On n’attendait rien du discours de politique générale de François Bayrou prononcé le 14 janvier. On n’a pas été déçu.
Selon Le Figaro, François Bayrou aimait à répéter en privé que son discours de politique générale était « dans (sa) tête depuis 2007 ». A l’entendre à la tribune de l’Assemblée le 14 janvier, son discours a effectivement semblé figé dans le temps, pour ne pas dire fossilisé. On pense à la saillie de Pierre Mazeaud sur le discours de politique générale d’Edith Cresson en 1991, qui avait « inventé une nouvelle figure géométrique : le discours plat, creux et vide »…
Préserver le modèle social français
« Quand tout paraît aller mal, on est contraint au courage », a commencé François Bayrou. La suite de son discours ne l’a malheureusement pas, pour l’essentiel, confirmé. Certes, il a bien commencé en parlant du principal « sujet d’inquiétude » : « le surendettement de notre pays ». Mais il aussitôt fait du Bayrou, proche d’Emmanuel Macron sur ce point : un pas en avant, deux en arrière. Il a accusé tous les partis de gouvernement et toutes les oppositions d’être responsables de la dette abyssale, mais en ajoutant qu’il ne s’agissait « pas d’un motif d’accusation ». Il a poursuivi en parlant d’une « épée de Damoclès au-dessus de notre pays et de notre modèle social ». Le ton était donc donné : sans surprise, il faut préserver notre modèle social, qui est pourtant la cause de nos maux. Toute l’ambiguïté et toutes les contradictions de l’extrémiste du centre Bayrou se trouvaient déjà mises en exergue, si bien que cela aurait pu nous dispenser d’écouter la suite de son long, très long discours d’une heure et demie…
Russie, Chine, Etats-Unis : même combat
François Bayrou a peu parlé de politique internationale, domaine avant tout présidentiel, mais il a ensuite justement fait part de ses inquiétudes s’agissant de la Russie et de la guerre en Ukraine, puis de la Chine et de sa politique commerciale agressive. Il a aussitôt mis sur le même plan les Etats-Unis d’Elon Musk et de Donald Trump (un peu d’anti-américanisme ne fait pas de mal), avant de marquer son soutien au rapport Draghi d’après lequel des centaines de milliards d’euros doivent être investis sur fonds publics.
La méthode du gouvernement
François Bayrou a indiqué qu’il donnerait une « feuille de route » à chacun de ses ministres et que celle-ci serait communiquée non seulement aux commissions économiques du Parlement, mais encore au Conseil économique et social et ce, parce que la « société civile organisée (sic) » devait avoir voix au chapitre. Or, l’Iref réclame depuis longtemps la suppression du CESE, organe inutile qui ne représente pas la société civile.
Sans surprise, le Premier ministre a témoigné sa confiance envers les « partenaires sociaux », qui, rappelons-le, comprennent des syndicats nationaux de salariés opposés pour la plupart à toute réforme. Il s’agit de la vieille lune de la « démocratie sociale », responsable entre autres du déclassement de notre pays.
Des propositions vagues, une absence de solutions
François Bayrou a égrené les différents chapitres de sa politique générale avec un conformisme de tous les instants :
- La réforme des retraites ? « Vitale pour notre modèle social ». Aussi le Premier ministre a-t-il livré sa méthode : « remettre le sujet en chantier avec les partenaires sociaux », demander à la Cour des comptes de donner les chiffres (comme si on ne les connaissait pas depuis longtemps !) avec un « mission flash », « conclave » de trois mois entre partenaires sociaux, enfin saisine du Parlement. Ce sont donc les « partenaires sociaux » qui vont réfléchir à une « voie de réforme nouvelle sans totem, ni tabou ». Il va de si que François Bayrou n’a pas prononcé l’expression « système de retraites par capitalisation ».
- Le budget ? Le Premier ministre a parlé d’une « orientation vers un retour à l’équilibre pluriannuel » avec confirmation d’un objectif de déficit à 3 % du PIB en 2029. Donc, pas d’équilibre budgétaire, pas de réduction drastique des dépenses de l’État au profit d’un très vague « effort de l’État » et d’un tout aussi flou « puissant mouvement de réforme de l’action publique ». François Bayrou a tout de même cité les « 1.000 agences, organes ou opérateurs exerçant l’action publique » dont l’utilité devait être discutée, mais il a tout de suite qualifié France Travail d’utile… Il a annoncé la mise en place d’un « fonds spécial dédié à la réforme de l’État » gagé par la vente d’actifs immobiliers et destiné non pas à réduire le déficit, mais à « investir dans le déploiement de l’Intelligence artificielle ». Plutôt que de critiquer Elon Musk, il aurait été mieux avisé de s’inspirer de lui.
- L’audiovisuel public ? « Bien commun des Français ».
- La bureaucratie ? « Trop lourde ». François Bayrou a ni plus ni moins appelé à l’adoption rapide du projet de loi, pourtant peu ambitieux, relatif à la simplification de la vie économique.
- La planification ? Chère au cœur du Premier ministre. « L’esprit du plan » doit se trouver dans tous les ministères. La planification concerne tout particulièrement la « transition écologique » et l’Education nationale. Evidemment pas un mot sur les écoles privées et le chèque-éducation.
- La culture ? « La politique culturelle est une politique sociale » ; « La défense du Beau est un devoir d’État ». Etatisme, quand tu nous tiens…
- La « méthode de production », l’innovation, l’industrie ? Il faut « définir des politiques de filières, produit par produit, autour d’un enjeu de production », en réunissant les entreprises, l’Etat et les collectivités locales. Un projet industriel vaporeux et délirant sous tutelle des pouvoirs publics, qui fleure bon le gaullisme social, pour ne pas dire l’économie de guerre sous le premier conflit mondial !
- L’aide publique au développement ? Même si François Bayrou a eu des mots fermes et justes contre l’immigration subie, avec un clin d’œil appuyé non seulement à Bruno Retailleau mais aussi, risque de censure oblige, au Rassemblement national, il a appelé à « mieux user de notre aide au développement en retrouvant en 2026 une aide dynamique » !
Des dépenses non financées
Vers la fin de son discours, François Bayrou a multiplié des annonces de projets, toujours aussi brumeuses, mais qui engageraient manifestement des finances publiques dont on avait pourtant cru comprendre qu’elles méritaient un redressement rapide ! Le naturel est donc revenu au galop : absence de reprise du projet de « déremboursement des médicaments », confirmation du « remboursement intégral des fauteuils roulants dès 2025 », « construction de 15.000 logements par an », etc.
De mauvais projets également en matière institutionnelle
En matière institutionnelle, il n’y a eu aucune surprise :
- François Bayrou a marqué son attachement au « principe proportionnel » pour les élections législatives, mais en écartant la représentation proportionnelle intégrale au profit d’un mode de scrutin « enraciné dans les territoires ». Il n’a cependant pas donné la marche à suivre pour mettre en œuvre ce projet dont nous avons déjà dit tout le mal que nous pensions.
- Il a appelé au cumul, controversé, des mandats au plan national et local.
- Il a défendu son vieux projet de « banque de la démocratie », avec un financement public, sous le contrôle du Parlement, non seulement des partis politiques, mais aussi des syndicats. Il s’agit « d’échapper à la contrainte de la vie politique tenue par l’argent », un argent qui, là encore avec des accents de gaullisme social, « ne doit pas diriger les consciences et prendre le pas sur la liberté des citoyens ». L’argent est donc mauvais, sauf lorsqu’il est public (mais pris par définition au contribuable…) !
Voilà donc la « promesse républicaine » dévoilée par François Bayrou, la « promesse française » avec une « France qui ne s’en remet pas à la seule loi du marché ». Le Premier ministre, et ceci n’est pas anodin, a cité deux fois le projet d’Emmanuel Macron de 2017. Le projet Bayrou, c’est donc en partie celui des promesses non tenues par Emmanuel Macron.
15 commentaires
Ouf !
À vous lire, je n’ai aucun regret de n’avoir pas écouté une seule fraction de seconde ce qui a dû encombrer tous les écrans des diverses chaînes ” d’information ”
nous étions plusieurs à savourer une galette des rois, et sa digestion en a certainement été facilitée…
Mais quel autre discours peut-on entendre dans un pays qui n’est plus maître de ses décisions puisqu’elles sont dictées par Bruxelles ?
F.Bayrou est passé maître dans l’art de parler sans rien dire.Pour bien comprendre avec humour,je vous invite à regarder le sketch de Raymond Devos;”parler pour ne rien dire” moins de 3 minutes,hilarant et d’actualité.
a part les bla bla rien n’avance !!!!!! quelle tristesse !!!
Il est bien dommage que Bayrou ait muri ce discours depuis 2007 , il aurait pu s’occuper à quelque chose de constructif ! En tout cas , bravo à lui puisqu’il semble avoir déjà prévu en 2007 l’état lamentable des finances publiques.
Comment faut il interpréter son soutien inconditionnel à Macron ? Et à sa politique de dépense aussi ? En d’autres termes il n’est que l’image du déclin qui est le notre .
On n’est quand même passé de FLOU ++++ à FLOU +++ !
D’un autre côté, s’il avait laissé poindre le moindre soupçon de libéralisme même sur un point de détail il se serait fait censurer à 60% au moins. Face à un parlement fidèle image d’un peuple profondément avachi par 44 ans de socialisme, un premier ministre ne peut plus être rien d’autre qu’une potiche. Il ne pourrait que jouer la montre avant de refiler la patate chaude à son successeur.
Tout à fait ‘accord avec cet article. Le passage à un déficit de 3% du PIB prévu en 2029 ne l’engage pas trop puisqu’il ne sera plus premier ministre à cette date. Bref, un long discours plat et ennuyeux, sans perspectives.
le FLOU de Bayrou était indispensable dans le contexte actuel de l’AN
moins on en dit moins on est critiquable
il a donc bien fait ;
d’ailleurs tout devra être négocié pendant les prochaines semaines jusqu’a quand ?, jusqu’aux prochaines élections !
quoiqu’il arrive le moment clef sera quand marine Le pen décidera SEULE ( pour des raisons qui lui sont propre ! d’appuyer sur le bouton du rejet du gouvernement (censure)
a suivre
Lecteur régulier de l’IREF, j’ai écouté d’un bout à l’autre le discours de M. Bayrou, avec le même parti pris que vous : j’étais sûr qu’il ne pouvait rien y avoir de bon.
Eh bien, contrairement à vous, et même si je suis bien d’accord avec le compte rendu que vous en faites, j’y ai trouvé une bonne chose : en cette période de grande instabilité politique, et devant le spectacle encore une fois lamentable donné par les “députés” des extrêmes, M. Bayrou a su faire de la politique : parler sans rien dire, en donner à chacun pour ce qu’il aime entendre, et, je l’espère, éviter une nouvelle censure qui ajouterait au chaos actuel.
Donc, à défaut d’avoir annoncé un grand soir libéral, il a fait preuve d’une certaine habileté pour contenir (pendant combien de temps ?) les envies de révolution de LFI et du RN.
Il reste maintenant à voir les mesures concrètes, car nous savons bien qu’il n’y a personne de moins crédible qu’un politique, surtout madré ey blanchi sous le harnais comme M. Bayrou.
SUIVANT !!!
Moi qui ai un certain âge, voire, un âge certain… je ne suis pas étonné que monsieur Bayrou ait fait du pur “bayrou”. Il est comme ça depuis toujours, et c’est même peut-être pour “ça” que Manu de l’Elysée l’a capturé (même si ça a été un peu contraint et forcé…)
Et il n’inventera rien de plus que de se débrouiller à égaler, ou dépasser, le temps passé par son prédécesseur Barnier… il n’y a que ça qui lui importe…
Bayrou a été 4 ans ministre de l’éducation nationale , il y a 30 ans. Mais je me souviens qu’il n’a strictement rien fait, rien. Alors que le système commençait à aller très mal. Et que des réformes, en particulier celle de l’Orientation, étaient vitales. Il a laissé la dégradation continuer, et permis à 1 flot de purs analphabètes ( 30 % des effectifs ) d’entrer au lycée général . On atteint le fond en ce moment , la honte ….
*** Les réformes structurelles sont connues : l’ Education Nationale , le Supérieur avec sa flopée de filières inutiles , les 7 niveaux bureaucratiques , les 40 000 collectivités locales , 40 000 super fromages, au lieu de 5 000 dans le reste de l’Europe , les gaspillages à grande échelle , les systèmes étatiques non gérés , les faux ” investissements ” des collectivités locales qui ne sont que sources de …… déficits !!! , etc ….etc ….etc
*** ce n’est pas en cherchant avec 1 loupe 2 ou 3 milliards , quand le déficit global est de 200 milliards , qu’on règle les problèmes .
Il n’y a rien à attendre.
Mais la ” goche” française , ces infantiles de 14 ans d’âge mental, est encore 3 fois pire .
Comme par hasard le Premier ministre a cité France travail d’utile alors que son prédécesseur dans son projet de budget sauf erreur sur le nombre voulait à juste raison réduire le nombre des fonctionnaires dédiés à cet organisme, ce machin aurait le général de Gaule, de 2500.
Manifestement ces 2500 sont montés en première ligne pour sauver leurs emplois qui ne servent à rien sauf à faire perdre du temps aux employeurs
En fait aucune économie sérieuse n’est envisagée
Voilà un discours qui a fait bien rire les chevaux de son élevage : ils ont bien reconnu leur maître Jocrisse.