Au milieu du mois de juin 2020, le Conseil d’Orientation des Retraites (COR) avait anticipé un déficit de € 30 milliards pour les retraites de l’année même (2020). Un an plus tard en ce début juin 2021, l’estimation du même COR pour la même année 2020 chute à 18 milliards d’euro quant au déficit brut, opportunément ramené à 13 milliards de déficit net par la mobilisation d’un prélèvement exceptionnel de € 5 milliards sur le Fonds de réserve des retraites (lequel à cette allure « fond » bien plus vite qu’il ne « réserve »!). Soit quand même et si on a la charité de retenir le déficit brut une réduction de quelque 40% d’un chiffre, qui ne jouait déjà pas sur l’épaisseur du trait. Entretemps et dès octobre 2020, le COR avait, c’est vrai, amorcé timidement sa correction en ramenant sa prévision à € 25 milliards courant octobre, puis à € 23,5 milliards fin novembre 2020.
Bref de quoi donner le tournis à tout lecteur attentif, qu’en un an, le COR ballade « par sauts et gambades » sur l’échelle des déficits pour l’année 2020. D’autant que l’information est toujours fort sensible dans le contexte dégradé de nos finances publiques ébranlées par les conséquences de la Covid et qu’elle a déjà joué en 2017, comme très probablement elle continuera à en jouer en 2022, un rôle non négligeable dans la perception par l’électeur des enjeux des prochaines campagnes électorales comme dans la communication présidentielle et gouvernementale. On se rappelle en effet qu’en 2017 le COR avait dû précipitamment durcir après les élections nationales les prévisions un brin optimistes qu’il avait déclinées juste avant les scrutins concernés, comme si le COR se sentait plus ou moins tenu par sa mission de rassurer l’électeur juste avant les échéances politiques majeures du pays.
Nos lecteurs connaissent notre profond scepticisme envers une bonne partie des statistiques et prévisions officielles (d’ailleurs Churchill lui-même prétendait qu’il ne croyait qu’à une seule sorte de chiffres, ceux qu’il trafiquait lui-même). Plus sérieusement et sur un plan strictement technique, autant on peut admettre un certain flottement sur une prévision fournie en. N-1 quelques mois avant que l’année N ne commence, autant on devient plus exigeant alors qu’on se trouve déjà rendu au mois de juin pratiquement au milieu de cette année N ( € 30 milliards) et encore plus bien entendu lorsque les haruspices se prononcent à mi-octobre (€ 25 milliards), puis à fin novembre (€ 23,5 milliards) soit juste avant la fin de la même année pour ensuite faire chuter brutalement à seulement € 18 milliards le déficit brut retenu au début du mois de juin de N+1. Ce qui veut dire qu’avant que l’année N ne commence, on est dans le flou le plus absolu et qu’il faut pas moins de 17 mois, dont 5 sur N+1, pour que les brumes originelles se dissipent peu à peu à ces regards passablement indolents, rien n’assurant d’ailleurs que ce chiffre net de € 13 milliards ne va pas encore évoluer dans les prochains mois. Il est effarant qu’il faille attendre le début du mois de juin N+1 avant de commencer à cerner le résultat d’une année N finie depuis plus de cinq mois. Mais il est encore plus stupéfiant que malgré tous ces errements dans des prévisions qui touchent à l’immédiat, le COR se croit encore autorisé en soufflant successivement le chaud et le froid tantôt à affoler le peuple, tantôt à le rassurer avec des projections – pardon, des « hypothèses! – à long terme à 30, 40 ou 50 ans, comme si l’éloignement de l’échéance renforçait la sécurité de la prévision, alors qu’on voit bien qu’une prévision chasse l’autre. Si on ajoute à ces désordres prévisionnels, les critiques virulentes de la Cour des comptes qui souligne en de multiples domaines le peu de fiabilité des comptes de l’assurance-vieillesse, on conçoit certes que la prévision est difficile, mais on n’en est quand même plus aux toutes premières années de la généralisation des retraites et la comptabilité de l’assurance-vieillesse n’est jamais passée pour un modèle On se demande d’ailleurs par quel miracle il se trouve encore des gens disposés à croire ces lointaines hypothèses trans-générationnelles ou à en débattre, tant leurs devancières ont dû être corrigées, remaniées et amendées, voire même parfois abandonnées, à tel point que l’amplitude des écarts observés réduit le terme de marge d’erreur à un audacieux euphémisme.
Il est indispensable qu’en vue des années tourmentées et difficiles qui viennent, la France récupère pour elle-même, pour ses citoyens et pour ses partenaires des prévisions fiables, qui lui permettent d’arrêter dans un domaine important (puisqu’on doit reprendre le chemin de la réforme), des décisions judicieuses et pertinentes, qui ne soient pas dictées par les fondements incertains des dernières publications à la mode, ni par l’ordonnance trompeuse des cycles statistico-électoraux. Il est d’ailleurs probable que si, sortant de son autisme actuel (aujourd’hui le COR est rigoureusement allergique à toute présence officielle des retraités élus ès qualités), le COR s’ouvrait à une représentation collective et équitable de ceux pour qui les retraites sont faites et qui les pratiquent, elle lui procurerait, grâce à leur vécu et à leur expérience, une vision moins « intellectuelle » et mieux assurée des chiffres. Car enfin, rappelons-le, la mission du COR, c’est quand même d’orienter les retraites et pas de désorienter la Nation.
3 commentaires
Le conseil d’orientation des retraites complètement déboussolé dans ses prévisions 2020
prévisions du COR
Merci Monsieur Benne de votre réaction face aux déclarations du COR
peut-on s’étonner encore des divagations chiffrées données par le COR dont on connait la composition des membres
Rappelons les estimations données depuis dix ans par cet organe sous emprise du lobby syndical quand ce n’est pas de l’Etat lui même!!!
Reprenez les estimations depuis dix ans et constatez comme moi que nous sommes face à des divagations qui prouvent que cet organisme n’est pas crédible .
Sur le fond, parler des « retraites » alors que la France comporte plus de soixante régimes différents, c’est parler de tout et de rien.
Il conviendrait de distinguer clairement:
Le régime Sécurité sociale
les régimes complémentaires (AGIRC – ARCO)
les régimes des indépendants
les différents autres régimes (medecins pharmaciens banques et une floppée d’autres y compris les journalistes etc….
L’essentiel ce sont :
le régime sécurité sociale
les complémentaires cités plus haut
Mais il manque l’essentiel, savoir le régime de la fonction publique et les régimes spéciaux dont on ne parle pratiquement jamais et qui nous coûtent près de 70 milliards par an !!!
Cette contribution de l’Etat qui obère l’équilibre financier de la France sera-til un jour l’objet d’un article de la part de l’IREF ?
je comprends que cette révélation fasse l’effet d’une bombe mais ne faut-il pas faire oeuvre de transparence et de vérité alors que la France s’enfonce déjà dans le mur de la dette ?
merci de votre attention
JPD
Le conseil d’orientation des retraites complètement déboussolé dans ses prévisions 2020
@ Jean-Paul DUFOURNET
Merci pour l’attention que vous avez bien voulu porter à l’article et pour le commentaire dont vous l’avez heureusement complété. La contribution que l’État ajoute pour équilibrer le régime de ses fonctionnaires , comme d’ailleurs les subventions d’équilibre qu’il consent à nombre de régimes spéciaux (au total on n’est pas loin d’une cinquantaine de milliards d’euros) ont déjà été pointés et dénoncés à plusieurs reprises sur notre site, même si c’est vrai ils n’ont pas fait l’objet d’une étude dédiée. Rappelons quand même que nous n’avons pas été nombreux à distinguer à côté des régimes par répartition et des régimes par capitalisation, une troisième sorte de régimes qui a peu d’exemple dans le monde libéral: les régimes par ponction où l’équilibre s’opère par un prélèvement direct sur le contribuable.
Alors certes, on est près à admettre qu’une pyramide des âges défavorable puisse justifier un coup de pouce de l’État, mais c’est beaucoup plus difficile à accepter lorsque l’ essentiel de la ponction opérée est utilisé pour financer des privilèges importants dans la fonction publique et proprement exorbitants dans les autres régimes spéciaux. Quant à la promesse macronnienne de supprimer les régimes spéciaux, combien de. Français réalisent que si cette suppression ne concerne désormais plus que les nouveaux arrivants, elle ne sera effective que d’ici 70 ans (environ 45 ans de carrière des derniers recrutements avant la réforme, plus 25 ans de retraite avec la progression de l’espérance de vie) et que ce qu’une loi a fait, une autre peut tout aussi promptement le défaire. En matière de courage réformateur, on a vu mieux ailleurs…avec des gens souvent plus modestes dans leurs annonces. Grand diseux, petit faiseux!
Cordialement: Th.B
Le conseil d’orientation des retraites complètement déboussolé dans ses prévisions 2020
On peut légitimement se demander à quoi peut bien servir le COR, sinon à nous abreuver de « calculs prévisionnels » dont on mesure l’indigence. Faut il s’en étonner quand -ainsi que vous le dites fort justement- ce machin ne comporte pratiquement que des fonctionnaires qui moulinent des chiffres régulièrement faux. C’est encore un de ces trop nombreux organismes para étatiques qui ne servent à rien. Si j’osais je dirais que c’est un cor au pied …