Un décret précisant les nouvelles règles de l’assurance-chômage est paru il y a quelques jours. Certes, la crise pandémique a bousculé le calendrier, mais le sujet est sur la table depuis novembre 2019. Ces règles changent-elles de façon si importante qu’il ait fallu presque 18 mois pour les mettre au point ? Et vont-elles permettre d’économiser 3 à 4 milliards d’euros comme le souhaitait à l’origine le gouvernement ? Pour le savoir, penchons-nous sur le dernier rapport d’évaluation de l’Unedic. Mais avant cela, revenons au point de départ de novembre 2019.
L’échec des négociations paritaires et la reprise en main par le gouvernement
En juillet 2019, Emmanuel Macron demandait aux partenaires sociaux de négocier une nouvelle convention d’assurance chômage, deux ans avant l’échéance prévue. Le 9 novembre, les huit organisations patronales et syndicales se retrouvent donc autour de la table avec un programme clair fixé par le gouvernement : réaliser 3 à 4 milliards d’euros d’économies en trois ans afin de désendetter l’Unedic (35 milliards d’euros de dette à l’époque), mais aussi inciter au retour à l’emploi et encadrer les contrats courts.
Les syndicats de salariés contestèrent la « logique purement budgétaire » de cette feuille de route, les représentants patronaux s’opposèrent à l’encadrement des contrats courts, et la discussion capota. Le 20 février 2020, les partenaires redonnèrent la main au gouvernement.
Il aura donc fallu un peu plus d’un an à celui-ci pour accoucher d’un texte. Le décret du 30 mars 2021 prévoit que la réforme entrera en vigueur le 1er juillet avec les deux mesures suivantes : nouveau mode de calcul du salaire journalier de référence (SJR) et bonus-malus pour les entreprises utilisant les contrats courts.
D’autres mesures dépendent d’un « retour à meilleure fortune ». Prenant acte de la crise, le gouvernement a en effet décidé que deux mesures n’entreront en vigueur que sous deux conditions : 1)une fois que le nombre de chômeurs (catégorie A) inscrits à Pôle Emploi aura baissé de 130 000 sur une période de 6 mois (les confinements stricts de 4 semaines minimum étant neutralisés), et 2) qu’une fois que le nombre de déclarations préalables à l’embauche de plus d’un mois (hors intérim) aura franchi la barre de 2,7 millions sur 4 mois consécutifs. Ces deux indicateurs seront observés à partir d’octobre 2021.
Les deux mesures concernées par cette clause de « retour à meilleure fortune » sont la dégressivité des allocations pour les « hautes rémunérations » et l’allongement de la période d’ouverture des droits.
Toutes ces mesures ont été présentées dans un précédent article de l’IREF.
Les économies promises seront-elles réalisées ?
Dans sa nouvelle étude d’impact publiée le 7 avril 2021, l’Unedic estime qu’une fois l’ensemble des mesures appliqué, « la réforme conduirait à une baisse des dépenses de 2,3 milliards d’euros par an ». Rappelons-nous que l’objectif initial était d’économiser 3 à 4 milliards en trois ans. Le gouvernement irait donc au-delà de ce qui était prévu. Entamerait-il ainsi la forte compression de la dépense publique annoncée à grand renfort de trompettes par Bercy vendredi dernier ?
Malheureusement, ce chiffre de 2,3 Mds € par an est trop beau pour être vrai. En effet, il ne pourra être atteint qu’en « régime de croisière », c’est-à -dire après plusieurs années, une fois que l’on aura retrouvé une « situation économique proche de celle que l’on a connue au cours des dernières années avant la crise de la Covid-19 » nous précise l’Unedic. C’est-à -dire on ne sait pas quand !
Selon l’Unedic, on peut espérer une amélioration de la situation de l’emploi au premier semestre 2022. Mais l’organisme reconnaît être dans le flou total s’agissant des deux conditions citées plus haut qui n’ont que très rarement été réunies. Depuis 2006, elles ne se sont produites conjointement qu’à quatre reprises. Tout dépendra donc des mesures sanitaires : si les réouvertures sont très progressives, on peut s’attendre à une baisse graduelle du chômage et une hausse progressive des embauches, ce qui ne permettrait pas d’atteindre les seuils fixés. La dernière fois que les deux conditions ont été simultanément remplies, c’était en octobre 2020. Mais cela n’a duré qu’un seul mois. Or, le « retour à meilleure fortune » prévoit que la première condition dure 6 mois et la seconde 4 mois.
Autant dire que le « régime de croisière » n’est pas pour tout de suite. En 2021 ne s’appliquera donc, pour une moitié de l’année, que la première mesure (nouveau calcul du salaire journaliser de référence) qui ne devrait réduire les dépenses de l’assurance chômage que de 210 millions d’euros. Le bonus-malus sur les contrats courts est prévu pour être financièrement neutre. Quant aux autres mesures, elles n‘auront aucun effet en 2021.
En 2022, le nouveau calcul du SJR devrait faire économiser 940 millions d’euros. Les deux autres mesures conditionnées au « retour à meilleure fortune » pourraient faire gagner entre 250 et 990 millions d’euros. La fourchette est large – presque de 1 à 4 –, autant dire que l’Unedic ne prend pas trop de risques dans ses prévisions.
Une réforme aux petits pieds
Appeler « réforme » ces quelques ajustements à la marge est assurément de la publicité mensongère. Surtout qu’il est plus que probable que les économies promises ne soient jamais réalisées alors que la crise économique consécutive à la pandémie n’en est qu’à ses prémisses.
Nous ne voyons pas non plus en quoi le bonus-malus sur les contrats courts permettra de faire baisser le chômage, comme nous l’avons indiqué dans un article de 2017. Bien au contraire, quand l’activité sera sur le point de redémarrer les entreprises auront besoin de ces contrats de courte durée.
Nous attendons donc toujours la vraie réforme de l’assurance chômage qui passe par le salaire complet et la liberté pour les salariés de s’assurer auprès de la compagnie de leur choix (avec un système de base pour tous délivrant une indemnité forfaitaire en cas de chômage) comme ils peuvent le faire en matière d’assurance auto ou habitation par exemple.
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Les très hypothétiques économies de l’assurance chômage
Chaque baisse des indemnisations se traduit par des économies dans les comptes de l’assurance mais a aussi des effets collatéraux négatifs sur l’économie. Ces baisses inquiètent non seulement les chômeurs mais aussi les salariés en poste qui pour beaucoup craignent le chômage . Pas idéal pour la consommation qui reste le moteur clé de l’économie
N’oublions pas que comme le nom l’indique la protection du chômage est une assurance. Que penser d’une assurance qui diminue ses indemnisations sans contre partie sur les cotisations ?
Le déficit de l’Unedic représente 5% du déficit public et que la dette de l’Unedic représente 2% de la dette publique. A chacun ses priorités