Le 23 octobre dernier, une proposition de résolution relative au lancement d’un débat public sur la création d’un mécanisme de revenu universel appelé « socle citoyen » a été déposée à l’Assemblée nationale par un groupe d’une quarantaine de députés. En prenant comme prétexte la crise de la Covid-19, ces élus souhaitent « inventer un mécanisme de solidarité universel, qui assure à chacun un filet de sécurité et de quoi tenir pour rebondir en cas de choc. L’assurance que lui/elle et sa famille seront à l’abri quoiqu’il arrive. Un tel filet, automatique et universel, n’est pas seulement un moyen d’éradiquer la pauvreté qui touche près de 14 millions de Français, il est la seule réponse possible pour garantir la confiance de tous dans l’avenir et l’envie de prendre le risque de s’engager dans la société. » Ils suggèrent donc qu’un « socle citoyen » de 564 euros soit alloué à chaque Français à partir de 18 ans. Comment sera-t-il financé ? Selon les auteurs de la proposition, l’universalité de l’impôt (sans précision claire des taux appliqués) suffira à ce que ce revenu puisse être accordé à tout le monde.
A l’IREF, nous avons montré plusieurs fois que cette idée était irréalisable et dangereuse. Elle a déjà été testée en Finlande, dont le gouvernement a tenté l’expérience pendant une année sur un groupe de 2000 chômeurs sélectionnés aléatoirement. Ils ont reçu chacun 560 euros par mois sur la période 2017-2018. Selon Olli Kangas, le coordinateur, l’étude préliminaire des résultats indique que le revenu universel n’a pas permis d’augmenter l’emploi des bénéficiaires par rapport au groupe de contrôle et que, pour la plupart, le bien-être qu’aurait dû induire cette mesure n’était que très relatif.
Pour l’IREF, le revenu universel, c’est le « droit à la paresse » de Paul Lafargue. C’est la déresponsabilisation généralisée. Une forme d’assistanat à vie qui ne résoudra pas le problème de la pauvreté et créera toujours plus d’inégalités. Car il y en aura forcément qui paieront pour les autres. C’est juste une illusion d’égalité que l’on créerait avec un revenu pour tous. Revenons sur quelques-uns de nos principaux arguments, pêle-mêle. Cette manne de 564 euros qui prétend lisser les plus grandes inégalités n’aura pas, et de loin, la même « valeur » en région parisienne que dans la Creuse. Selon ses défenseurs, la somme pourra être « corrigée » grâce à un « Grand Débat ». Il n’y a pas de doute que certains, au sein de ce « Grand Débat », demanderont plus. Pourquoi pas 766 euros, ou 1060 euros, voire 1115,56 euros ? D’autre part, un revenu universel serait fort probablement un appel d’air pour une immigration qui y verrait un avantage décisif, sauf mesures de contrôle drastiques sur d’éventuelles aides annexes. Nous avons déjà fait allusion, dans de précédents articles, à un autre risque qui nous semble majeur : celui de casser les chances d’une vraie réussite par une incitation pernicieuse à l’effort minimum, la nécessité pouvant être un puissant aiguillon autant qu’un obstacle que certains ne parviennent pas à franchir. Mais c’est là une question à la fois économique, psychologique et sociale, nous y reviendront probablement. Enfin, quelqu’un devra assurer cette redistribution générale. Un revenu universel suppose une entité étatique suffisamment puissante pour le gérer et le contrôler. L’étatisation de la société sera encore plus forte, la dépendance générale et la déresponsabilisation encore aggravée. L’Etat nous donnera à tous la becquée, nous dépendrons tous de lui. Le revenu universel, non, merci !
10 commentaires
Manque l'argument le plus important selon moi.
Ce que ne comprennent pas les gens qui veulent le revenu universel, c'est que la monnaie est un instrument d'échange et n'est pas en soi de la richesse.
Donner aux gens de l'argent en contrepartie de rien du tout, en contrepartie d'aucun travail, veut dire de manière parfaitement mécanique que le montant d'argent reçu en revenu universel sera entièrement compensé par des prix plus élevés répartis sur tous les biens et services présents sur le marché.
Cet effet est parfaitement mécanique. Il sera peut-être à peine atténué par le fait que les prix des biens et services venant de l'étranger seront moins ajustés que ceux directement produits en France.
Autrement dit, pas un seul centime de pouvoir d'achat ne sera donné aux individus grâce au revenu universel. Pour vivre correctement il faudra travailler toujours exactement autant que sans le revenu universel.
Par contre il existera tous les effets délétères résultant de la nécessité du financement du revenu universel par les hommes de l'Etat.
Ceci résulte de ma réflexion personnelle, j'attends votre retour pour savoir si j'ai bien raisonné. Je n'ai jamais rien lu de tel.
Tout dépend du financement choisi.
– Si le dispositif est financé par la création monétaire, votre raisonnement est irréprochable.
– Le dispositif proposé ne sera viable que s'il s'assume comme étant une redistribution des revenus, dont on explicite le circuit.
Quels revenus ?
Si le revenu universel veut dire mêmes revenus et avantages que les Procureurs je crois que je serais preneur …
Sur Bfm Business, ils citent l'expérience où ça a provoqué, au contraire, une augmentation de la création d'entreprises
Re :
Où ?
Merci pour votre message
NL
Le danger vient de la démagogie.
– Les attendus de ce projet sont justes : rationaliser l'existant pour assurer à tous "un socle de revenu quoi qu'il arrive" serait un progrès.
– Mais les auteurs du projet cèdent à la démagogie (et détruisent par là même ce qu'ils prétendent proposer !), dès lors qu'ils ne parlent que de ce qui serait distribué (564 euros par mois, voire plus !), sans dire : quel impôt serait nécessaire pour le financer, ni quel serait le périmètre des personnes concernées.
– Donc, oui à "un socle de revenu universel" mais à condition qu'il soit conçu comme un intéressement à la richesse du pays. Cela implique que la somme distribuée ne soit pas fixée a priori, mais soit le partage de ce qui aura été collecté par "un impôt universel" dédié à son financement.
– S'il doit y avoir un "débat citoyen", il doit porter sur le taux de prélèvement de l' "Impôt universel de redistribution nationale" que tous devront payer (puisque n'auront droit au "socle de revenu universel" que ceux qui auront participé).
Le risque de casser les chances d'une vraie réussite
– Les étudiants de familles aisées sont sécurisés par le soutien qu'ils reçoivent de leurs parents.
– Est-ce pour eux "une incitation pernicieuse à un effort minimum" ?
– Le taux d'abandon des études est-il plus important chez les étudiants soutenus ou chez ceux qui doivent faire de petits boulots pour survivre ?
– La nécessité ne peut être "un puissant aiguillon" que si l'on a par ailleurs un minimum de sécurité.
Le test de la Finlande
– On peut observer que cette expérience n'a duré que quelques mois. Cette "Allocation universelle" restait donc une aide précaire. Cela peut expliquer le peu d'effet sur l'emploi.
– Les bénéficiaires de l'allocation universelle ont tous exprimé une baisse de leur angoisse. Ceux qui considère cela comme négligeable ont-ils jamais vécu dans l'angoisse du lendemain ?
Quel taux de prélèvement pour payer 564 euros par mois ?
Supposons que le socle citoyen soit financé intégralement par l'IRPP devenu l' "impôt universel de redistribution nationale" (payé par tous, selon un taux égal pour tous).
En 2017, le revenu fiscal de référence total était de 1.027.803.836.995 euros pour les 66.770.000 habitants de la France. Par mois et par personne, cela fait un revenu fiscal moyen de 1282 euros.
=> Si le "socle citoyen" (versé à tous) est de 564 euros, le taux de prélèvement (payé par tous) doit être de 43,99%.
=> Mais on peut choisir un autre taux de prélèvement:
10% –> 128 euros
15% –> 192 euros
20% –> 256 euros
25% –> 320 euros
30% –> 385 euros
35% –> 449 euros
40% –> 513 euros
(au delà de 50%, l'opération n'a pas de sens, sauf à créer des inégalités de traitements entre les citoyens).
Remarque :
– Pour une grande majorité de la population, les revenus sont inférieurs à la moyenne ; pour eux, l'opération est donc bénéficiaire. En particulier, les travailleurs pauvres reçoivent une aide (qu'ils n'ont pas actuellement) sans créer d'effets de seuil.
– Pour le revenu moyen, l'opération est blanche : la somme reçue sera toujours égale à la somme prélevée.
– Pour les revenus supérieurs à la moyenne, l'opération est négative mais avec une gradation : sans les effet de seuil et sans l'opacité et l'arbitraire des tranches d'imposition.
Remplacer les quarante mille sortes de « cheques » par un revenu minimum ?
Est-ce que supprimer toutes les aides et allocations par une seule ne serait pas moins coûteux ? Quand on voit naître des aides inconséquentes pour tout et n’importe quoi (réduction pour reprisage !), on peut se poser la question.
A condition d’interdire toute forme d’autre allocation, car la démagogie ambiante les ferait vite réapparaître !