C’est en effet en « grandeur nature » qu’Erri De Luca expose les problèmes de la filiation. Heureusement adoucis par son style, réputé pour sa sensibilité poétique, les exemples se succèdent sans jamais se ressembler. Et si la révolte de la jeunesse faisait intimement partie de l’amour filial ? Et si la liberté était le plus beau cadeau paternel ? Et si l’indifférence n’était pas la pire injure aux enfants déshérités ? Tels sont les sujets soulevés par l’auteur, lui le révolté des années 68 qui abandonna le giron familial pour se joindre aux insurgés et dépaver les rues romaines au grand dam de son père… C’est à ce père qu’il dédie ses pages, et à tous les pères dignes ou indignes de ce nom. Le livre commence par l’esprit d’obéissance divine qui relie Abraham et Isaac et se termine par une crucifixion où le père céleste souffre d’une douleur abyssale devant la crucifixion de son fils.
C’est précisément cette souffrance qu’on retrouve dans la fille du vieux nazi, dans la honte de Chagall enfant pour celui qui sentait le hareng, dans la découverte des petits va-nu-pieds trop souvent oubliés ou du directeur de l’orphelinat de Varsovie… Très joli livre qui révèle le souci d’Erri de Lucca de discerner obéissance et asservissement tout en mêlant l’intime à l’universel.