De façon récurrente, la Cour des comptes émet des rapports sur l’Education en France, que ce soit à propos du système éducatif au sens large, – ou sur des cas précis.
En 2010, dans un rapport thématique consacré à l’Education, la Cour a- pris position sur les rythmes scolaires. Les arguments en sont maintenant bien connus.
L’année scolaire est limitée à 144 jours, ce qui en fait l’une des plus courtes au monde. L’horaire annuel du lycéen français est supérieur de 10 à 20 % à celui des élèves européens, alors que ceux-ci obtiennent de meilleurs résultats, d’après les évaluations internationales.
Par ailleurs, l’organisation de l’emploi du temps des classes, qui devrait pourtant avant tout dépendre du projet pédagogique de l’établissement, résulte en fait de la prise en compte en priorité des vÅ“ux formulés par les enseignants et des contraintes du rythme hebdomadaire de l’enseignement disciplinaire. En effet, la Cour avait critiqué la décision prise par décret du 15 mai 2008 supprimant les cours du samedi matin.
Recommandation | Suivie |
Redéfinir l’organisation du temps scolaire dans le premier degré dans un sens conforme à l’intérêt des élèves. Moduler les emplois du temps dans le second degré en fonction des besoins des élèves, notamment en prévoyant la mise en place dans l’année scolaire de plages horaires variables pour le soutien et l’accompagnement. | En partie avec la réforme des rythmes scolaires. ( Décret N° 2013-77 du 24 janvier 2013 ). |
Par sa vision de l’organisation générale du système éducatif, la Cour a mis en avant son souhait de créer (?) des différences de moyens, de politiques et d’actions éducatives entre les établissements. Elle rappelle également un point à propos de la défaillance sur la suite donnée à sa recommandation, qu’elle avait déjà souligné, sur le choix de l’orientation à la fin du collège qui doit revenir aux familles ; seule l’affectation de l’établissement étant du ressort de l’administration.
Recommandations | Suivies |
Recentrer le budget sur l’école primaire. | Non Avec la loi pour la refondation de l’école de 2013, en effet, des efforts ont été fournis pour le premier degré. Cependant dans son rapport, la Cour des comptes n’a nullement fait mention d’un besoin d’effectifs supplémentaire, lui-même dispositif phare de la loi : « plus de maîtres que de classes ». |
Évaluer les établissements et les équipes pédagogiques à partir des bonnes pratiques constatées en France et à l’étranger. | Non Et pas à l’étude, tant cette question est sujette à débats au sein du corps enseignant en France. |
Réduire le nombre de filières générales, pour que la spécialisation se passe au moment du baccalauréat. En faisant choisir les enfants à 14 ans, il y a un risque pour ceux-ci de s’enfermer dans une orientation définitive. | Oui réforme du lycée en 2010 |
Faciliter les changements de parcours aux lycées général, technologique et professionnel. | Oui réforme du lycée en 2010 |
En août 2012, la Cour des comptes avait adressé un référé au ministre de l’Education, invoquant la situation financière préoccupante du régime additionnel de retraite des personnels enseignants. Elle pointa ainsi :
– une insuffisance structurelle des cotisations qui permettraient un équilibre.
– des cotisations inférieures aux prestations : à ce rythme les réserves seront épuisées en 2019).
Dans sa réponse au référé, le Ministre souligne qu’il tombe en -accord avec les remarques de la Cour. Toutefois, il rappelle la condition indispensable pour trouver une solution financière qui soit acceptable par la société civile.
Recommandation | Suivie |
Augmenter le taux de cotisation, avec notamment, une sur-cotisation pendant plusieurs années, afin de couvrir les engagements passés. | Le taux de cotisation a bien été relevé et de manière progressive. Selon les estimations, grâce à cette hausse la pérennité est assurée pour environ 10 ans. |
Grâce à la solution proposée par la Cour, du passage du taux des cotisations de 1,5 à 4,9%, le système aurait assuré ses réserves jusqu’en 2050.
Par ailleurs, pour la période de 2007 à 2012, la Cour a examiné trois cas précis concernant l’éducation nationale :
– le campus de Jussieu ;
– les compétences et les responsabilités élargies des sept universités parisiennes ;
– les inspecteurs de l’académie de Paris.
A. Campus de Jussieu
Ce campus accueille deux grandes universités scientifiques : Pierre-et-Marie Curie et Paris Diderot, ainsi que l’Institut de physique du globe de Paris.
Face au risque pour la santé publique de l’amiante, une opération de désamiantage a été décidée et menée par l’établissement public du campus de Jussieu (EPCJ). La Cour a examiné le déroulement de cette opération et a relevé les dérives continues des délais et des coûts. Pour éviter de telles dérives lors des prochaines opérations, la Cour a fait quelques recommandations.
Recommandations | Suivies |
Doter l’établissement d’une capacité de contrôle juridique interne, étoffée. | Non Elle demeure fixée à 4 personnes. Dans le dernier rapport d’activité de l’établissement de 2012, on note 10 projets en cours (construction, désamiantage, restructuration/réhabilitation ) sans parler des études de projets à venir. |
Définir un contrat par opération, et non une délégation de maîtrise d’ouvrage. | Oui |
Définir un contrat performance. | Oui |
Responsabiliser les universités dans la définition de leurs programmes et la gestion de leurs locations provisoires. | Non |
B. Sept universités parisiennes : des compétences et des responsabilités élargies
Recommandations | Suivies |
Régler les problèmes de comptes, indispensable pour leur autonomie : – Compte non conforme à la réglementation et absence de suivi : amortissement des immobilisations et des passifs qui les financent. – Le principe de séparation des exercices est insuffisamment appliqué. – Absence de comptabilité analytique ( sauf pour Paris VI et XI ). – Provisions pour risque et charges ne sont que partiellement comptabilisées, voire inexistantes. |
Non Seules les modifications suivantes mais insuffisantes sont à noter : – Règles comptables modernisés. – Qualité comptables et maîtrise des risques. |
Faible respect des plafonds d’emploi accompagné d’un manque de maîtrise des dépenses de personnel et de ses coûts en général. | Non Le logiciel de gestion administrative et financière, développé par AMUE « agence de mutualisation des universités et établissements » n’est toujours pas opérationnel. |
Il faut noter que les défauts en matière comptable vont poser des difficultés pour l’indépendance patrimoniale des universités et leur autonomie-.
C. Inspecteurs de l’Académie de Paris
Ce corps a été créé sous Napoléon I. Depuis 1962, il semble faire office de doublon avec la création du corps national d’inspecteurs d’académie, qui supervise également les universités de Paris. Avec le temps, les inspecteurs de l’académie de Paris ont vu leur fonction dévier, sans plus correspondre à leur travail de contrôle, d’une part, tandis qu’ils exerçaient, d’autre part, des activités diverses, jugées floues par la Cour des comptes.
Recommandation | Suivie |
Supprimer ce corps et veiller à ne pas régulariser ses pratiques contestables. | Oui Décret présidentiel 2009 |
Les inspecteurs de l’Académie de Paris étaient nommés par décret présidentiel dans une totale discrétion. Qui plus est, le recteur d’Académie n’était informé qu’après nomination. Ce corps des inspecteurs de l’Académie de Paris ne s’appuyant sur aucun texte réglementaire, aucune échelle de rémunération ne lui était donc applicable. Quand bien même leur fonction n’avait plus lieu d’être, pour être exercée par un autre corps, les nominations se sont poursuivies.
Ce corps est devenu essentiellement une voie de promotions pour les emplois supérieurs de l’Etat, réservés aux collaborateurs de diverses autorités politiques. Au total, en juin 2009, sur vingt-deux inspecteurs rémunérés, un seul d’entre eux exerçait de manière effective une mission d’inspection pour le compte de l’académie de Paris, en conformité avec la mission qui leur avait été fixée à l’origine. Il faut dire qu’aucun ministre de l’Éducation nationale ne s’était activement engagé dans la suppression de ce système, avant le contrôle de la Cour.
A la suite de la disparition de ce corps, il y a eu des réaffectations, accompagnées aussi de cinq procédures de licenciement. En guise de justification, le Gouvernement a seulement informé la Cour de son intention de supprimer ce poste avant d’avoir connaissance des travaux de celle-ci, mais la suppression n’a été effective qu’après l’intervention de la Cour des comptes.
On peut d’autant plus remettre en cause à ce propos l’honnêteté de cet engagement, car il y a eu trois nominations en 2008[[Par décret du 2 mai 2008, MM.N… Et O… / Par décret du 9 mai 2008, Mme P…]]. Pourquoi nommer trois personnes quand on projette de supprimer un corps un an après !?
Conclusion
D’une manière générale, les recommandations de la Cour en matière d’éducation ne sont pas suivies… Il est même désolant de constater que seuls les abus et les pratiques contestables peuvent faire aboutir enfin à des évolutions conformes aux dénonciations révélées par la Cour.
L’éducation est souvent décriée en France, notamment avec l’apport il y a peu des résultats des études internationales, telles que PISA[[Programme international pour le suivi des acquis des élèves.]]. Pourtant ce domaine capte une part importante du budget de l’Etat. Que ce soit la Corée du Sud, les Pays-Bas, le Japon ou les Etats-Unis, tous devancent de loin la France dans ces résultats.
France | Corée du Sud | Japon | Pays-Bas | Etats-Unis |
5,9 | 5 | 3,8 | 5,9 | 5,4 |
Source : Banque mondiale |