiques de lutte contre le tabagisme qui se sont succédées depuis le milieu des années 1970 et qui ont fait baisser la consommation. A cela s’est ajoutée le coût de la main d’œuvre qui a progressé de manière exponentielle, sous l’effet des réglementations et des taxes. Or, la culture du tabac est exigeante en main d’œuvre : entre 250 et 500 heures de travail par hectare (contre 5 heures/ha pour le maïs). A cela, s’est ajoutée la suppression des aides qui pouvaient représenter, dans les années 1980-1990, jusqu’à deux tiers du chiffre d’affaires des tabaculteurs.

En revanche, les auteurs ne disent rien du monopole de la Seita. Il nous semble pourtant que celui-ci n’a pas pu aider les planteurs de tabac à améliorer leurs performances ni à faire preuve de créativité. L’absence de concurrence produit irrémédiablement les mêmes effets : la destruction des richesses, l’appauvrissement généralisé, le déclin économique.

 

La culture du tabac peut-elle renaître ?

Dans ces conditions, poser la question d’un renouveau de la culture du tabac en France peut paraître étrange. Pourtant, le tabac est considéré par plusieurs des auteurs de l’ouvrage comme une « plante modèle », voire comme un couteau suisse végétal.

Certains entrevoient la possibilité de jouer la carte du terroir et du « made in France » en proposant aux consommateurs des tabacs cultivés et transformés dans notre pays. Des produits qui pourraient présenter des teneurs plus ou moins fortes en nicotine, ainsi que des arômes et textures variés, et qui seraient à même de satisfaire une clientèle exigeante de connaisseurs. Mais, ce n’est bien évidemment pas ce marché de niche qui est susceptible de relancer la culture du tabac, même si la production de jus de nicotine, avec une traçabilité assurée, pour les cigarettes électroniques peut être un débouché.

En revanche, les quelque 5 700 biocomposés que contient la plante (glucides, alcaloïdes, alcools terpéniques, pigments, composés azotés, etc.) ont un intérêt thérapeutique majeur « pour un large éventail de pathologies », des maladies neurodégénératives (Alzheimer, Parkinson) aux auto-immunes comme la thyroïdite d’Hashimoto.

Le tabac est également une plante qui permet de détecter les pollutions à l’ozone. Surtout, et c’est peut-être là que se situe son avenir le plus prometteur, le tabac recèle « une quantité importante de biomasse protéique parmi les plus riches des plantes cultivées ». Le tabac aurait donc toute sa place dans l’alimentation animale. Il pourrait aussi être une source de biocarburant, notamment dans l’aéronautique car l’huile tirée de ses graines présente un point de congélation bas. D’ailleurs, la compagnie aérienne South African Airways a effectué un premier vol avec du « biofioul à base de tabac Solaris » en juillet 2016.

Enfin, une espèce de tabac – Nicotiana benthamiana – s’est révélée un excellent système biologique pour produire, dans ses feuilles, des protéines recombinantes qui serviront à la vaccination. Deux sociétés nord-américaines ont produit, en 2014 et 2016, un traitement anti-Ebola, « basé sur des anticorps monoclonaux obtenus à partir des feuilles de tabac ». Ces deux sociétés développaient, l’année dernière, des vaccins anti-covid à partir du même procédé.

Le tabac pourrait ainsi redevenir ce qu’il était dans les cultures maya et aztèque, une plante médicinale. Il serait dommage que la France, pays de tradition tabacole, néglige ces développements prometteurs.

 

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