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Réforme des retraites : le triangle du doute

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Un récent sondage nous apprend que 70% des Français sont inquiets de la réforme à venir. Ces Français, qu’on prétendait largement rebelles à tous les arcanes d’une réforme difficile, ont donc parfaitement perçu qu’en l’état, elle ne répondait pas à leurs questions. Et pour tout dire, ils ont même le sentiment que ce qu’on persiste à leur cacher est plus important encore que ce qu’on a consenti à leur révéler. Or en un tel domaine où la confiance est l’un des principaux vecteurs de la réforme, le choix d’une communication de fond minimaliste inquiète plus qu’il ne rassure. Parmi ces questions, ce qu’on peut nommer le triangle du doute, savoir : comment harmoniser, comment conjuguer l’enveloppe-plafond de 14% du PIB (I) assignée aux dépenses de retraites, à la fois avec la règle d’or (II) qui commande le pilotage à l’équilibre du futur régime universel et avec la garantie du pouvoir d’achat (III) plus ou moins vaguement promise aux retraités (III) ?

I – L’enveloppe-plafond de 14% du PIB

D’abord, ce pourcentage varie significativement selon les sources, puisque si l’accord se fait généralement sur un pourcentage actuel de 13,7 du PIB, l’INSEE dans ses derniers tableaux de l’Économie Française (page 67) affiche gaillardement un taux de 15% pas moins. Il est tout à fait navrant que sur un point aussi névralgique nos statisticiens nationaux ne parviennent pas à se mettre d’accord.

Ensuite la pérennité à venir du plafond actuel arrondi par excès à 14% fait problème, lorsqu’on sait que la croissance doit pour l’essentiel non seulement :

– couvrir le maintien du pouvoir d’achat des retraites en cours,
– mais aussi compenser l’effet de noria (renchérissement des pensions des nouveaux retraités de l’année par rapport à celles précédemment servies aux retraités décédés au cours de l’année)
– et enfin faire face à la détérioration sévère du coefficient démographique sur les prochaines décennies du fait notamment du vieillissement accéléré de la population.

Il n’est donc pas sûr du tout que les taux de croissance actuels suffiront à assumer ensemble toutes ces charges et le problème risque fort de se poser du choix entre la majoration du taux de 14% ou sinon – et peut être cumulativement- l’allongement des carrières, la hausse des cotisations et la réduction des pensions. Et, alors qu’on sait que les transitions sont toujours coûteuses, le silence du pouvoir sur l’exploration sérieuse de ces hypothèses ne peut qu’inquiéter légitimement tous ceux qui se préoccupent des masses en cause, avant de se perdre dans des calculs de détail aujourd’hui nécessairement incertains. Les Français attendent que le pouvoir leur explique posément et précisément comment il compte s’y prendre à la fois pour répartir cette enveloppe entre les différentes parties prenantes et pour respecter son plafond durant les décennies à venir, alors notamment qu’elle sera exposée, avec de complexes transitions, aux vents ô combien incertains des législatures à venir.

II – La règle d’Or

On lit à la page 110 du rapport Delevoye « une règle d’or d’équilibre sera instaurée pour garantir la pérennité de la trajectoire financière du système de retraite… Cette règle d’or devra garantir un solde cumulé positif ou nul par période de 5 ans« . Le Conseil d’Administration sera tenu de prévoir l’apurement des déficits soit sur la période quinquennale en cours, soit sur une période glissante de même durée, le Fonds de réserves universel servant de recours pour gérer les effets des chocs démographiques, mais aussi pour répondre aux besoins de financement temporaires. L’idée est donc bien que, malgré les précautions prises, le système peut déraper et plonger dans une série de déficits susceptibles de menacer sa pérennité. Alors certes, il existe un Fonds de réserves, mais encore faut-il qu’il ait pu être correctement alimenté en amont et de préférence sur plusieurs années excédentaires. Sinon, il faudra bien se résoudre à actionner d’urgence un ou plusieurs des trois leviers traditionnels déjà évoqués plus haut -dont la baisse des pensions- surtout si le pouvoir lègue paresseusement au nouveau régime la charge de la prochaine réforme paramétrique issue des derniers chiffrages du Conseil d’Orientation des Retraites. Tout ceci pose évidemment le problème du respect de la garantie du pouvoir d’achat sur laquelle le rapport Delevoye adopte une démarche passablement chaloupée.

III – La garantie du pouvoir d’achat

On lit en effet page 89 (ibidem):  » Si la règle de revalorisation par défaut sera l’inflation, le Conseil d’Administration aura la possibilité de proposer une règle pluriannuelle de revalorisation des retraites. Le cas échéant, cette modalité d’évolution permettra, compte tenu des prévisions économiques réalisées (sic!), d’ajuster la revalorisation des retraites à la situation du pays, sans dépendre trop fortement des évolutions conjoncturelles des cycles économiques « . Formulation ambigüe pour un principe qui devrait être clairement posé sans échappatoire, ni faux-fuyant ! En feuilletant le rapport Delevoye, on trouve à plusieurs endroits la référence à l’inflation pour rassurer, mais en page 110, la lumière surgit crûment : les objectifs se réduisent à  » un niveau de vie satisfaisant pour les retraités « .

L’arnaque de la référence au niveau de vie

On sait bien que le niveau de vie intègre des tas d’autres composants que les pensions du retraité, notamment les autres revenus d’activité ou de remplacement du couple, les revenus du patrimoine, les pensions alimentaires reçues ou à verser et qu’il varie fortement en fonction de l’âge du titulaire (toutes choses égales par ailleurs on a davantage de patrimoine lorsqu’on part en retraite que lorsqu’on est encore en milieu de carrière , alors que les héritages n’arrivent plus guère avant l’âge de 60 ans en moyenne). Tous ces ingrédients sont si divers et si hétéroclites qu’ils discréditent complétement tout tentative sérieuse de rapprochement entre l’évolution des pensions de retraite et l’évolution de ce niveau de vie. Comparer les niveaux de vie de retraités qui ont en moyenne 75 ans avec les niveaux de vie de toute la population d’un pays dont l’âge moyen tourne autour de 40 ans procure exactement le même type de conclusion scientifique que celle qui consiste à dire que les gens de 75 ans sont en général beaucoup plus âgés que ceux de 40 ans. On comprend parfaitement pourquoi, lorsqu’il entend rogner la progression des pensions, le Gouvernement préfère et de loin se référer à la notion fumeuse du niveau de vie qui – tout en comptant la même demi-part pour un conjoint que pour un gamin de 14 ans et un jour – cible indûment les plus vieux, plutôt que de retenir en le comparant aux salaires le seul montant significatif des pensions en cause ou le taux de remplacement qu’elles assurent.

En clair, avec l’appui du Parlement, le Gouvernement fera ce qu’il voudra et quand il le voudra dans le cadre de la loi de financement annuel qui arrêtera les grands équilibres. Le Conseil d’Administration de la future Caisse Nationale n’est guère plus qu’un simple Comité consultatif puisqu’in fine, il n’aura la possibilité que de proposer. De même, pour l’Assemblée Générale qui, cantonnée à rendre un avis au moins une fois par an, n’a rien à voir avec une vraie Assemblée souveraine en ses décisions. En réalité, alors que sa Présidence et sa Direction restent toujours dans l’ombre, toute la gouvernance de la CNRU repose sur un simulacre de démocratie entre les mains du pouvoir, pour un établissement public qui ne sera autre qu’un gestionnaire agissant sous le mandat impératif d’un Exécutif, toujours à l’affût d’un mauvais coup pour équilibrer ses propres finances.

Or, force est de constater que de l’indexation sur les salaires à l’indexation sur l’humeur du législateur en passant par l’indexation sur l’inflation, la dégringolade de la garantie du pouvoir d’achat n’en finit pas. Dans ce contexte, les retraités n’ont absolument aucune raison d’être rassurés, même si on leur promet que la valeur du point ne baissera pas. Car ils se sont aperçus l’année dernière que l’engagement présidentiel de maintenir leur pouvoir d’achat ne valait en réalité pas un liard et désormais chat échaudé craint l’eau froide. En effet, en désindexant brutalement les retraites, le Président Macron a rappelé qu’en politique le mensonge n’attend pas le nombre des années. Le problème est que tout au long du rapport Delevoye, la garantie du pouvoir d’achat par rapport à l’inflation n’est proposée que comme une règle, dont tout le monde ou presque pourra s’affranchir, soit à raison des contraintes de l’enveloppe-plafond, soit par le jeu de la règle d’or, soit enfin par « l’ajustement à la situation du pays », On est encore loin aujourd’hui des  » règles claires d’évolution des paramètres du système (taux de cotisation, âge de départ, montant des retraites  » qu’évoque en page 8 du fascicule officiel la synthèse introductive présentée par le Haut Commissaire.

Or on l’a vu, en moins de 7 ans et du fait de l’ensemble des diverses mesures prises sous l’influence ou la présidence Macron, les retraités ont perdu sur l’ensemble de leurs pensions pratiquement deux semaines de retraite sur une année civile. Ce matraquage fiscal et social n’est certes pas le fruit du hasard, il s’inscrit au contraire dans la poursuite délibérée d’une démarche d’euthanasie financière, qui, s’est encore accélérée ces dernières années. Pire l’arrogance, avec laquelle le Gouvernement s’est sottement vanté auprès des actifs d’avoir accru leur pouvoir d’achat grâce aux sacrifices imposés aux retraités, souligne le mépris dans lequel ce pouvoir tient les seniors et son aversion viscérale pour la « rente », fût-elle acquise au terme d’une vie de travail.

Conclusion : seule la Constitution peut vraiment garantir le pouvoir d’achat

Alors tant qu’il en est encore temps, les retraités ont tout intérêt à se mobiliser pour exiger du pouvoir que, sans plus tergiverser, il inscrive définitivement la garantie du pouvoir d’achat des retraites dans notre droit. Pas comme une simple promesse qu’emporte le vent du mensonge, pas dans le plâtre friable d’une loi qu’une autre loi peut aisément modifier, mais dans le marbre sûr et dur de la Constitution comme le fondement inaltérable d’une solidarité irrévocable entre les générations. En effet, seule cette garantie contre l’inflation assurera à chacun – et encore plus qu’à tout autre, à l’actif d’aujourd’hui qui sera le retraité de demain – que sa future retraite ne sera pas payée en monnaie de singe. Il faut absolument que la réforme se décide cette fois-ci cartes sur table : soit sur la base d’une garantie quasiment indiscutable et de premier rang, soit en prenant acte socialement et politiquement du refus formel de cette garantie. Cette question insistante doit sommer le Gouvernement de lever sans délai l’ambiguïté si commode du « en même temps » qui a permis au Chef de l’État de raconter pendant plus de 15 mois des balivernes aux plus âgés de ses électeurs. Car les Français sentent bien que la garantie du pouvoir d’achat est l’un des piliers fondamentaux de leur retraite et que si ce socle vacille, c’est l’édifice tout entier qui menace ruine. C’est pourquoi actifs comme retraités s’inquiètent aujourd’hui non seulement du devenir de leurs droits individuels, mais aussi du plan-masse de la réforme, dont on vient tout juste de leur promettre la prochaine et divine révélation. Comment s’étonner alors qu’après plus de deux ans d’atermoiements, d’annonces et de revirements, les silences, les mines et les mystères du pouvoir aient rempli nos rues d’un peuple qui n’en peut plus d’attendre la levée d’un secret-défense, dont la prolongation devient franchement malsaine ?

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2 commentaires

pierreg 10 décembre 2019 - 11:06 am

que croire?
Comment croire l'état, medecin en chef retraité (colonel) lors d ema cessation d'activite ma retraite etait indexée sur le point d'indice, puis a été découplée et comme toute sles retraites n'est plus en realtion avec ce point d'indice, étant "riche" je ne fais pas partie de ceux dont la pension d eretraite a été revalorisée cette année
autrement dit l'etat m'a "cocufié" à deux reprise et n'a pas avec moi respecter son contrat, (un contrat etant une obligation qui lie deux parties ou plus.) personnellement je ne suis aps a plaindre etant salarie d'une societe dont je suis un de scréateurs, je n'ai pas encore besoin d ema retraite pour vivre, mais me basant sur ma propre situation je ne peux pas croire ce qui disent les politiques, garantir que la valeur du point ne diminuera pas est une vue del'esprit et cette promesse n'engage que ceux qui y croient.
Ensuite il y a déja une entourloupe, m^me si c'ets pour la bonne cause: pas d eretraite inférieure à 1000€et en m^me temps pour tous la m^me valeur du point? donc si on a pas assez d epoint pour obtenir 1000€il y a un systeme compensateur.. mais si on a une pension de 1005 €on s ebasera sur le point.. où est l'équité?? on revient au système bien français qui fait que celui qui travaille au salaire minimum peut avoir interet à ne rien faire les aides sociales ajoutées aux non depenses qui seraient induises par un emploir en arrive à ce qu ele niveau de vie du travailleur ne soit pas différent du non travailleur..
Autre loup les fonctionnaires de police, le smilitaires ont un système d'annuite, 5 ans correspondent fictivent à 6 ce systeme etant limité à une bonification maximale de 5 ans, auquels s'ajoutent de sbonifications pour service outre mer parchutisme etc. en paratnt à 29 ans et demi de service j'avais "explosé le compteur" et dépassait allègrement la barre des 40 annuites base sur laquelle etait calculée ma pension (80% de la solde de base sans les primes) Il est dit que le spersonnels ne seront pas lésés et qu'il y aura des bonifications d epoint, mais ces points seront calcules sur la base du salaire de fin de service ou celui du grade detenu au moment d el'attribution, de plus outre mer je perdais ma prime d equalification d emedecin, je gagnais plus mais il s'agissait de supplement familial de solde fonction du grade te de la situation familiale (marie avec ou sans enfants,) ces emoluements n'etant pas imposables car s'agissant d'allocations familiales (en simplifiant)à l'extreme servir 2 ans outre mer rapporterait moins d epoints que servir dans un bureau en France…autre exemple les parchutistes unités dans lesquelles j'ai servi, nous avions une indemnite dite de service aérien plafonnée à 50% de la solde de capitaine dernier echelon (au dessus de ce grad ela prime ne bouge plus,donc en prelevant sur cette prime un nombre d epoints on accumilera de sdroit ssupplementaires à pension, actuellemen t ce n'est pas le cas par contre on obtient des portions d'annuités, en fonction du nombre de saut du type de saut (jour nuit/ automatique /commande) avec ce systeme le splus operationnels les chuteurs opperationnels font nettement plus d'annuite que lepeinard (il y en a) qui se contente de 6 sauts automatiques par an par beau temps pour garder sa qualification et rester dans els unites TAP et en percevoir la solde. dans le nouveau systeme? (le probleme est le même pour le plongeur etc..) J'ai bien peur que l'on ait ouvert une boite d epandore et que le systeme ne se résume à une baisse planifiée des pension, de tous.

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Thierry BENNE 19 décembre 2019 - 2:34 pm

Pour la boîte de Pandore, je ne suis pas loin de partager votre avis, tant les errements, revirements et contre-pieds foisonnent dans un discours officiel qui n'a toujours pas permis aux Français de savoir à quoi allaient ressembler leurs futures retraites. Pour l'instant on essaye en toute urgence de sortir le maximum d'actifs du champ de la revendication, ce qui n'a aucun sens si la réforme est bonne et juste.En plus, on est descendu par le passé jusqu'à un tel luxe de détails qu'à leur niveau la cohérence d'ensemble ne peut plus et n'est d'ailleurs plus assurée.

On manque tout simplement de gens qui aient les idées claires, une pédagogie simple, une volonté bien trempée et du courage. Et il faut bien constater qu'actuellement ces gens ne courent pas les rues.

Cordialement: Th.B

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