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Comment Bruno Le Maire appauvrit les Français

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Nous savons que le virus de l’interventionnisme frappe la France aussi lourdement que le coronavirus. Une nouvelle preuve de cette épidémie, elle aussi sournoise et silencieuse, se trouve dans les propos récents du ministre de l’Economie.

Tout a commencé avec Muriel Pénicaud, ministre du Travail, qui a annoncé que l’État allait demander aux entreprises dont il est actionnaire de ne pas verser de dividendes cette année. Bruno Le Maire a pris le relais quelques heures plus tard en appelant « les entreprises, et notamment les grandes entreprises à avoir le sens des responsabilités et faire preuve de justice ».

Les actionnaires, victimes de la crise

Le gouvernement ne dispose guère de moyens légaux pour empêcher les entreprises de rémunérer leurs actionnaires. En revanche, il va considérer que les entreprises qui versent des dividendes cette année sont en bonne santé et que, par conséquent, elles ne pourront pas prétendre aux aides de l’État. Bruno Le Maire se fait fort de leur refuser toute demande de report d’impôt et de cotisations sociales, ainsi que de prêt garanti par l’État. A celles qui ne suivraient pas les consignes, l’État demandera le remboursement des aides avec intérêt. Pour les entreprises qui ont recours au chômage partiel, l’exigence est moins forte : le gouvernement recommande « la plus grande modération ». Mais, pour l’instant, il n’est pas question de remboursement. « Soyez exemplaires, a exhorté Bruno Le Maire. Si vous utilisez le chômage partiel, ne versez pas de dividendes ».

Le gouvernement cède donc en partie aux syndicats de salariés qui réclamaient que le « versement des dividendes et le rachat d’actions soient immédiatement suspendus et encadrés à moyen terme ». Mais les organisations syndicales maintiennent la pression pour qu’il aille plus loin en prenant des mesures d’interdiction. La CGT réclame même que les dividendes soient interdits aux entreprises qui ont recours au chômage partiel.

Le patronat a approuvé ces mesures. Alain Griset, le président de l’U2P a déclaré au Figaro que « cette question des dividendes fait l’unanimité, y compris au Medef, pour dire que c’est de l’indécence ».

La Banque centrale européenne (BCE) a également demandé aux banques de la zone euro de s’abstenir de verser des dividendes, « au moins jusqu’en octobre 2020 ». Pour la BCE, cette mesure devrait améliorer la capacité des banques « à absorber des pertes et à soutenir l’activité de prêt », notamment aux ménages.

La BCE semble oublier que les actionnaires ne sont pas forcément des gros capitalistes fumant le cigare comme les caricaturent encore trop souvent les manuels d’économie des lycées.

Triple peine pour les salariés

Des titulaires d’assurance-vie, de PEA, de comptes-titres pourraient ainsi se trouver lourdement pénalisés en devant faire face à une perte de revenus. Des revenus qui peuvent être essentiels pour compléter sa retraite par exemple. Et ce alors que les bourses mondiales se sont effondrées. Le Cac 40 a perdu plus de 30 % depuis la mi-février, et la chute a même été de près de 40 % à la mi-mars au début du confinement en France.

Rappelons que le gouvernement a pris récemment des mesures – notamment dans la loi Pacte – pour favoriser l’investissement en actions. Il a également fait voter des dispositions en faveur de l’épargne salariale et l’orienter vers les valeurs mobilières.

Bref, les actionnaires subissent une double peine avec la perte des dividendes qui vient s’ajouter à la perte en capital. Et pour les salariés actionnaires, peut venir d’ajouter la perte de salaire s’ils sont concernés par le chômage partiel.

Tout est donc fait par le gouvernement pour décourager l’investissement dans les entreprises, alors même que ces dernières auront peut-être besoin de capitaux au sortir de la crise.

Sans compter que le non versement des dividendes va priver l’État des impôts qu’il prélève sur ceux-ci. Pour l’année 2018, la « flat tax » a rapporté 3,5 milliards d’euros au budget de l’État et presque 5 milliards à celui de la Sécurité sociale. Un argent qui ne peut que manquer cruellement au moment où les dépenses s’envolent !

Une méconnaissance crasse de l’entreprise

Toutes ces déclarations, et les mesures qui malheureusement les accompagnent, trahissent une méconnaissance totale du fonctionnement des entreprises et du système capitaliste en général.

Cette inculture n’est pas seulement le fait des marxistes ou, plus largement, de la gauche. Car si l’on entend régulièrement les partisans de Jean-Luc Mélenchon affirmer que le versement des dividendes se fait « sur le dos des salariés », on se souvient aussi que Nicolas Sarkozy souhaitait que le profit soit partagé en trois parts égales : un tiers pour les actionnaires, un tiers pour les salariés et un tiers réinvesti dans l’entreprise.

Cette vision d’une spoliation des salariés par des actionnaires qui se serviraient sur leur dos en prenant la plus grande part de la richesse créée est complètement erronée. Une entreprise qui vend des marchandises, par exemple, doit avec le produit de ses ventes payer ses fournisseurs, ses salariés, les intérêts de ses emprunts, ses impôts et taxes, et enfin s’il reste de l’argent, ses actionnaires. Ces derniers sont servis en dernier, si l’entreprise a été profitable. Les actionnaires – qu’on pourrait tout aussi bien appeler les capitalistes – sont les parties prenantes qui supportent le plus grand risque, y compris celui de tout perdre si l’entreprise fait faillite.

Comme le dit très bien Pascal Salin :

« Il n’y a pas de profit à partager, car, par nature, le profit ne se partage pas. Prétendre qu’il faut partager le profit n’a pas plus de sens que de dire qu’il faut partager les salaires ou partager les intérêts ! Il y a en effet un partage, prévu à l’avance, de la valeur ajoutée créée par l’entreprise, entre une part certaine et une part incertaine. Ce partage a été accepté à l’avance par les salariés à qui l’on a promis un salaire – dont les efforts sont donc bien récompensés ainsi – et par les prêteurs à qui l’on a promis un intérêt ».

C’est aux actionnaires de décider

La charge de Bruno Le Maire est un mauvais coup porté contre les actionnaires certes, y compris les plus modestes, mais plus encore contre l’économie en général.

Il aurait été plus intelligent de laisser d’abord les conseils d’administration proposer la distribution ou non de dividendes, puis à l’assemblée générale des actionnaires d’approuver ou non la résolution présentée. Ensuite, en cas de distribution, chaque actionnaire aurait eu à décider, en son âme et conscience, de l’utilisation de ses dividendes.

Certains auraient choisi de conserver ces revenus car ils leur sont essentiels pour vivre correctement. D’autres auraient sans doute réinvestis la somme en Bourse et ainsi soutenu l’économie. D’autres encore auraient pu choisir de faire un don, par exemple à la Fondation de l’AP-HP pour la recherche qui a créé un fonds d’urgence pour aider les personnels hospitaliers et faire avancer la recherche sur le coronavirus… et tenter ainsi de remédier à l’impéritie de l’État français.

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3 commentaires

Guy MERMET 7 avril 2020 - 9:00

il y a du pour et du contre
Je suis à 80% avec votre article, sauf que vous oubliez que la situation est inédite. Le gouvernement a le devoir de maintenir la nation soudée en temps de crise d'où ce discours.
Par contre, je lis depuis des années vos articles et vos travaux qui sont de bonnes qualités, mais malheureusement cela ne fait pas avancé beaucoup le chmiblic…….
Nous devons penser à la reprise et aux forces négatives qui vont empêcher les entreprises de redémarrer dans de bonne conditions. Ce sont les syndicats. C'est peut-être le temps de redistribuer les cartes. Si j'ai bien compris les syndicats sont financés grosso modo à 1/3 par le patronat, 1/3 par l'état nos impôts et 1/3 par leurs adhérents. Comme on va devoir faire beaucoup d'économie, il serait normale que le gouvernement renonce à financer les syndicats. Le Patronats devrait faire pareil car il aura moins de revenu. Les syndicats dans ce pays doivent être financés par leurs adhérents, un point c'est tout.
Je n'ai pas vu de votre part beaucoup d'article dans ce sens. Merci

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HUBIN Jean -Philippe 7 avril 2020 - 11:30

Le profit c’est la variable d’ajustement automatique
P. Salin a raison , le profit c’est le nom donné à la rémunération des actionnaires comme le salaire est le nom de la rémunération des salariés et l'interêt le nom de la rémunération des prêteurs , Salaires et intérêts sont fixés ex ante Avant la production , c’est un gros avantage pour eux ; ils savent à quoi s’en tenir ! Le profit est fixé ex post après la production et par habitude une fois par an on arrête les compteurs pour compter le profit . Le profit est donc aléatoire Et c’est la variable d’ajustement des comptes .
Si Les comptes arrêtés à fin 2.019 font apparaitre un Profit il appartient aux actionnaires après paiement des impôts sur ce profit Et rétrocession partielle si les actionnaires souhaitent intéresser les salariés au profit .Les salariés , les prêteurs ,
ont eu leur dus .Les actionnaires doivent avoir le leur .
Si ils souhaitent le distribuer , c’est à dire l’appréhender ,Pour le consommer ou le réinvestir dans une autre entreprise ils peuvent , si ils souhaitent le réinvestir dans l’entreprise meme qui a été profitable c’est possible Et ils ne distribuent pas , tant pis pour l’Etat qui y perdra l’impôt sur les PP actionnaires ; dans
tous les cas c’est à eux et c’est une décision souveraine M.Le
ministre n’a pas en s’en occuper !
Or en France il n’y a pas assez ni d’actionnaires français , ni d’entrepreneurs français , M.le Ministre qui écoute ses services , comme le ministre de la santé écoute les siens , c’est à dire bien trop ! Continue ainsi à décourager les entreprenants qui nous manquent tant . C’est du moins ce qu’il disait quand il briguait le poste suprême !

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Todd 7 avril 2020 - 4:51

Bruno Le Maire
Cette décision de Bruno Le Maire n'a rien d'étonnant quand on sait que ce néo-marxiste s'en prend comme à l'accoutumée au capitalisme dès que la situation s'y prête et il n'en est pas à son coup d'essai. A-t-il d'ailleurs jamais été de droite, lui, le traite à son camp ?

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