Voilà des années que l’on attend un sursaut libéral en France. Même si tous les facteurs ne sont pas favorables, un frémissement se fait sentir.
7 janvier 2025 : le plateau de LCI voit se succéder David Lisnard et Alain Madelin. Il n’est certes pas inédit que deux libéraux occupent l’antenne durant une demi-heure, mais l’évènement est suffisamment rare pour être souligné. Une prise de conscience libérale serait-elle en cours ? Interrogeons-nous sur les signes favorables et défavorables actuels d’un sursaut libéral dans notre pays.
Des hommes politiques de moins en moins défavorables au libéralisme
Le mot « libéral » est traditionnellement un repoussoir en France et ce, depuis le XIXe siècle, à l’exception de quelques périodes et notamment du début des années 1980, nous y reviendrons un peu plus loin. Ce n’est pas parce qu’un homme politique se dit libéral à un moment donné de sa carrière qu’il l’est forcément, la liste des « corsaires du libéralisme » pouvant s’égrener presque à l’infini. Notre maître Jacques Garello a ainsi coutume de rappeler que Georges Marchais, le secrétaire général du Parti communiste français (et inféodé à Moscou) s’était même qualifié de « libéral » dans les années 1970. Un bel hommage du vice à la vertu…
Le terme demeure aujourd’hui une insulte à gauche et plus encore à la gauche de la gauche. Il n’empêche qu’un nombre croissant d’hommes politiques n’hésite plus à s’en recommander ou du moins à le citer avec faveur. Certes, il s’agit presque toujours d’hommes « de droite » ou catalogués comme tels, mais la mode n’en est pas moins saisissante. David Lisnard, le maire de Cannes et président de Nouvelle Energie, s’en fait le porte-drapeau. Alain Madelin, l’ancien ministre de l’Economie et des Finances, opère un retour médiatique remarqué. Guillaume Kasbarian et Othman Nasrou représentaient l’aile libérale, très minoritaire mais assumée, dans le dernier gouvernement.
Au-delà de la posture libérale clairement revendiquée, plusieurs hommes politiques de droite ont donné récemment des entretiens qui juraient avec l’interventionnisme habituel (si ce n’est dans les mots, du moins dans les actes) de leur famille politique. Revenons un peu en arrière, au milieu du mois de décembre 2024 précisément.
Eric Ciotti (Le Figaro, 18 décembre 2024) caractérise la censure du gouvernement Barnier de « libérale », à la suite d’un « budget socialiste, couronnant sept ans de faillite économique de Bruno Le Maire ». Il annonce « des programmes disruptifs », la préparation d’une « loi tronçonneuse », la volonté de « dégonfler la baudruche bureaucratique qui étouffe les Français et notre économie ». La lutte contre la bureaucratie, portée depuis longtemps par David Lisnard, est manifestement à la mode puisque Valérie Pécresse (Le Figaro, 19 décembre 2024) soutient que « pour sortir du marasme actuel, il faut une politique de remise en ordre des comptes et de débureaucratisation ».
Les inconséquences libérales de certains hommes politiques
On pourra regretter que les hommes politiques qui adoptent une phraséologie libérale ne fassent pas toujours preuve d’une parfaite conséquence. Nous ne visons évidemment pas David Lisnard et Alain Madelin, comme nos lecteurs peuvent le subodorer.
A la fin de l’entretien rappelé plus haut, Eric Ciotti déclare : « L’UDR est le seul parti politique français à assumer son inspiration dans les grandes réformes libérales prônées hier en France par Edouard Balladur ou François Fillon, et défendues aujourd’hui par Javier Milei, Elon Musk et Donald Trump ». Le début de la phrase constitue une contre-vérité manifeste puisque Nouvelle Energie, le parti de David Lisnard, prône le libéralisme, mais le plus important vient après.
Edouard Balladur a certes fait partie de la grande aventure libérale des années 1980 mais, en énarque distingué, il aura toujours séparé expressément un bon « libéralisme français » tenu en laisse par l’État et un mauvais libéralisme anglo-saxon. Pour le dire autrement, il n’aura en fait jamais rien compris au libéralisme et sa vibrante défaite à l’élection présidentielle en 1995 après deux années d’immobilisme à Matignon aura marqué la juste fin de son imposture. Quant à François Fillon, il aura effectivement porté des réformes de nature libérale lors de la campagne de 2017, mais il sera toujours resté un nostalgique du gaullisme social après avoir également échoué à Matignon. Il est donc étrange qu’Eric Ciotti se recommande de ces deux figures de la vie politique française.
La toute fin de sa phrase est certainement plus satisfaisante, mais elle n’en est pas moins ambiguë. Mêler l’anarcho-capitaliste Milei au libertarien Musk peut se concevoir, mais leur adjoindre le protectionniste et surtout incontrôlable Trump pose plus de difficultés… Peut-être le populisme et le souverainisme du nouveau président américain satisfont-ils Eric Ciotti.
Quant à Valérie Pécresse, après avoir soutenu la nécessaire débureaucratisation de la France dans l’interview du Figaro, elle croit devoir ajouter : « L’État doit être concentré sur ses trois missions essentielles : protéger, éduquer, soigner ». Une phrase qui ne peut qu’indisposer tout libéral digne de ce nom pour la simple et bonne raison que l’État n’a ni à éduquer ni à soigner, sans parler du terme « protéger » qui mériterait d’être… soigneusement défini en termes strictement régaliens. « C’est ce que j’ai défendu dans ma campagne de 2022 », s’enorgueillit-elle, sans rappeler le faible score obtenu au regard de son programme incohérent. Il n’est donc guère surprenant que, interrogée ensuite sur le problème des retraites, elle ne cite même pas la capitalisation et s’en tienne à une réforme de nature paramétrique centrée sur l’âge de départ…
Le rôle de la société civile
Terminons sur une note positive. Voir des hommes politiques se réclamer du libéralisme ou adopter certains de ses principes ne saurait nous déplaire, cela va de soi. La situation périlleuse de la France incite à de profonds changements, fût-ce le dos au mur comme toujours dans notre histoire. La situation internationale est également un facteur favorable. « L’expérience » Milei en Argentine, le poids d’Elon Musk, peuvent être des paradigmes comme l’étaient les pays anglo-saxons à la fin des années 1970 et au début des années 1980.
Mais il ne faut pas oublier, pour paraphraser Ludwig von Mises, qu’il faut « rendre » les hommes politiques libéraux ; il faut les inciter à l’être, car ils trouveront, au-delà de leurs convictions, un intérêt électoral à porter des réformes de nature libérale. Et c’est tout le rôle de la société civile (nous nous entendons lorsque nous usons de cette expression : la vraie société civile, pas les faux nez de l’État) que de peser en faveur du libéralisme, d’en expliquer la nature et d’en décrire les recettes. Telle est la mission que l’Iref s’est donnée depuis sa création.
10 commentaires
Rêvez toujours on en a encore pour 3 ans et pendant ce temps là la situation ne va pas q’arranger.
D.Lisnard,homme de conviction, est pour l’instant le seul politique attractif pour 2027,Darius Khoshbin est resté sans voie, sans l’interrompre.
Article intéressant. L’opinion française semble évoluer effectivement et les médias aussi notamment avec l’irruption de CNews, BFM TV voire LCI mais aussi YouTube moins soumis à la doxa dominante de l’étatisme à la française et du terrorisme intellectuel de la gauche française qui adore invoquer la liberté d’expression quand elle lui bénéficie et qui la supporte moins quand elle permet à des gens qui ne pensent pas comme elle de s’exprimer. Mais que dire de nos politiques ? Notre PM est en train de négocier ce qui ressemble à une reddition au plan économique avec le PS et cette négociation rappelle furieusement celle du PS avec ses alliés écologistes verts qui a initié le début de démantèlement du nucléaire civil français avec le succès qu’on connaît.
Emmanuel Macron a cultivé une forme de libéralisme dans le discours en mettant en avant les entreprises et l’attractivité de la France mais beaucoup de ses décisions ont renforcé l’étatisme français.
Notre classe politique, massivement issue de la fonction publique, ne donne pas l’impression d’être prête à un tel virage même modéré.
Pour les retraites, la Préfon pour tous !
Pourquoi la capitalisation serait elle réservée aux fonctionnaires ? Camarades, luttons pour qu’elle soit étendue à tous.
Je ne peux que souhaiter un véritable réveil du libéralisme , breton et marin ma devise est « vivre libre « à l exemple de l histoire de la Bretagne adossée à la monarchie franque et plus tard l idéologie républicaine de droite comme de gauche
La Bretagne n a été riche que lorsque sa liberté a pu s exercer sur la plus grande façade maritime ses ports ses marins et son commerce maritime de l extrême nord de l Europe à la Méditerranée puis vers l Amérique vers l ouest du nord au sud en passant par l Amérique centrale et les Antilles et toute l Afrique littorale en explorant l Inde puis les archipels asiatiques
La France monarchique et républicaine ne conçois la « LBERTE « comme un don du momarche envers le petit peuple inculte ce qui est contraire au principe de liberté de démocratie et de développement des richesses individuellles et collectives
Bonjour, Madelin ne me semble pas une option de bon augure si j’en juge par son bref passage au Ministère de l’Economie sous le règne de Juppé (il occupa le poste seulement quelques mois). Je parle en connaissance de cause car mon employeur de l’époque avait du dénoncer des décisions aberrantes qui furent abandonnées après un passage des responsables du groupe chez Juppé. PS : Plongez-vous également dans le dossier d’acquisition de la maison de courtage dont j’ai oublié le nom.
Mr JP Feldman félicitations pour cette mission que s’est fixée l’IREF , j’y adhére .
La tache n’est pas simple dans un pays qui :
– est controlé économiquement a 90/95% par l’Etat
– de 8 millions de fonctionnaires abreuvés d’avantages , de garanties de l’emploi , et surtout qui se ” considére ” indispensable pour le bien étre des populations .
– de syndicats qui confondent ” défense des salariés dans l’entreprise ” et idéologie politique
– de la présence encore dans ce pays d’ un Parti Communiste
– qui se regarde le nombril et en oubliant l’économie de marché qui nous entoure
Et surtout , surtout , d’une société civile qui est ” massivement assistée ” , qui se retourne vers l’Etat pour le moindre sujet , la moindre doléance . ” et je fais comment moi ? ”
Le principe de précaution n’a rien arrangé .
Les Anglo-saxons n’ont pas du tout le méme profil d’assistanat que la majorité des francais , ils sont plus ” globaux ” de conscience et pragmatiques .
Cher Thierry,
Rien à ajouter. Tout est dit mais l’inventaire n’est pas terminé.
Ah ! Macron ! sur la tombe de ton médiocre et arrogant passage à l’Elysée, tes prières du repentir ne sont que silence coupable.
Pour information, libertarien et anarcho capitaliste, c’est la même chose.
On peut discuter des termes, mais le libertarianisme prône un Etat minimal, alors que l’anarcho-capitalisme souhaite la disparition de l’Etat.
Me Jean-Philippe Feldman