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Inflation mondiale : et si on essayait la concurrence?

Résumé de la note The Essence of Inflation

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L’inflation est là. Elle est élevée et risque de se maintenir un certain temps. Ses conséquences économiques, sociétales et politiques sont incertaines. Des responsables politiques et banquiers centraux se sont peut-être réjouis au départ lorsque les prix à la consommation ont commencé à augmenter, au début de l’année 2021. Beaucoup ont affirmé que le phénomène serait temporaire, car lié à des problèmes de chaîne d’approvisionnement mondiale de courte durée. Lorsque la hausse s’est poursuivie, début de 2022, on l’a alors principalement attribuée à la guerre en Ukraine. Ces explications tendent à faire croire que l’inflation s’évanouira  comme par magie lorsque ces causes externes auront disparu, et c’est regrettable. Car elles évacuent les aspects essentiels du problème et font fi des erreurs du passé. Les citoyens ont raison de s’inquiéter : leur pouvoir d’achat va baisser.

Dans un contexte de marché libre, les prix sont déterminés par le fait que l’offre de biens et de services est limitée. En d’autres termes, ils permettent d’évaluer leur degré de rareté Lorsqu’il y a surenchère sur des biens en quantité constante, cela signifie que l’argent est relativement abondant et les biens relativement rares. Par conséquent, leur valeur marchande a tendance à augmenter. Plus généralement, un excès de disponibilités monétaires ne peut avoir que deux causes fondamentales, qui ne s’excluent pas mutuellement : soit la production a chuté et trop peu de biens sont disponibles pour une quantité constante d’argent, soit l’offre monétaire a augmenté quand celle de biens est restée la même. Dans les deux cas, trop d’argent court après trop peu de biens, créant des déséquilibres. C’est le mécanisme même de l’inflation. Les déséquilibres et la perte de pouvoir d’achat qui en découle prennent fin lorsque la hausse des prix élimine les excédents d’argent que les gens veulent dépenser.

Les rouages de l’inflation

Le terme « inflation » est apparu au milieu du XIXe siècle pour définir une expansion de la quantité de papier-monnaie en circulation sans augmentation correspondante des dépôts métalliques qui garantissaient une convertibilité totale. Si les régimes monétaires actuels ne sont pas garantis par des dépôts métalliques, les gens s’attendent à échanger leur monnaie de papier contre des biens et des services. Par conséquent, on peut affirmer que dans les régimes monétaires actuels, les augmentations de la masse monétaire sont inflationnistes si elles ne vont pas de pair avec l’offre de biens et services. Les augmentations de la masse monétaire sont fortement susceptibles d’engendrer des changements  dans les prix des différents biens et services ainsi que dans les revenus  des individus.

Dans la plupart des cas, l’augmentation de la masse monétaire crée des gagnants et des perdants. Elle est liée à un mélange de coercition et de privilèges dépendant du pouvoir politique. Le terme « inflation » peut aussi s’appliquer au crédit  en référence à des situations dans lesquelles les décideurs monétaires augmentent l’offre de fonds disponibles sur ce marché, éventuellement en vue d’orienter le comportement des individus dans le cadre du « cycle économique ». Il convient de noter que ces efforts sont souvent inopportuns et qu’ils interagissent eux aussi avec la sphère politique, ce qui conduit à ce que l’on appelle les « cycles économiques politiques ». En conséquence, et sans surprise, l’action gouvernementale est souvent contre-productive et génère des distorsions qui font que les effets, bons ou mauvais, ne sont pas égaux  pour tous.

Le débat actuel sur l’inflation tend à négliger le mécanisme par lequel la cause (inflation de la monnaie et du crédit) conduit à la conséquence (inflation des prix) et à ignorer le fait que la coercition est généralement à l’origine de tous les épisodes d’inflation (des prix). Toutes les explications que l’on nous donne cachent souvent cette réalité : les épisodes inflationnistes peuvent être, et en fait ont souvent été, délibérément conçus pour créer des gagnants et des perdants.

L’inflation des prix est donc la conséquence de l’inflation monétaire et de la régulation du crédit, qui affecte à son tour la masse monétaire. L’inflation monétaire crée une offre excédentaire de moyens de paiement, à la suite de quoi la monnaie perd une partie de son pouvoir d’achat. Les distorsions et les interventions sur le marché du crédit créent des inefficacités, qui génèrent une baisse de la production par rapport aux moyens de paiement en circulation. Ainsi, l’inflation monétaire et l’inflation du crédit partagent deux caractéristiques qui passent souvent inaperçues. Tout d’abord, l’inflation du crédit nourrit souvent l’inflation monétaire : les inefficacités créées par la première génèrent des crises auxquelles le gouvernement répond en augmentant les dépenses publiques. Au nom de la stabilité, la politique monétaire est assouplie, ce qui entraîne une augmentation de la masse monétaire pour soutenir des dépenses plus élevées. Deuxièmement, les manipulations sur les marchés du crédit et de la monnaie sont souvent des processus par lesquels des acteurs sélectionnés obtiennent des privilèges. Ce sont les citoyens qui finissent par en payer le prix.

Améliorer la prise de décision monétaire par la concurrence

Injecter de l’argent frais, réglementer le crédit et le secteur bancaire, c’est tentant pour les décideurs politiques et certains groupes d’intérêt. Par exemple, les entreprises orientées vers l’exportation accueillent favorablement la prodigalité monétaire, car elle conduit à un taux de change plus faible. Et peu importe que la hausse des prix intérieurs annule ensuite l’avantage du taux de change à court terme. Le secteur financier aime beaucoup aussi les réglementations, barrières puissantes à l’entrée de concurrents potentiels. Enfin, l’augmentation des dépenses publiques donne aux hommes politiques une plus grande marge de manœuvre pour satisfaire des intérêts particuliers, surtout à l’approche d’élections ou de crises politiques qui souvent élargissent l’éventail des bénéficiaires potentiels.

Les sciences économiques ont consacré une attention considérable à l’élaboration de règles efficaces qui renforceraient la stabilité monétaire. Elles sont quatre, qui présentent toutes des lacunes théoriques et empiriques : la convertibilité de l’unité monétaire en un métal, l’ancrage du taux de change à une autre monnaie, l’indépendance des banques centrales, la concurrence des monnaies. Malheureusement, ces règles dépendent des politiques et rien ne peut les garantir. En revanche, dans le monde moderne, l’omniprésence du numérique et l’essor des crypto-monnaies pourraient bien  être des signes avant-coureur de la liberté bancaire et de la concurrence entre les monnaies. Aujourd’hui, les banquiers centraux et les décideurs politiques tentent d’écarter les concurrents potentiels et de s’en tenir à la monnaie fiduciaire centralisée, d’où leur déclaration de guerre aux crypto-monnaies.

Pour combattre durablement l’inflation, pour freiner la manipulation monétaire, il faut trouver des solutions autres. Ainsi, nous proposons d’établir un marché concurrentiel pour une bonne politique monétaire. La manipulation de la monnaie résulte de l’action d’individus – c’est-à-dire les banquiers centraux et des politiciens. Actuellement, les banquiers centraux ne peuvent être que des individus, les entreprises n’étant pas autorisées à jouer un rôle dans ces sommets.  Cela réduit la concurrence entre les décideurs monétaires potentiels. Faire confiance à des sociétés plutôt qu’à des individus peut présenter des avantages, car on en sait beaucoup moins sur les capacités et les objectifs des seconds que sur l’état réel des premières. De plus, c’est leur réputation à long terme que mettent en jeu les entreprises : elles ont tout intérêt à réaliser de bonnes performances  et à se conformer aux règles fixées pour une banque centrale indépendante. De bons résultats – c’est-à-dire garantir de la stabilité monétaire – renforcent leur réputation, les rendent moins vulnérables aux groupes d’intérêt organisés et améliorent leur position en tant que candidats à de futurs postes de banque centrale . Bien entendu les politiciens peuvent être de connivence avec des banquiers centraux individuels comme avec des entreprises, mais le risque est plus grand avec ces dernières, qui doivent préserver leur crédibilité à plus long terme.

Il est certain qu’un marché concurrentiel pour une bonne politique monétaire ne résout pas tous les problèmes. Les décideurs politiques essaieront toujours d’intervenir parce que la politique monétaire est un puissant levier d’ajustement pour favoriser certains plus que d’autres. Mais une fois établi, un marché sain est relativement à l’abri des interférences. En outre, même si les décideurs politiques en retiraient leur pays et imposaient de nouvelles réglementations, c’est-à-dire s’ils choisissaient des banquiers centraux plus orientés politiquement, ce changement n’entraînerait pas les grands chocs que provoquerait un abandon soudain de la convertibilité fixe ou l’introduction d’une monnaie parallèle dans une union monétaire. La concurrence actuelle entre les monnaies serait complétée par une concurrence sur le marché de la bonne politique monétaire, et rendrait moins probables les périodes d’inflation excessive.

Conclusion

Injecter de l’argent frais pour contrer la perte de pouvoir d’achat est inutile et nuisible. Inutile car on ne peut pas créer de la richesse en imprimant de l’argent papier ou numérique, et nuisible car la politique monétaire est source de distorsions. L’histoire montre que les responsables politiques s’abstiennent rarement de manipuler les marchés du crédit et de la monnaie. Ils ont recours à un crédit facile pour renflouer des banques commerciales surexposées et maintenir un niveau insoutenable d’endettement public, tout cela dans leur intérêt à court terme. L’histoire montre également qu’ils résistent  difficilement à la tentation de recourir à des politiques inflationnistes pour faire passer les pilules trop amères, obtenir un consensus et satisfaire les groupes d’intérêt organisés. Les crises internationales deviennent souvent des excuses bienvenues pour détourner leur responsabilité des erreurs qu’ils ont commises.

Diverses tentatives pour introduire des règles institutionnelles afin de  limiter les abus ont déjà échoué. À l’avenir, les crypto-monnaies décentralisées pourraient rendre obsolètes les banques centrales et la manipulation monétaire, mais il est probable que les décideurs politiques réglementeront fortement leur utilisation. Une bonne chose à notre avis serait de permettre à des entreprises d’accéder au poste de banquier central. Il en résulterait certainement plus de stabilité, plus de responsabilité et moins de collusions diverses. IL ne s’agit pas, nous en sommes conscient, d’une baguette magique. Seulement d’une forte possibilité d’améliorer la situation, ce qui s’impose de toute urgence.

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5 commentaires

Thoma 17 août 2022 - 6:33

Avec l’inflation l’état encaisse plus de TVA. Quel intérêt pour l’état de faire baisser cette l’inflation ? Mais à force d’être pris pour des cons sommes nous pas vraiment devenus des cons.

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Jacques Peter 17 août 2022 - 9:37

Oui, l’inflation est dûe à une politique monétaire: la hausse de la masse monétaire et donc la dépréciation de la monnaie. La conséquence de la dépréciation de la monnaie est la hausse des prix. Cette dépréciation favorise les débiteurs (d’où l’engouement du gouvernement pour l’infation) et pénalise les épargnants.

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PhB 17 août 2022 - 10:47

Effectivement
Effectivement, c’est pas faux votre présentation
MAIS
Pour faire baisser l’inflation dans sa globalité, il faut faire baisser les prix (c’est une Lapalissade).
Baisser la demande fera augmenter l’offre par effet de balance.
Si chacun « réussi » juste à réduire sa demande de 10% dans tous les domaines (certains comme le loyer sont incompressibles), ça tendra à juguler les prix.
Le problème de fond pour les énergies, ce sont les industriels, les plus gros consommateurs, qui sont le mieux placés, les particuliers juste des victimes collatérales.
Bref: TOUT LE MONDE SE SERRE LA CEINTURE! déjà pendant un mois ou deux. Les stocks devenant trop abondants, les fournisseurs réduiront leurs prix.
C’est faisable, même pour les plus pauvres (qui eux n’auront qu’un impact faible sur le dispositif).
C’est surtout ceux en haut de l’échelle qui doivent agir en PREMIER! Mais beaucoup étant des nantis, ils en ont rien à faire de l’augmentation des prix.
Moralité: Industriels et Nantis, Agissez en premier
PhB (qui fait aussi partie des nantis)

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Obeguyx 17 août 2022 - 9:31

L’inflation n’est pas élevée, c’est faux, c’est un mensonge. Une inflation forte voisine autour des 15 %. J’ai connu une période qui est montée à 17 % en France. Alors pousser des cris d’orfraie et imaginer le pire alors que nous sommes dans une espèce de normalité est un peu honteux. Cette inflation naissante est notamment due aux errements des politiques occidentales et au manque de clairvoyance. On sait depuis plus de 10 ans que cela devait arriver. Pas besoins d’experts à la mors moi le noe… pour le découvrir. Un réajustement va s’opérer et il va y avoir des perdants et quelques gagnants. Ou alors tout se passera comme certaines crises créées de toute pièce pour assouvir ou masquer les inconséquences de divers dirigeants publics et privés.

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PhB 23 août 2022 - 7:58

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Je rajoute ce commentaire pour faire apparaître tous les autres dont le mien posté le 17 août
Merci de corriger ce problème, déjà signalé pour un autre article
PhB

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