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L’impasse budgétaire américaine : une leçon de démocratie

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Aux Etats Unis, l’administration fédérale doit se plier à la volonté de la majorité parlementaire dans le domaine des finances publiques. Le « blocage » des dépenses est-il de nature à compromettre la reprise de l’économie américaine ?

C’est l’une des particularités qui caractérise la démocratie américaine ; un désaccord entre le Sénat et le Congrès sur le vote du budget peut mener à la fermeture d’une partie des institutions du pays. C’est précisément ce qui s’est passé dans la nuit de lundi à mardi, où les divergences entre Démocrates et Républicains ont réduit le poids du gouvernement fédéral en une nuit d’environ 50 %, en termes d’effectifs. Ceci n’a rien de nouveau, les États-Unis ont connu cette situation 17 fois depuis 1977. Mais il faut remonter à 1996, date du dernier « blocage », pour retrouver une situation identique. En moyenne, il a fallu un peu plus de 5 jours pour que le Sénat et le Congrès votent les financements et que les affaires publiques reprennent leur cours.

Les causes du blocage

Tout d’abord, revenons sur le « blocage » lui-même. On rencontre ce terme dans tous les médias depuis les derniers sans qu’ils en donnent une définition très précise. Le budget fédéral est voté chaque année par le Congrès américain d’après un calendrier qui débute le 1er octobre et se termine le 30 septembre. L’allocation d’un budget est décidée et votée par le Congrès, qui en détermine aussi le montant. Ensuite, le Président des États-Unis doit signer cette loi pour qu’elle soit effective. Cependant, l’argent affecté à chaque département (justice, armée, éducation, etc.) est dépensé si, et seulement si, cette somme est attribuée à un but précis. Loi également signée par le Président : la décision finale lui revient donc. Dans le cas contraire, les administrations fonctionneront au ralenti jusqu’à ce qu’un accord soit trouvé.

Cette disposition singulière est connue sous le nom Continuing Appropriation Resolution, où le Congrès, approuve ou non, plusieurs fois par an, les budgets des différentes administrations. C’est précisément ce qui s’est passé lundi 1er octobre. Le Congrès, à majorité Républicaine, est en désaccord profond avec ce nouveau budget présenté par l’administration Obama. Malgré des allers-retours entre le Sénat, la Maison Blanche et le Congrès qui durent depuis plusieurs mois, aucun compromis n’a été trouvé, notamment sur le financement de la loi de santé (Obamacare) mise en place par l’actuel Président.

Contrairement à ce que l’on peut lire, il ne s’agit pas d’un refus catégoriel des Républicains de trouver un compromis sur le budget, mais bien d’une polarisation des deux camps, chacun refusant le compromis. Car les démocrates ne veulent pas négocier, tandis que les républicains font pression sur les premiers pour en finir avec Obamacare (qui est considérée par 50 % des américains comme une réforme coûteuse et peu nécessaire). The Affordable Care Act, le nom officiel de la réforme de la santé est le pilier central de la politique intérieure de Barack Obama. S’il revient dessus, quelle trace de son passage à la Maison Blanche aura-t-il laissé ?

L’intransigeance des Républicains se heurte à une très grande intransigeance d’Obama. Car pour sauver les grands principes de sa réforme, il aurait fallu qu’il accepte certains amendements, comme l’a déjà proposé à multiples reprises le camp Républicain. Le coût du Medicare atteint 4 % du PIB et préoccupe grandement – à raison – le GOP. Nous sommes donc dans un monde politique fortement polarisé qui n’aide pas au compromis. Compromis qui est pourtant la marque de fabrique de la démocratie américaine.

L’impact pour l’économie américaine

La conséquence directe de ce jeu politique est donc un blocage immédiat de certaines administrations. Bien entendu, l’Amérique n’arrête pas de vivre et les administrations centrales jugées essentielles par le Congressional Budget Office (CBO) – un organisme non partisan aidant le Congrès dans ses analyses budgétaires – continueront de fonctionner normalement. En réalité, seuls les musées fermeront leurs portes, bien que certaines agences, comme celle de l’environnement, se videront d’une grande partie de leurs employés. Par ailleurs, les administrations locales ne sont en aucun cas affectées par ces décisions. À cet égard, il ne faut donc pas exagérer le blocage.
Quant aux fonctionnaires affectés, ils sont mis au chômage technique jusqu’à ce que l’administration se mette d’accord sur le montant des financements. Ils sont près de 800 000 dans le cas présent.

Plusieurs fois déjà, les économistes ont tenté de calculer le coût de cet arrêt pour l’économie américaine. En 1996, le très sérieux CBO avait évalué les 21 jours de blocage à 1,4 Mds de dollars, ajusté à l’inflation, cela fait 2 Mds de dollars aujourd’hui. Cependant, la plupart s’accordent pour dire que cette baisse est très vite compensée par un rebond de la croissance après la reprise des affaires publiques. Car 800 000 personnes au chômage technique porte inévitablement un coup à la demande interne. Mais cela nous en apprend long sur la dépendance de l’économie américaine à la dépense publique : il est douteux de voir dans cette dépense la véritable cause de la reprise outre-Atlantique. Une autre leçon que les Américains pourront tirer de ce « blocage » : les services publics qui leur coûtent si cher leur manqueront-ils réellement ?

Certes, il est encore trop tôt pour se lancer dans des prévisions concernant l’impact à long terme sur l’économie américaine, puisqu’in ne connaît pas combien de jours l’administration sera à l’arrêt. Néanmoins, si l’effet du blocage s’annonçait aussi catastrophique que certains médias français veulent bien nous le faire croire, la réaction des marchés aurait été immédiate. Or, à l’ouverture de ce dernier mardi (1er octobre), aucune panique ne se profilait à l’horizon. À court terme, l’impact sur l’économie serait donc négligeable.

En conclusion, le plus préoccupant reste le fameux « mur de la dette », qui déjà en juillet 2011 avait failli pousser le gouvernement américain au bord du défaut de paiement. Le mur sera atteint à la mi-octobre, et s’il n’est pas relevé, les États-Unis seront officiellement insolvables : une perspective beaucoup plus sombre pour l’économie mondiale que l’arrêt de quelques administrations.

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1 commenter

Astérix 6 octobre 2013 - 5:26

Stop aux QE illimités mondiaux
Il faut arrêter cette folie et laisser le Pays faire défaut car c'est le seul moyen de remettre de l'ordre dans le système financier mondial. Si le mur de la dette est encore franchi après le 17 octobre 2013 et que les USA continuent à fabriquer de la fausse monnaie (QE illimités), le système financier mondial "sautera" d'encore plus haut le jour où le bon sens triomphera.

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