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La France vivrait peut-être mieux sans budget

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Le monde politique s’affole de perdre son budget. Selon la Constitution et les règles rappelées par l’Assemblée nationale, les délais d’adoption de chaque loi de finance annuelle sont très stricts.

  • Le projet de loi de finances de l’année est déposé obligatoirement sur le bureau de l’Assemblée nationale […] au plus tard le premier mardi d’octobre de l’année précédant celle de l’exécution du budget.
  • L’article 47 de la Constitution fixe à 70 jours le délai accordé au Parlement pour statuer sur le projet de loi de finances.
  • Le délai ainsi prévu se décline (LOLF, article 40) de la façon suivante :

– première lecture à l’Assemblée nationale : 40 jours ;

– première lecture au Sénat : 20 jours ;

– navette parlementaire : 10 jours.

Les conséquences du dépassement des délais

Les articles 47 de la Constitution et 45 de la loi organique du 1er août 2001 (LOLF modifiée en 2021) précisent les conséquences d’un dépassement du délai global de 70 jours :

– si le dépassement est imputable au Parlement, le Gouvernement peut recourir à une ordonnance pour en mettre les dispositions en vigueur ;

– si le dépassement est imputable au Gouvernement en cas de non-respect du délai constitutionnel de dépôt du projet de loi empêchant son adoption dans le délai de 70 jours, celui-ci peut soit demander au Parlement d’adopter uniquement la première partie du projet de loi de finances, la seconde partie étant discutée plus tard, soit demander le vote d’une loi spéciale l’autorisant à percevoir les impôts existants jusqu’à l’adoption de la loi de finances. Dans les deux cas, les crédits sont temporairement répartis par décret conformément aux services votés, c’est-à-dire le minimum de crédits que le Gouvernement juge indispensable pour permettre le fonctionnement de l’État dans les conditions de l’année précédente.

Le gouvernement démissionnaire de M. Attal s’est donc résolu à préparer un projet de loi de finances, PLF, reconduisant, avec de menus aménagements, celle de l’année 2023, avant les économies décidées en février et en avril (deux fois 10Md€). C’est dans cet esprit qu’il a envoyé ses « lettres plafonds » aux ministres chargés de préparer le budget de leur ministère.

Les bienfaits d’un budget a minima

Après dépôt du PLF sur le bureau de l’Assemblée Nationale le 1er octobre prochain, « Si le Parlement ne s’est pas prononcé dans un délai de soixante-dix jours, les dispositions du projet peuvent être mises en vigueur par ordonnance » dit l’article 47 de la Constitution. Si effectivement le Parlement ne votait pas le PLF, la question, que devrait trancher  le Conseil constitutionnel, serait alors la suivante : le Parlement a-t-il refusé de se prononcer  par défaut de majorité, ou a-t-il exprimé un rejet ? Le Conseil constitutionnel est capable d’adopter une interprétation extensive du texte pour sauver les institutions et M. Macron. Il l’a déjà fait. Il semble l’avoir anticipé dans sa décision du 25 juin 2001 (n°2001-448 DC, §5) en spécifiant que l’article 47 susvisé devait « permettre qu’interviennent en temps utile, et plus spécialement avant le début d’un exercice, les mesures d’ordre financier nécessaires pour assurer la continuité de la vie nationale ».

Certes, le Gouvernement pourrait utiliser le 49.3 ou demander au Parlement « l’autorisation de percevoir les impôts et [ouvrir] par décret les crédits se rapportant aux services votés. » (article 47 de la Constitution). Il pourrait encore soumettre en urgence au Parlement un texte prolongeant provisoirement l’exercice budgétaire précédent (ce qui a été fait pour la loi de finances de 1979).

Mais si le Parlement se refusait à tout, il faudrait sans doute invoquer l’article 5 de la Constitution qui prévoit que « Le président de la République […] assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’État ». Le Conseil constitutionnel semble avoir déjà accrédité cette option. Dans sa décision du 30 décembre 1979 (n°79-111 DC, §2) il considérait qu’« il appartenait, de toute évidence, au Parlement et au Gouvernement, dans la sphère de leurs compétences respectives, de prendre toutes les mesures d’ordre financier nécessaires pour assurer la continuité de la vie nationale ».

Au pire, le président de la République pourrait, dans le cadre de l’article 16 de la Constitution, prendre « les mesures exigées par ces circonstances » pour « assurer aux pouvoirs publics constitutionnels, dans les moindres délais, les moyens d’accomplir leur mission ». Dans tous les cas, ce seraient des mesures limitées à assurer la continuité.

Il semble donc que quoi qu’il en soit, et notamment si le Gouvernement, nouveau ou encore démissionnaire, respecte les délais susvisés, les institutions publiques ne cesseront pas d’exister, le cas échéant par décrets pour gérer cet intérim. Si l’Etat devait assurer ses missions a minima pendant quelque temps, sans dépenses nouvelles, sans nouveaux impôts, sans nouvelles niches fiscales… ce serait peut-être le meilleur moyen d’éviter le pire, voire de remettre un peu de sérénité dans la vie politique. Les citoyens découvriraient qu’ils peuvent vivre, et mieux vivre, sans qu’un gouvernement s’occupe de les tourmenter chaque jour au prétexte de s’occuper d’eux. Une cure d’amaigrissement forcée en quelque sorte. Une cure salutaire.

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