Voilà enfin traduit en français le livre d’économie que Donald Trump n’a jamais lu… et qu’il aurait dû lire !
Défense du commerce international
Le président américain y aurait notamment appris que « le commerce international n’est pas un jeu à somme nulle. Si les deux parties n’avaient rien à gagner, il n’y aurait pas lieu de commercer ».
Sowell cite Adam Smith qui, dès 1776, affirmait que la véritable richesse d’une nation était constituée de ses biens et services, et non de sa réserve d’or. Par conséquent, « si les biens et services disponibles pour le peuple américain sont plus importants grâce au commerce international, les Américains s’en trouvent plus riches, et non plus pauvres, que la balance commerciale présente un “déficit” ou un “excédent” ».
Le commerce international, soutient Sowell, permet de « tirer parti des avantages absolus et comparatifs de chaque pays ». Il permet aussi de profiter des économies d’échelle réalisées dans le monde entier.
L’auteur démonte une à une les contre-vérités qui circulent sur le commerce international. Il réfute l’idée qu’un pays riche avec des salaires élevés ne saurait concurrencer un pays pauvre où la main d’œuvre est bon marché. Il rappelle que « les pays à hauts salaires exportent vers les pays à bas salaires depuis des siècles » ; qu’il ne faut pas confondre « taux salariaux », « coûts de main d’œuvre » et « coût totaux » ; que les coûts de main d’œuvre ne sont qu’un des paramètres à prendre en compte et que les « coûts du capital et de la gestion représentent une part considérable du coût de nombreux produits ».
Sowell rappelle, en outre, que les droits de douane américains sur les importations, créés par la loi Hawley-Smoot de 1930 avaient pour but de réduire le chômage. Celui-ci passa de 6% en juin 1930 à 15% un an plus tard et 26% en juin 1932 !
Autre exemple avec l’instauration de droits de douane sur l’acier entrant aux Etats-Unis dans les années 1980. Ils auraient généré 240 millions de dollars de bénéfices supplémentaires pour les entreprises sidérurgiques américaines et sauvé 5 000 emplois. Mais, dans le même temps, les entreprises américaines ayant besoin d’acier l’ont payé plus cher, ont perdu 600 millions de dollars de bénéfices et ont détruit 26 000 emplois. Bref, le lobby sidérurgique américain n’a fait que pénaliser les autres industries et les consommateurs.
L’accord de libre-échange entre les Etats-Unis, le Canada et le Mexique (Alena), pourtant décrié lors de sa signature par tant de politiques et de journalistes, a fait augmenter l’emploi américain et baisser le taux de chômage aux Etats-Unis, tout comme au Canada et au Mexique.
Neuf cents pages pour comprendre les bases de l’économie
Sowell, qui aura 95 ans au mois de juin prochain, n’évoque jamais Donald Trump dans son ouvrage. Et pour cause, la cinquième édition, ici traduite, est parue aux Etats-Unis en 2015. La première le fut en 2000.
Thomas Sowell n’est pas inconnu dans notre pays. Dès 1986, grâce à Florin Aftalion et à sa collection « Libre échange », les Presses universitaires de France (PUF) publiaient « Race, politique et économie » dans une traduction de Raoul Audouin. Un ouvrage dans lequel Sowell critique les politiques de discrimination positive (« affirmative action »). Pas sûr que les PUF le publieraient aujourd’hui. Elles se gardent d’ailleurs de le rééditer alors qu’il éclairerait singulièrement le débat public. Dernièrement sont parus « Illusions de la justice sociale » et « Intellectuels et race » dont nous avons rendu compte.
Bien sûr, Sowell ne traite pas que du commerce international. Il aborde le rôle des prix, celui des entreprises, de leurs bénéfices et de leurs pertes ; les questions de productivité, de salaires, d’investissement, de monnaie, de finances publiques… Le livre se veut accessible à tous. Il ne comporte ni graphiques, ni équations, ni références universitaires interminables. Il recourt à de multiples exemples, dont on pourra regretter qu’ils datent déjà de plus d’une dizaine d’années. En revanche, nous avons apprécié la centaine de questions (15 pour chacune des sept parties) à la fin du livre qui permettent de vérifier que l’on a bien compris les démonstrations de l’auteur.
Il était temps que ce maître ouvrage soit accessible dans notre langue. Que les éditions Valor, spécialisées en bourse et finances, soient remerciées de s’être attaquées à ce pavé de 900 pages.
Une relecture plus attentive de la part de l’éditeur aurait cependant dû chasser les nombreuses coquilles qui persistent. Par ailleurs, le titre nous semble mal choisi. N’aurait-il pas fallu traduire « Basic Economics » par « Les bases de l’économie » plutôt que par « Économie basique » ? De même, nous trouvons malheureuse la traduction de la définition de l’économie (que Sowell emprunte à Lionel Robbins) : « L’économie est l’étude de l’utilisation des ressources rares aux usages alternatifs ». Traduire « alternative uses » par « usages alternatifs » est, à notre avis, un contresens. Nous aurions préféré, par exemple, lire : « L’économie est l’étude de l’utilisation des ressources rares pouvant avoir des usages concurrents ». Cela peut paraître un détail, mais si tout l’ouvrage est traduit ainsi de manière approximative, ce n’en est plus un.
Rassurons cependant le lecteur : le livre est tout à fait lisible en français, et même très facilement compréhensible par quelqu’un qui n’a aucune connaissance préalable en économie car, comme le dit le sous-titre, il fait d’abord appel au « bon sens ».