La planète glousse de joie à l’annonce du fondateur de Patagonia, Yvon Chouinard, fabricant de vêtements de sport, qui, à 83 ans, se propose de lui céder son entreprise. Celui-ci dit déjà que la Terre est maintenant le seul actionnaire de Patagonia : « Earth is now our only shareholder. » Un beau projet pour ce petit artisan passionné de nature qui a créé une grande entreprise, la première à devenir une « B corp », une entreprise à mission, en Californie. Il aurait pu la léguer à ses deux enfants et il préfère la donner pour une cause philanthropique.
C’est la grandeur du capitalisme qu’il permet ça aussi. Sauf que la Terre n’a pas de personnalité, ni juridique ni morale. M. Chouinard a donc transféré ses actions à un organisme sans but lucratif, Holdfast Collective, qui recevra les dividendes de Patagonia pour financer des actions afin de protéger la nature et la diversité tandis que les droits de vote sont logés dans une autre entité, le Patagonia Purpose Trust, une fiducie qui assurera la direction de l’entreprise et décidera de ses distributions.
Cette idée que nous devons agir pour la planète représente une régression humaine, un retour au panthéisme
Patagonia se fait surtout une belle publicité. Au demeurant, cette pratique est courante. Au Danemark, 1359 entreprises sont la propriété de fondations représentant près de 10% de la richesse nationale, un cinquième de l’emploi privé et 54% de la capitalisation boursière. Les entreprises Bosch et Bertelsmann et 500 autres entreprises allemandes appartiennent à des fondations, 1 000 entreprises en Norvège, comme encore IKEA en Suède ou Pierre Fabre en France.
Mais la décision de verser des dons pour la planète est plutôt nouvelle. Et d’une manière générale, cette idée que nous devons agir pour la planète représente une régression humaine, un retour au panthéisme que Tocqueville dénonçait déjà chez les peuples démocratiques dans le tome II de son ouvrage De la démocratie en Amérique, chapitre VII. Plus les conditions s’égalisent écrivait-il, plus chaque homme devient plus semblable à tous les autres, plus on oublie l’individu pour ne considérer que le peuple, « pour ne songer qu’à l’espèce ». L’idée de l’unité obsède alors l’esprit humain et « non seulement il en vient à ne découvrir dans le monde qu’une création et un créateur […, mais] il cherche volontiers à grandir et à simplifier sa pensée en renfermant Dieu et l’univers dans un seul tout ». Ainsi écrit-t-il, « parmi les différents systèmes, […] le panthéisme me paraît l’un des plus propres à séduire l’esprit humain dans les siècles démocratiques ». Nous y sommes.
Le dieu Planète
Nos contemporains qui ont perdu tout rapport à un dieu quelconque le retrouvent dans le dieu Planète. Le panthéisme confond Dieu et la nature, en fait une force unique et toute puissante. Les idéologues qui ne manquent pas d’être inquiétés par l’idée de Dieu tout en le rejetant trouvent un dieu de substitution dans la nature. Et ainsi, ils dissolvent plus aisément l’individu dans la collectivité. Ce qui répond tout à la fois à leur besoin de penser l’universel et de détruire l’individualité humaine. Tocqueville le soulignait déjà en observant « qu’un pareil système, quoiqu’il détruise l’individualité humaine, ou plutôt parce qu’il la détruit, aura des charmes secrets pour les hommes qui vivent dans la démocratie ». Il concluait que « c’est contre lui [ce système] que tous ceux qui restent épris de la véritable grandeur de l’homme doivent se réunir et combattre ».
Paradoxalement, les adorateurs de la planète s’y soumettent en même temps qu’ils disent vouloir agir pour elle. Mais ils se préoccupent plus de la Terre que des hommes qui y vivent. Ils ne discutent même plus la question de savoir quelle est la cause du changement de climat. Ils croient, comme à un dogme papal, qu’elle est anthropique. Ils ne veulent même pas imaginer qu’elle pourrait être due aux variations naturelles et périodiques que la Terre a toujours connues, car le reconnaître remettrait en cause leur idéologie qui utilise le climat pour assujettir les hommes à un quelconque Big Brother, pour les égaliser, les réduire à de simples animaux sociaux. Ils veulent lutter contre le réchauffement, mais ils s’abandonnent au destin qui voudrait que la seule solution soit d’abaisser notre train de vie et notre consommation, comme un retour vers des vies antérieures. En oubliant que le monde d’avant était beaucoup plus pauvre. Ils succombent ainsi à une triple erreur intellectuelle, morale et économique.
Ainsi, s’il peut être vertueux de donner son entreprise, il est futile et dangereux de la donner au dieu Planète.
7 commentaires
Ces soi-disant sauveteurs de planète ne s’intéressent à rien d’autre qu’au pouvoir. Croyez-vous – croyons-nous sincèrement un seul instant que tout ce foin autour d’un hypothétique réchauffement climatique (hypothétique càd. qui reste à prouver) a réellement pour objectif de sauver par exemple la faune arctique ? Non, bien sûr. Vont-ils apprendre à nager aux ours blancs? Vont-ils éteindre le soleil ou sècher l’eau ? Ce n’est rien d’autre que l’envie de pouvoir, un pouvoir totalitaire qui contrôlera tous les besoins ainsi que toutes les autres actions humaines et donc politiques, économiques, sociales et religieuses, au nom de la nature, de l’égalité, de la justice sociale, du bien commun et d’autres vagues foutaises qu’ils sont eux-mêmes bien incapables de définir clairement, d’où le développement de la novlangue pour suppléer au vide de leur pensée plus qu’incohérente. Tout ceci va bien au-delà du marxisme de papa. C’est plutôt bien joué, il faut le reconnaître quand même. La gauche que l’on croyait moribonde a encore bien des ressources après avoir infiltré les esprits à travers l’enseignement, les media, la justice et le politiquement correct qui n’est autre qu’un terrorisme intellectuel. Car nous avons déjà gagné sur le plan des idées, ce qui leur est inacceptable, d’où le terrorisme intellectuel face à la moindre contradiction. Votre action à travers ce blog est donc salutaire. Continuez !
Les ours polaires n’ont pas besoin d’apprendre à nager, ils l’ont toujours fait pour manger phoques ou poissons, ils vont jusqu’a 100 kilomètres en pleine mer. A noter que contrairement à ce qui est diffusé, depuis 40 ans leur nombre est en expansion, passant de 25 000 à 40 000 aujourd’hui. On nous ment…
Votre article est bien écrit, les mots de Tocqueville sont assez justes concernant le fonctionnement de la société humaine et de l’individu, mais il faut rester mesuré dans la perception des choses. Sans aborder la réalité ni la fonction de « Dieu » dans la société humaine, l’être humain a besoin d’une Apex pour se motiver et faire de grandes choses. La protection de la Terre apparaît aujourd’hui comme cette Apex. Il est difficile de critiquer aussi sévèrement cette attitude car, à l’inverse, il faudrait critiquer encore plus durement la destruction systématique de cette même Terre au nom du dieu « Fric »! Depuis 50 ans, je constate tous les jours le massacre qui est fait de notre belle Terre Mère uniquement pour en exploiter au MAXIMUM les richesses qu’elle renferme et ce, sans se soucier des générations futures (ce qui, soit dit en passant, est en opposition avec la pensée dominante d’autrefois même si cela reste à nuancer). D’ailleurs, il ne faut pas s’y tromper, si certains veulent protéger la Terre parce qu’ils veulent en prendre soin et parce qu’ils l’aiment, beaucoup soutiennent ces actions en raison de la peur des cataclysmes qui vont leur tomber dessus.
Même s’il y a des exagérations et certaines énormités tels les champs d’éoliennes qui défigurent complètement nos paysages (voir la région de la Ruhr en Allemagne) et ne sont pas une bonne réponse énergétique, une prise de conscience ainsi que certaines actions étaient indispensables.
Comme le disaient les Verts allemands, il y a 50 ans déjà, la Terre, « on n’en a qu’une » tandis que les Américains, eux, voyaient déjà l’humanité vivre sur une autre planète et estimaient qu’on pouvait, de ce fait, finir d’exploiter la Terre et l’abandonner comme un vieux Kleenex! Cherchez l’erreur…
JNM
Concis, documenté, percutant. Un excellent article.
Oui !!! Si nous devions avoir un dieu, qui à l’échelle de notre système solaire, serait le plus pertinent d’un point de vue scientifique, pourrait être le soleil. C’est lui qui nous chauffe, celui qui émet des bouffées d’énergie dans lesquelles nous passons en ne voyant que des effets que l’on ne comprends pas…..et interprétons mal. Nous vivons sur la croûte d’un « caillou » encore en fusion, qui évolue autour d’une étoile. Hubert Reeves, dit à juste titre que nous sommes des poussières d’étoile, la terre ne peut être un dieu. Les théories de James Lovelock, qui considèrent la terre comme une entité vivante, auto régénérable sont à revoir justement à cause de notre étoile. L’écologie actuelle hélas s’en inspire, et oublie que la vie c’est une transformation perpétuelle qui va toujours vers plus de diversité (entropie pour faire simple). Vouloir préserver, c’est aller vers l’immobilisme et à l’extrême vers une forme de stérilité.
Et oui, NANARD a raison. Toutes ces idéologies à la « mord-moi le no… » viennent de cerveaux stériles. Certains crient : « Laissez les vivre ! » (les cerveaux stériles), moi pas !
NANARD vient juste de re-découvrir le dieu soleil! Autrement honorablement connu sous le nom de Rā ou Rē depuis environ 3500 ans. Bravo l’artiste poussière d’étoile….