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Lettre ouverte d’un « libertarien réactionnaire et racialiste » à l’Observatoire des multinationales

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Le média en ligne Observatoire des multinationales vient de faire paraître un rapport de près de 60 pages pour dénoncer les liens incestueux entre un « réseau libertarien et ultra-conservateur américain », d’une part, et plusieurs associations libérales françaises, dont l’IREF, d’autre part.

Réponse à ce brûlot d’extrême gauche par le truchement de la lettre ouverte ci-après.

 

Monsieur l’Observatoire des multinationales,

C’est gentil d’avoir pensé à consacrer une partie intitulée « L’IREF : l’international très à droite » dans votre étude si nuancée « Le réseau Atlas, la France et l’extrême-droitisation des esprits. La machine de guerre idéologique d’une nouvelle extrême droite, libertarienne et conservatrice » et ce, d’autant plus qu’il ne nous semblait pas que nous étions une multinationale.

La partie que vous avez l’honneur de nous consacrer se dédouble : « Des libéraux… et des personnalités liées à la droite et à l’extrême droite française », ces deux derniers mots étant sans doute synonymes, et « Un projet politique réactionnaire sous couvert de ‘recherche indépendante’ ».

Comme vous l’indiquez si finement, le ton de nos études et articles « ressemble davantage à celui de tracts politiques que d’articles de recherche ». En réalité, nous vous l’avouons, nous n’écrivons rien par nous-mêmes : tous nos articles sont dictés par les collaborateurs des multinationales. Certes, notre président est docteur en droit, notre directeur diplômé d’une grande école, notre comité (prétendument) scientifique est peuplé des professeurs des Universités et d’agrégés d’économie, et l’un de nos contributeurs est même agrégé des facultés de droit. Mais, nous le confessons (vous nous excuserez d’user d’un vocabulaire empreint de religiosité : nous sommes tous liés à Saint-Nicolas-du-Chardonnet), nos titres et diplômes ont été obtenus grâce à l’entregent de nos amies multinationales.

Vous avez également raison de souligner que, bien à tort, les médias ne nous présentent pas comme des « militants politiques » et que l’IREF n’est pas plus introduit comme une « organisation de la droite libertarienne et conservatrice ». Nous sommes tout simplement présentés comme des libéraux, et souvent ce n’est pas un compliment, tandis que nos adversaires étatistes de tous bords, interventionnistes ou d’extrême gauche ne sont jamais présentés en tant que tels.

Vous le dîtes vous-mêmes, il existe « 50 nuances de libertarianisme ». Mais vous ramassez votre pensée de chercheur de haut vol en livrant une excellente définition : à la différence du « libéralisme historique », « le libertarianisme se caractérise par une vision du monde plus violente et plus inégalitaire, où sont surtout dénoncées les contraintes étatiques ou sociales entravant la domination naturelle des ‘meilleurs’ sur le troupeau humain. C’est de ce point de vue que le libertarianisme présente des affinités électives avec les courants ultraconservateurs d’inspiration religieuse et/ou raciste, parfois qualifiés aux États-Unis de paléoconservateurs ».

Il est cependant regrettable que vous ne nous ayez pas traités de fascistes ou de nazis. C’est vraiment trop aimable de votre part. Certes, Friedrich Hayek a parlé dans un ouvrage célèbre paru en 1944 des racines socialistes du nazisme, mais il était sûrement stipendié par les multinationales de l’époque. Au surplus, il était d’origine autrichienne, donc sans doute de mèche avec Adolf Hitler.

Vous ajoutez avec érudition : « Les libertariens aujourd’hui se revendiquent volontiers du ‘libéralisme classique’, une formule qui leur permet, plus ou moins abusivement, de l’héritage de théoriciens tels que Adam Smith ou Frédéric Bastiat, et de masquer la dimension autoritaire et élitiste de leur vision du monde. D’un point de vue politique, ils sont beaucoup plus proches de certains courants réactionnaires et racialistes de la même époque ».

Oui, nous l’admettons, nous sommes des imposteurs du libéralisme. Nous n’avons d’ailleurs aucune intelligence en matière de libéralisme classique. Pour illustration, nous croyons nous souvenir que, en une seule occurrence, notre maître en libéralisme, Jacques Garello, avait mentionné en passant Bastiat, mais nous pensions alors qu’il s’agissait d’une référence à l’Ile de beauté.

Vous êtes donc fondé à mêler des termes qui en apparence, mais en apparence seulement, jurent entre eux : libéral et d’extrême droite, libéral et ultraconservateur, libéral et raciste, libéral et réactionnaire… Au demeurant, lorsque l’IREF étrille à longueur d’année l’extrême droite dans ses articles non scientifiques, il ne s’agit que d’une misérable ruse. N’avons-nous pas troqué nous-mêmes nos vieux posters de jeunesse des héros de l’humanité, le Che en premier lieu, contre des affiches de Marine Le Pen et d’Eric Zemmour ?

Oui, nous l’avouons : contrairement à votre magazine en ligne Basta !, nous n’avons pas de partenaires éditoriaux avec des rédactions aussi versées dans l’intérêt général que Politis ou L’Humanité ; nous n’entretenons pas plus de liens avec des associations ou des fondations aussi modérées que Attac France ou France Libertés. Combien le regrettons-nous ! Toutes ces discussions manquées au sujet de Cuba ou du Venezuela : que d’occasions perdues !

Un dernier mot : vous avez oublié de parler de nos finances. Nous en parlons, nous, car vous savez combien les libéraux sont cupides. Une multinationale comme la nôtre, toute dévouée aux grandes entreprises, doit sûrement bénéficier d’un budget pharaonique. Nous devons dire que malheureusement notre budget est modeste. Les multinationales ne nous soutiennent pas et ce, pour la simple et bonne raison que nous anathématisons le capitalisme de connivence, que certains d’entre-nous croient devoir appeler avec malice socialisme de connivence.

Nous ne sommes pas plus dotés par les fonds de l’État car nous pensons, évidemment à tort, que l’argent des contribuables ne doit pas se déverser sur nous. Contrairement à votre média en ligne, nous n’avons pas perçu 109.780 € de subventions publiques en 2022 au titre des aides à la presse. C’est vous qui êtes dans le vrai : il n’y a rien de mieux que de se servir de l’argent des bourgeois pour se dire indépendants.

Nous devons stopper ici notre missive, car nous venons de recevoir de la part des multinationales des brèves que nous allons comme de coutume recopier. Nous vous sommes infiniment reconnaissants d’avoir décillé nos yeux à la fois sur notre consubstantielle scélératesse et sur la profonde influence que nous pouvions avoir en tant que multinationale du libéralisme.

Nous vous prions d’agréer, Monsieur l’Observatoire des multinationales, l’expression de nos sentiments autoritaires, inégalitaires, racialistes, racistes, réactionnaires et ultraconservateurs, bref libéraux.

Jean-Philippe Feldman

Agrégé des facultés de droit dans une pochette surprise

Ancien professeur des Universités à la solde du grand Capital et

maître de conférences à SciencesPo (zut : ôtez cette dernière mention !)

Avocat marron à la Cour de Paris

(Faux) Chercheur à l’Iref

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