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L’abus de droit permanent de Bercy

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Bercy est prompt à reprocher aux contribuables de commettre des abus de droit. Mais c’est Bercy qui en commet le plus et à plus large échelle. Le projet de loi de Finances pour 2017 en témoigne encore avec son article 4 tendant à élargir la base du plafonnement de l’ISF des contribuables qui seraient censés l’avoir diminuée par le recours à une société holding.

Le texte veut réintégrer aux revenus du contribuable pris en compte pur le plafonnement « les revenus distribués à une société passible de l’impôt sur les sociétés contrôlée par le redevable…si l’existence de cette société et le choix d’y recourir ont pour objet principal d’éluder tout ou partie de l’impôt sur la fortune… ». Il ne s’agit rien de moins que de considérer comme des revenus des produits qui n’en sont pas sur la base d’un jugement hautement subjectif des motifs ayant conduit à mettre en place telle ou telle organisation patrimoniale.
Pour procéder à cette manipulation, l’administration veut utiliser l’abus de droit sous le bénéfice de l’article L 64 du Livre des procédures fiscales selon lequel l’administrations peut écarter « comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d’un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d’une application littérale des textes ou de décisions à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n’ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales que l’intéressé, si ces actes n’avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles ».

Le texte susvisé de l’article 64 est déjà en lui-même un abus de faiblesse du législateur en ce qu’il reconnait que celui-ci rédige tellement mal ses lois qu’elles sont aisément utilisables à d’autres fins que celles pour lesquelles elles ont été établies, mais en même temps il autorise un abus de pouvoir permanent en ce sens qu’il autorise l’administration à juger des mobiles et intentions du contribuable, ce qui est éminemment arbitraire, et donc dangereux, quand bien même le contrôle du juge reste possible.

Un procédé honteux et misérable autant qu’abusif et intrusif

D’autant plus que l’administration semble se moquer du juge constitutionnel. Car il a déjà été jugé par lui à plusieurs reprises que des dispositions comme celles du nouvel article 4 susvisé n’étaient pas acceptables :

• Statuant sur les dispositions de l’article 13 de la loi de finances pour 2013, dans sa décision n° 2012-662 DC du 29 décembre 2012, le Conseil constitutionnel a déjà jugé qu’en intégrant dans le revenu du contribuable des intérêts et produits capitalisés, les bénéfices distribuables de sociétés financières et les plus-values ou gains ayant fait l’objet d’un sursis ou d’un report d’imposition, c’est-à-dire « des sommes qui ne correspondent pas à des bénéfices ou revenus que le contribuable a réalisés ou dont il a disposé au cours de la même année, le législateur a fondé son appréciation sur des critères qui méconnaissent l’exigence de prise en compte des facultés contributives ; que, par suite, les troisième à seizième alinéas du F du paragraphe I de l’article 13 doivent être déclarés contraires à la Constitution ».

• Puis, dans sa décision du 29 décembre 2013, le Conseil constitutionnel a estimé que les dispositions de l’article 13 de la loi de finances pour 2014, considérant comme des revenus à intégrer à la base du plafonnement « les revenus des bons ou contrats de capitalisation et des placements de même nature, notamment des contrats d’assurance-vie », avaient un objet analogue à celles qu’il avait censurées par sa décision du 29 décembre 2012, et qu’elles méconnaissaient l’autorité de cette décision. Il les a donc censurées comme étant contraires au troisième alinéa l’article 62 de la Constitution qui dispose que les décisions du Conseil constitutionnel « s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles ».

Aujourd’hui, le Gouvernement essaie donc une énième fois de se faire octroyer tous pouvoirs pour aller scruter les reins et les cœurs des contribuables et les obliger à rendre gorge de leur ISF dès qu’ils seront supposés avoir organisé leur patrimoine pour en limiter les effets. Certes, il faut espérer que le Conseil constitutionnel sanctionnera une fois encore la loi. Mais le procédé est en lui-même honteux et misérable autant qu’abusif et intrusif.
Au demeurant, il ne s’agit là que d’un exemple parmi d’autres de cette violation permanente de l’état de droit par l’administration qui écrit les projets de loi. L’an dernier, elle a décidé d’imposer les plus-values en report d’imposition antérieures à l’an 2000 malgré les dispositions impératives de plusieurs directives européennes. De même, à l’encontre de la plus rigoureuse application de la loi, elle mène une offensive généralisée pour imposer les soultes obtenues par les contribuables à l’occasion d’un apport de titres en sursis ou report d’imposition. Les contribuables auront sans doute raison in fine contre elle, mais ils devront se battre et cela leur coutera cher en temps, en argent et en angoisses devant l’arrogance hautaine de la technocratie fiscale.

Il faut en finir avec l’impunité de Bercy

Certes, il est temps que l’ISF soit supprimé et on peut l’espérer après les prochaines élections puisque les principaux candidats à la primaire de la droite sont tous d’accord à ce sujet. Mais il faut aller au-delà et mettre fin à l’impunité des ministres et hauts fonctionnaires qui se permettent d’imposer des textes à la validité douteuse. En témoigne encore la décision du Conseil constitutionnel de ce 30 septembre invalidant la limitation de l’exonération de la taxation de 3% des dividendes, mise en place par la loi de finances rectificative pour 2012, aux seules distributions réalisées entre sociétés membres d’un même groupe fiscal intégré, à l’exclusion des sociétés étrangères. En relèvent aussi les nombreuses décisions de la CJUE pour invalider diverses lois fiscales, obligeant le Trésor français à restituer, par milliards, des prélèvements sociaux, des retenues à la source, des taxes sur dividendes…

Il ne faut pas seulement que le pouvoir qui sera issu des urnes en 2017 prenne diverses mesures fiscales urgentes pour redonner de l’air aux entreprises et aux particuliers, mais il faut aussi changer l’esprit de l’administration et celui de la loi. Ca sera évidemment plus difficile mais c’est plus essentiel.

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3 commentaires

CERVO 4 octobre 2016 - 9:54 am

Assez d'être abusé par l'état
Assez de payer pour un état qui se vote des loi pour profiter de notre argent durement acquit.

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BNVK 4 octobre 2016 - 10:05 pm

L'Etat est méprisable et méprisé
L'impunité de Bercy fait partie des quelques très rares caractéristiques de l'Administration Française qui font un mal irrémédiable à la France. La crédibilité "intérêt général" des actes mafieux des fonctionnaires est une rigolade et l'autorité morale de l'Etat est impossible à établir tant que dure cette impunité. Cette autorité morale sera pour longtemps difficile à reconquérir, même après cette abolition. Les cicatrices sont ouvertes et profondes.

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oscar 6 octobre 2016 - 10:42 am

Hauts fonctionnaire, mise en cause personnelle
L’impunité de Bercy, bien qu’elle soit politique, n’est autre que ce qu’en soutien ce texte : un abus du pouvoir de hauts fonctionnaires dont, évidemment, le plus responsable du service impliqué lors de chaque abus.
Celui-ci devrait être assigné intuitu personae in solidum avec l’Etat.
C’est aux associations d’agir, quitte en cela d’en partager l’action judiciaire avec un contribuable personne physique (on en trouve…) pour anticiper d’une irrecevabilité éventuelle.

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