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Les boucs émissaires fiscaux

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Après les largesses inconsidérées des Etats pour abonder des économies vacillantes, il leur faut maintenant faire face à des déficits budgétaires non moins considérables. Ils avaient sans doute cru pouvoir échapper à ces contraintes purement financières, mais le marché leur a rappelé que personne ne peut emprunter sans se soucier de rembourser. Les gouvernements affaiblis et obligés de réduire leurs dépenses et de faire appel à l’impôt cherchent donc des boucs émissaires. Heureusement, il reste quelques contre exemples vertueux qui pourraient servir de modèle. Le point de Jean-Philippe Delsol.

Angela Merkel casse le baromètre

Angela Merkel avait promis des réductions d’impôt et une politique libérale. Elle fait tout le contraire. Les impôts ne seront pas réduits et elle demande la mise en place d’une taxe sur les banques. Elle a décidé unilatéralement d’interdire certaines ventes à découvert, c’est à dire qu’elle ne veut pas connaître les anticipations du marché et qu’elle en casse les instruments au prétexte qu’ils favoriseraient la spéculation alors qu’ils permettent en réalité de révéler les difficultés ou les tendances favorables des économies concernées. Mais elle soutient la taxe sur les banques que veut instituer la Commission européenne.

Il est vrai qu’elle ne dispose plus de sa majorité absolue. Mais peut-être l’aurait-elle gardée si son discours avait été plus constant, plus ferme et plus fidèle à ses anciennes promesses. Les mêmes difficultés pourraient arriver à David Cameron qui déjà annonce une augmentation des impôts sur les plus values.

La commission européenne veut taxer et réguler les établissements de crédit

Michel Barnier, commissaire chargé du marché intérieur, veut éviter que les contribuables « continuent de supporter la charge du sauvetage du secteur » bancaire. L’intention est bonne, mais ce n’est guère le cas de la solution qu’il propose consistant à taxer les banques pour alimenter des fonds nationaux par des prélèvements qu’il voudrait les plus harmonisés possibles entre les différents Etats. Cette proposition est une étape de plus sur le chemin de l’uniformisation fiscale européenne qui se fera nécessairement au détriment des contribuables.

La Commission veut aussi règlementer les hedge funds, ce qui empêchera sans doute nombre d’entre eux, domiciliés dans des paradis fiscaux ou ailleurs dans le monde, d’avoir accès au marché européen. Ce sont les entreprises qui en souffriront, car les hedge funds leur apportent d’importants capitaux. Le cours moyen des hedge funds n’a perdu que 20% de sa valeur en 2008 lorsque le CAC 40 en avait abandonné 40% ! Les hedge funds sont des boucs émissaires parfaits parce que peu de gens comprennent les produits dérivés qu’ils offrent.

Fin de la spécialisation bancaire aux Etats Unis?

A tout prendre la réforme américaine déjà votée par la Chambre et le Sénat est plus intelligente. Il n’est pas anormal d’interdire que les banques achètent pour leur compte des produits dérivés avec l’argent des clients, sauf bien entendu accord formel de ces derniers. La séparation des activités de banque de dépôt et de banque de placement, appelée depuis Henri Germain, fondateur du Crédit Lyonnais, « spécialisation bancaire » semble obéir à un impératif de sécurité. En réalité elle interdit la transformation, c’est-à-dire le financement d’emplois à long terme (investissements) par des ressources à court terme (dépôts). Or les banques savent aussi recueillir des dépôts à terme, et consolider des dépôts plus liquides. Mais surtout, en ce qui concerne le projet américain (plan Volcker) il place les banques sous le contrôle et la sanction d’autorités de tutelle qui ont démontré leur incapacité de prévoir et plus encore d’empêcher la crise des subprimes. D’ailleurs, Fannie Mae et Freddie Mac, responsables du début de la crise et qui subissent encore de lourds déficits à la charge des contribuables américains, ne sont pas concernés par la réforme ! La vision des démocrates américains est décidément idéologique.

Les collectivités locales se prétendent asphyxiées par les banques

Pendant les années fastes, les collectivités locales ont cherché tous les moyens d’augmenter leurs dettes à moindre frais et ont écouté complaisamment les banques qui leur ont proposé des produits sophistiqués. Ces produits structurés permettaient aux collectivités d’emprunter à un taux relativement bas, de 3,61% en moyenne, mais évolutifs, sur un très long terme, jusqu’à 35 ans. C’est la banque publique DEXIA qui a été en France la plus active à ce titre, consentant des prêts de ce type à 2.800 communes. Le Conseil Général de Seine Saint Denis a une dette de 900 millions d’euros représentée à raison de 95% en produits structurés. Les communes italiennes ont aussi souscrit abondamment des crédits dits « dérivés », pour 9 milliards d’euros. Aujourd’hui ces collectivités se plaignent d’avoir été asphyxiées par les banques qui leur réclament contractuellement des sommes importantes pour transformer ces dettes en prêts à taux fixe. Elles accusent les banques de les obliger à augmenter leurs impôts et elles vont parfois en justice. Saint Etienne a assigné la Deutsche Bank tandis qu’un procès s’est ouvert à Milan à la requête de cette ville qui accuse 4 banques d’avoir perçu des commissions indues sur les prêts qui lui ont été consenti.

Mais aucune collectivité ne peut soutenir décemment avoir été contrainte d’emprunter dans les conditions proposées par les banques. Et elles avaient les moyens de faire vérifier les conditions proposées, ne serait-ce qu’en faisant appel à des conseils extérieurs. Elles veulent à juste titre être responsables de leurs impôts, mais elles s’en montrent incapables. L’Islande aussi a essayé d’accuser ses banques, mais le rapport de la commission d’enquête parlementaire sur les causes de l’effondrement du système bancaire islandais en octobre 2008 a surtout dénoncé l’« extrême négligence » des dirigeants du pays et de la banque centrale.

La crise a bon dos

La crise ne justifie pourtant pas toutes les difficultés. En France, le socialiste Didier Migaud, désormais président de la Cour des Comptes, considère que « la crise explique trois quarts de l’aggravation du déficit et 80% de la baisse des recettes fiscales ».  Le reste, dit-il, « est la conséquence d’une insuffisante maîtrise des dépenses et de mesures prises avant la crise ». Il évoque par exemple la baisse de la TVA dans la restauration qui a coûté 1,3 milliards d’euros.

Mais son avis reste socialiste, c’est à dire très édulcoré et partiel. Car le vrai sujet est l’importance démesurée des charges fiscales et sociales d’une part et la rigidité du marché et notamment du marché du travail d’autre part, qui entravent toutes initiatives. Parce que les Etats Unis sont à cet égard encore sensiblement moins contraints que l’Europe en termes de régulations et de charges publiques, l’activité économique y connaît déjà un retournement favorable avec une croissance annoncée pour 2010 de 3,2% contre 1,2% en Europe.

La flat tax poursuit sa percée en Europe

L’observation de la fiscalité n’apporte pas que des motifs d’inquiétude et n’appelle pas que des critiques. Il y a quelques bonnes nouvelles, en particulier celle de la percée de la flat tax en Europe.

L’Estonie, le plus septentrional des pays baltes, espère pouvoir adopter l’euro dès le 1er janvier 2011. Après une crise sévère en 2009, avec une baisse du PIB de 14,1% et un chômage de 14%, ce petit pays de 1,3 millions d’habitants relève déjà la tête. Il a accepté une rigueur extrême incluant le gel des dépenses publiques et la baisse des salaires, les ministres ayant supporté une réduction de leurs revenus de 20% pendant la crise. Son déficit budgétaire en 2009 a été limité à 1,7% du PIB et sa dette publique à 7,2%. Le secret est peut-être aussi ailleurs : l’Estonie a adopté depuis 1994 la flat tax au taux actuel de 20%.

C’est aussi le cas de la Pologne qui est le seul pays de l’Union européenne à avoir poursuivi la croissance de son économie pendant la crise (+ 1,7%). Elle a institué un impôt sur les sociétés au taux de 19%, et l’introduction d’une flat tax au même taux de 19% est préconisée pour les revenus des particuliers.

L’IREF milite depuis plusieurs années pour l’instauration de la flat tax en France. Certes l’opinion y est encore peu préparée. Mais la suppression pure et simple de toutes les niches fiscales, sans exception, et la suppression corrélative de l’impôt sur le revenu seraient quasiment neutres. Une augmentation concomitante de 2 ou 3 points de CSG reviendrait à la création d’une flat tax favorable à l’économie et permettrait à l’Etat de gagner des milliards d’euros. Bercy devrait y réfléchir.

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1 commenter

Anonyme 14 juin 2010 - 3:08

Flat tax
Pourquoi ne pas essayer ? Je reste persuadée que nos politiques soutenus par des économistes (en principe..) n’ont absolument pas la certitude absolue de prendre les bonnes décisions.. et là je suis de cet avis. Alors pourquoi pas la flat tax !

Mais, mais ,mais… que diraient ces Messieurs de FO, CGT et autres Sud machin ? Lever le petit doigt en France équivaut à soulever des montagnes ailleurs.

Kent

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