L’Organisation mondiale de la santé (OMS) est censée être l’autorité de référence en matière de santé publique, mais son utilité, sa gestion des crises et son indépendance politique sont de plus en plus remises en question. Des pays comme les États-Unis, l’Italie et l’Argentine veulent s’en détacher et dénoncent une structure aussi défaillante que politisée.
En janvier dernier, Donald Trump, tout juste réélu, a signé un décret officialisant le retrait américain de l‘OMS, invoquant sa gestion de la pandémie de Covid-19 et un financement qu’il juge disproportionné par rapport à d’autres pays : les États-Unis, premiers contributeurs, ont versé 1,28 milliard de dollars pour l’exercice 2022-2023, soit 14 % du budget total, contre seulement 157 millions pour la Chine. Le même mois, Matteo Salvini, vice-président du Conseil des ministres en Italie, a présenté un projet de loi pour quitter une institution qu’il juge, lui aussi, trop coûteuse et trop proche des industries pharmaceutiques. En février, le président argentin Javier Milei a menacé de s’en retirer du fait « de profondes divergences sur la gestion sanitaire » et de « l’influence politique de certains États ».
Aux origines de l’OMS : une conception planificatrice et holistique de la santé
Dès 1997, dans leur livre L’OMS : bateau ivre de la santé publique, Bertrand Deveaud et Bertrand Lemennicier avaient donné l’alerte sur les dérives et les échecs de l’agence des Nations unies. On y apprend qu’aux origines de l’OMS, une conception planificatrice et holistique de la santé publique était déjà prégnante, notamment avec la création du comité des sociétés de la Croix Rouge après la Première Guerre mondiale, puis du comité de santé de la SDN dans l’entre-deux-guerres. L’OMS a été créée en 1948, et ses débuts furent encourageants : son combat contre la variole a été un succès. Mais sa conception utopiste de la santé s’est rapidement heurtée à la réalité. Rony Baumann, ancien président de Médecins sans frontières, a un jour affirmé : « Il n’y a pas plus individuel que la santé. Or, les politiques internationales semblent se référer à une définition universelle de la santé. »
Au fil du temps, l’OMS a progressivement perdu de son influence : priorités mal définies, absence de stratégie, attitude ambiguë à l’égard de certains groupes de pression, bureaucratie… Au début des années 90, son budget général était davantage tourné vers la promotion de la santé que vers la lutte contre la maladie. Quant à ses objectifs, ils étaient parfois déconnectés des priorités des pays en voie de développement, lesquels se souciaient beaucoup plus d’endiguer les épidémies plutôt que de lutter, par exemple, contre le tabagisme…
Une gestion des crises douteuse
Des décennies plus tard, rien ne semble avoir vraiment changé. Les dérives observées dans le passé ont eu un impact durable sur l’efficacité de l’OMS, notamment dans la gestion des crises sanitaires. Prenons l’exemple de la pandémie de grippe H1N1 : un rapport de la commission santé de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, publié en 2010, a dénoncé un « manque de transparence » au regard de l’identité de certains experts et a signalé une perte de confiance du public européen dans cette organisation. Parallèlement, une enquête du British Medical Journal (BMJ) et du Bureau of Investigative Journalism (BIJ) de Londres a révélé que des experts ayant conseillé l’OMS sur la pandémie avaient des liens financiers avec des laboratoires pharmaceutiques, mais que ces liens n’avaient jamais été rendus publics. À l’époque, l’OMS avait balayé les accusations en les qualifiant de « théories du complot ». Il s’est finalement avéré qu’elle avait encouragé les États à acheter des stocks massifs d’antiviraux comme le Tamiflu ou le Relenza, dont l’efficacité était limitée, et que la gravité de la grippe avait été surestimée par l’organisation.
De la même manière, l’épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest (2014-2016) a mis en lumière de graves lacunes. L’OMS n’a déclaré l’urgence de santé publique mondiale que le 8 août 2014, alors que des avertissements avaient été lancés dès le mois de mai par des ONG. Au total, plus de 11 000 personnes ont succombé en Guinée, au Liberia et en Sierra Leone entre 2014 et 2016 – un bilan aggravé par l’inefficacité des efforts de coordination. Un rapport interne de l’OMS a reconnu un manque de préparation et des blocages bureaucratiques ayant ralenti l’acheminement de ressources essentielles, dont 500 000 dollars d’aides pour la Guinée.
L’OMS sous influence chinoise ?Â
L’OMS est aussi accusée de céder aux pressions de certains États. Dans le passé, ses louanges du système de santé nord-coréen avaient suscité un tollé. Après une visite en 2010, sa directrice, la chinoise Margaret Chan (2006-2017), a osé dire que la Corée du Nord présentait des avantages par rapport aux pays en développement et qu’elle ne souffrait pas de ce que l’on appelle la fuite des cerveaux, car les professionnels de la santé ne migrent pas. Quelques mois plus tard, Amnesty International publiait un rapport alarmant sur le système de santé en ruine de la dictature communiste.
D’autres éléments sont clairement en faveur de la théorie de l’influence chinoise : Taïwan est exclue de l’Assemblée mondiale de la santé (WHA) depuis 2016 en tant qu’observateur, Pékin considérant qu’elle fait partie de la Chine. En décembre 2019, Taïwan, encore, a donné l’alerte sur la dangerosité du Covid-19, mais l’OMS a minimisé la menace et s’est contentée de relayer la communication de Pékin sans la remettre en question. Le 14 janvier 2020, elle approuvait la conclusion de l’enquête préliminaire des autorités chinoises selon laquelle le virus ne se transmettait pas entre humains, retardant des mesures sanitaires vitales. Au final, on estime que le nombre de cas aurait pu être réduit de 95 % si les interventions en Chine avaient eu lieu trois semaines plus tôt.
On pourrait également évoquer le fait que, sous la direction de Margaret Chan, l’OMS a reconnu formellement la médecine traditionnelle chinoise, bien qu’elle ne soit pas validée par la science. C’est ainsi qu’elle l’intègre en 2018 dans la classification statistique internationale des maladies et des problèmes de santé connexes (CIM) – la pharmacopée mondiale. L’organisation a ouvert la voie à un marché lucratif contrôlé par Pékin : le marché de la médecine chinoise traditionnelle est évalué à 86,4 milliards de dollars en 2025. Il devrait atteindre 124,64 milliards en 2030.
L’opacité des dépenses
Les critiques ne s’arrêtent pas là . Selon The Associated Press, l’OMS dépense en moyenne 200 millions de dollars en frais de voyage chaque année, y compris pour des réunions dans des hôtels luxueux – un montant supérieur aux budgets alloués à des maladies comme le sida et l’hépatite (71 millions de dollars), le paludisme (61 millions) ou la tuberculose (59 millions), avec une exception pour la lutte contre la poliomyélite (450 millions de dollars).
Certes, il est nécessaire que les professionnels se déplacent sur le terrain, rencontrent des experts du monde entier et confrontent leurs expériences entre États membres. C’est la répartition des ressources qui est remise en cause : « Il y a une énorme inégalité entre ceux qui sont au sommet, qui ont des hélicoptères et des classes affaires, et les autres qui doivent juste se débrouiller » d’après Sophie Harman, experte en politique de santé mondiale à l’université Queen Mary de Londres. En comparaison, Médecins sans frontières, association dont les ressources sont d’origine privée à 99,2 %, interdit explicitement à son personnel de voyager en classe affaires. Avec un effectif de 37 000 travailleurs humanitaires (vs. 7 000 pour l’OMS), elle dépense 43 millions de dollars par an en frais de voyage.
Conclusion
L’OMS s’est embourbée dans la bureaucratie, l’opacité et les jeux d’influence, au point de trahir sa mission première. Ces maux que nous venons de passer en revue, gestion calamiteuse des crises, collusion avec certains États et dépenses excessives, la rendent de moins en moins crédible pour la communauté internationale. Ils ne datent pas d’hier et n’ont strictement rien à voir avec une quelconque privatisation : ses financements sont majoritairement d’origine étatique. Ce qui n’empêche pas que des collaborations avec des fondations particulières, à l’instar de la Fondation Bill & Melinda Gates, lui sont indispensables pour respecter ses engagements et avancer dans les combats qu’elle mène, comme l’éradication de la poliomyélite.
Plus qu’une question de financement, c’est un problème structurel qui l’éloigne de son objectif initial : promouvoir la santé publique mondiale. Dans un monde où les enjeux sanitaires sont de plus en plus complexes, l’OMS ne devrait être ni un instrument de propagande, ni un jouet entre les mains des puissances mondiales. Si elle ne parvient pas à se réinventer et à devenir indépendante de l’influence politique des États, elle risque de devenir obsolète, laissant la place à des organisations privées, à l’image de Médecins sans frontières, plus souples et plus efficaces dans la gestion des crises sanitaires.
10 commentaires
L’OMS, tout comme l’ONU, le WWF ou l’UNESCO, a été conçue en fonction de l’idéologie positiviste et de la gouvernance bureaucratique mondiale… doctrines philosophiques qui n’ont rien de libérales en elles-mêmes… on a d’ailleurs recyclé à l’origine dans ces officines toutes sortes de personnes compromises avec les eugénistes en tous genres… On en est à vanter ici le système de santé nord-coréen ou à confier la commission des droits de la femme à la république islamique d’iran… De Gaulle en son temps a clairement mis en garde contre la dérive potentielle de ces institutions. Discuter au niveau international oui, s’aliéner à des bureaucraties néo-théocratiques non.
N’oublions pas que la doctrine libérale classique s’articule en deux volets : “droit naturel” à l’intérieur de la communauté politique et “droit des gens” à l’extérieur de la communauté politique. C’est vrai depuis Vitoria et Locke. Les libéraux ne doivent donc se sentir nullement gênés au plan philosophique de contester les tentatives de “gouvernance mondiale” inspirées du socialisme. Les nations peuvent discuter et collaborer sans s’aliéner dans des superstructures.
le concept de santé publique est à définir… c’est le pendant de l’intérêt collectif.. on a vu covid…
Je ne vois aucune signe d’une volonté quelconque d’initier, encore moins réussir, un tel réincarnation.
Depuis COVID je suis devenu convaincu, au mieux, vaut mieux tout raser pour mieux recommencer.
Oui et ses pendant en France aussi
Exactement. Réduire, voire supprimer la participation de la France au financement de ces “machins” qui ne servent pas à grand chose Y COMPRIS EN FRANCE
Absolument, OMS
Organisation
Machiavélique
Satanique
voilà comment je perçois cet organisme
Il faudrait au moins dégonfler cet organisme devenu tentaculaire et cesser d’en faire une retraite dorée pour copains
Nous sommes assez grands pour gérer notre santé, au moins autant que des bougres issus souvent de pays peu développés médicalement, mais sont dociles aux ordres de ceux qui leur ont donné la bonne place.Donc, adieu l’OMS.
Encore la gabegie des financements étatiques sans le moindre contrôle d’efficacité. Qui ne font qu’engraisser la nomenclaturat dirigeante, alimentant colusion et corruption.