Institut de Recherches Economiques et Fiscales

Faire un don

Nos ressources proviennent uniquement des dons privés !

Journal des Libertes
anglais
Accueil » L’intelligence artificielle permet de supprimer des emplois publics… sauf en France

L’intelligence artificielle permet de supprimer des emplois publics… sauf en France

par
2699 vues
IA image de Freepik

A la suite du Sommet pour l’action sur l’IA qui s’est tenu à Paris en février 2025, le Gouvernement a lancé, le 7 avril 2025, un appel à manifestation d’intérêt autour de solutions « sur étagère » d’intelligence artificielle générative pour le secteur public. Quels buts poursuit-il précisément ?

 L’objet de cet appel à manifestation d’intérêt (AMI) est d’accélérer la transformation des administrations publiques par le renforcement du recours aux technologies de l’intelligence artificielle générative (IAG).

Il faut dire que l’intelligence artificielle (IA) peut faire des miracles. La banque publique d’investissement Bpifrance estime, par exemple, qu’elle offre 7 avantages pour les entreprises : amélioration de la productivité, optimisation des ressources et réduction des coûts, meilleure prise de décision fondée sur l’analyse des données, amélioration de la relation client et personnalisation, renforcement de la cybersécurité, optimisation de la chaîne logistique, développement de l’innovation.

De toute évidence le secteur public aurait, lui aussi, grand besoin de bénéficier de ces avantages. Et l’on se prend à rêver d’une administration subitement devenue performante grâce à l’IA, avec des effectifs réduits, des processus simplifiés, des règlements devenus lisibles, des délais de traitement raccourcis, etc.

 Et si l’IA rendait l’administration encore plus tentaculaire ?

Malheureusement, ce rêve pourrait ne jamais devenir réalité. A l’occasion du Sommet pour l’action sur l’IA évoqué plus haut, le président de la République a donné une interview diffusée en direct le 9 février sur France 2 et Firstpost. Alors qu’Emmanuel Macron s’amusait (au contraire de la journaliste indienne) de se voir transformé en femme grâce à l’IA, Palki Sharma Upadhyay lui a demandé s’il ne craignait pas qu‘elle détruise des emplois. Le Président a répondu que l’IA allait permettre de libérer du temps avec peu de valeur ajoutée pour gagner du temps humain. Par exemple, dans les services publics, les agents disposeront de plus de temps pour s’occuper des administrés. Il a ajouté qu’il ne faisait pas partie de ceux qui pensent que l’IA allait tout remplacer.

Quelques jours plus tôt, le ministre de l’Action publique, de la Fonction publique et de la Simplification, Laurent Marcangeli, ne disait pas autre chose en présentant la stratégie du Gouvernement en faveur de la diffusion de l’IA dans le secteur public. Pour lui, l’IA « n’a pas vocation à remplacer les agents, mais à leur simplifier la vie ». Bref, il s’agit d’abord d’utiliser l’IA au service des fonctionnaires, et non pour générer des économies.

L’IA utilisée par l’État pourrait même devenir un véritable cauchemar pour les Français. En effet, à quoi bon simplifier les procédures si l’IA facilite le travail des fonctionnaires qui instruisent les dossiers ? À quoi bon réduire les normes si l’IA les aide à mieux se repérer dans le maquis ? À quoi bon instaurer un impôt simple si l’IA permet de complexifier à loisir ?

Alors que l’IA pourrait permettre rapidement de réduire de 25% les effectifs de la fonction publique, le risque est grand qu’elle n’aboutisse à leur progression. D’ailleurs, elle est déployée dans l’administration depuis 2015 et les effectifs n’ont pas diminué. Entre 2017 et 2022, ils ont augmenté de 178 000 (dont + 96 000 dans la fonction publique d’État) et nous savons que le budget 2025 prévoit la création de 2 264 postes supplémentaires.

Ailleurs, ça marche !

Au Royaume-Uni, le gouvernement de Keir Starmer affiche de toutes autres ambitions. Il prévoit de remplacer par l’IA des « outils archaïques » dont le coût est estimé à 53 milliards d’euros (Md€) par an. Par exemple, elle sera utilisée pour analyser les réponses reçues dans le cadre des enquêtes publiques. Actuellement, expliquent les autorités britanniques, « ce processus est sous-traité à des consultants et des analystes qui peuvent mettre des mois » à traiter les informations « avant de facturer au contribuable 100 000 livres à chaque fois ».

Le Premier ministre Keir Starmer n’a pas les pudeurs de ses homologues français pour qui toute initiative doit répondre à des impératifs de « souveraineté numérique ». Peu lui importe que les outils utilisés soient britanniques ou non… du moment qu’ils sont efficaces. En fin d’année 2024, il a ainsi conclu un accord avec Microsoft pour permettre à ses fonctionnaires de recourir au robot conversationnel Copilot dans l’exercice de leurs tâches. Il y a quelques jours, il a signé un accord avec la société américaine Anthropic, soutenue par Google et Amazon, pour utiliser son modèle de langage « Claude » afin notamment d’automatiser des tâches administratives et fluidifier l’accès des citoyens aux informations.

Toutes ces actions s’inscrivent pleinement dans le plan plus général du gouvernement travailliste de réduction de 15% des coûts de fonctionnement de la fonction publique en quatre ans. Des économies qui passent par la suppression de 10 000 postes de fonctionnaires. Pour Starmer, « L’IA devrait remplacer le travail des fonctionnaires là où il peut être effectué selon les mêmes normes ». C’est pourquoi, en plus des 3,9 Md€ qui seront investis dans la modernisation des services publics, un budget de 200 millions d’euros a été prévu pour financer les départs volontaires de fonctionnaires.

Le gouvernement de Hong Kong veut également supprimer 10 000 emplois publics (soit 2% des effectifs) afin de lutter contre un déficit budgétaire croissant. La région administrative spéciale chinoise déploie actuellement HKGAI V1 (une version locale de ChatGPT) dans 70 administrations gouvernementales. L’outil accomplit des tâches de secrétariat (rédaction, résumé, traduction) et est capable de répondre instantanément aux requêtes des utilisateurs.

Au Canada, le ministre de la Cybersécurité et du Numérique, Éric Caire, pense que le déploiement de l’IA dans l’administration fédérale pourrait aider la coalition au pouvoir à tenir sa promesse électorale de supprimer 5 000 postes dans la fonction publique et ce, « sans porter atteinte à la prestation des services publics ».

Finalement il n’y a qu’en France où le gouvernement se refuse à lier l’intelligence artificielle à la diminution des dépenses et à la réduction des effectifs de la fonction publique. Encore une exception culturelle ?

Abonnez-vous à la Lettre des libertés !

Laissez un commentaire

18 commentaires

Jojo 24 avril 2025 - 8:10 am

Laissez l’administration s’enliser dans la médiocrité, la réaction violente inévitable et salutaire n’en viendra que plus rapidement et plus radicalement quand les citoyens se révolteront.

Répondre
Albatros 24 avril 2025 - 9:16 am

Cela devient une fabrique à fonctionnaires-électeurs pour nos socialistes de la classe politique qu’il faut effectivement littéralement révolutionner.

Répondre
Rebelle 25 avril 2025 - 4:45 pm

BNP ferme 500 agences ,CCF 4/500 agences ,….et l amelioration ne serait pas source d évonomies chezz nos fonctionnaires ???Ilnest vrai ,que nous avons déjà eu l exemple des Régions qui ont été dibisées par 2 en conservant l ensemble du personnel !!! UBU ROI ….

Répondre
NOURRISSON 24 avril 2025 - 9:17 am

On a déjà connu le problème avec l’utilisation massive de l’informatique dans les administrations.
Mais en 2025 , il faut encore 5 mois avant de renouveler pour la n.ième fois une carte d’identité’ déjà pré remplie et payée en ligne ! On a multiplier le nombre d’ordinateurs et de fonctionnaires, les temps d’attente sont augmentés et le service diminué. En conclusion plus il y a de techniques, plus on met de fonctionnaires et moins ça marche ! Mais en France, nos énarques ne le comprennent pas et l’intelligence artificielle n’a pas de prise sur eux.

Répondre
M Jacques Baudouin 24 avril 2025 - 9:40 am

Erreur ! En France l’IA ne participe pas à supprimer des emplois mais à créer de nouveaux emplois pour …. élaborer des nouvelles normes et les tenir à jour. Les petits hommes gris de l’administration ont une créativité sans limites pour justifier leurs emplois qui ne créent que de la dépense ajoutée. Pour ce faire, ils peuvent compter sur une grande partie de nos politiques de droite, du centre et de gauche.
Le déclin de la France est assuré pour longtemps si un homme (ou une femme) providentiel n’apparaît pas dans les jours à venir.

Répondre
Boussard 24 avril 2025 - 9:42 am

Si seulement on pouvait rendre un petit plus intelligents les “chatbots” que l’on rencontre maintenant partout sur Internet 1

Répondre
Rose de Noël 24 avril 2025 - 12:35 pm

Il faudra toujours plus de fonctionnaires pour que le centre gauche, la gauche voire l’extrême gauche se maintiennent au pouvoir.
Pourquoi voulez-vous qu’ils suppriment des postes ? Faut bien assurer sa pérennité au pouvoir.

Répondre
Gualap 24 avril 2025 - 9:47 am

C’est pourtant simple ! La seule solution efficace est de supprimer leur statut protecteur abusif (dans le pays de l’égalité les risque ne sont pris que par le “privé” qui produit la richesse dont profitent largement les fonctionnaires qui eux n’en produise pas). Et là vous verrez qu’il y aura moins de candidat à la planque !!!

Répondre
Lacroix 24 avril 2025 - 10:08 am

Comme d’habitude , l’on peut s’interroger sur l’intégrité du résonnement du politique sur l’ évolution d’une technologie : Clientélisme ou ignorance ?

Répondre
Rose de Noël 24 avril 2025 - 12:36 pm

Clintélisme pour se maintenir au pouvoir

Répondre
CUVILLON 29 avril 2025 - 5:54 pm

Il y a une question qui pour l’instant ne trouve pas de réponse.
Qu’il y ait trop de fonctionnaires c’est possible, que l’on en supprime c’est possible également (mais pour les remplacer par qui ?) De tout temps une petite gué -guerre existe avec le privé qui pourtant n’a pas du tout envie de devenir fonctionnaire.
Alors on fait quoi?

Répondre
Lacroix 24 avril 2025 - 10:09 am

Comme d’habitude , l’on peut s’interroger sur l’intégrité du raisonnement du politique sur l’ évolution d’une technologie : Clientélisme ou ignorance ?

Répondre
Mijuna 24 avril 2025 - 10:52 am

Normal, il faut soigner son électorat

Répondre
mc2 24 avril 2025 - 12:09 pm

Le vrai pionnier de l’IA est Cro-Magnon, inventeur des instruments de communication. L’Administration-que-le-monde-entier-nous-envie n’en est qu’un piètre successeur.

Répondre
Yves Heulenote- Poh 24 avril 2025 - 7:01 pm

Excellent !

Répondre
Jean-Aymar de Sékonla 24 avril 2025 - 12:19 pm

Une preuve de plus qu’en France la politique est le refuge des imbéciles!

Répondre
Yves Heulenote- Poh 24 avril 2025 - 7:01 pm

IL y a des moments ou je me demande de quel côté l’Intelligence est la plus artificielle . A croire qu’en France l’Administration l’avait inventé bien avant l’informatique

Répondre
Mouchel 29 avril 2025 - 7:53 am

Bonjour , merci pour cet article .
quel dommage de passer à côté de cette opportunité. L’IA est l’outil rêvé pour simplifier les normes et éviter les doublons de celles-ci.
Quand au nombre croissant de fonctionnaires il faut les intéresser eux-mêmes à leur diminution.
La plupart d’entre eux font du très bon travail avec sérieux et engagement.
Par contre faire le tri de ce qui est vraiment nécessaire dans nos trop nombreuses agences gouvernementales ne serait pas du luxe mais de la survie.

Répondre