Pour rendre l’imposition des ultrariches plus progressive, une étude préconise de taxer leurs revenus fictifs. Un « bidouillage intellectuel », dénonce le fiscaliste Jean-Philippe Delsol.
Comme Clemenceau qui observait que « la guerre ! c’est une chose trop grave pour la confier à des militaires », faudrait-il conclure aujourd’hui que l’économie est une affaire trop sérieuse pour l’abandonner aux professeurs d’économie ? On pourrait le penser en lisant l‘étude publiée mardi 6 juin par quatre professeurs de l’Institut des politiques publiques (IPP) à partir des données de 2016.
Ces chercheurs y affirment, à cor et à cri, que les très riches ne sont pas suffisamment imposés : au sein des 0,1 % des foyers fiscaux les plus riches, le taux d’imposition global deviendrait régressif, passant de 46 % pour les 0,1 % les plus riches, à 26 % pour les 0,0002 % les plus riches (les « milliardaires »). Il faudrait donc clouer ceux-ci au pilori fiscal.
Pour parvenir à ces conclusions ces chercheurs imaginent une nouvelle source d’abondance fiscale en proposant d’imposer les riches sur des revenus qu’ils n’ont pas perçus. Ils proposent d’ajouter aux revenus de ces contribuables, au prorata de leur participation dans le capital, une part des profits non distribués de chaque société dont ils sont actionnaires à hauteur de plus de 10%. Ils y adjoignent encore les cotisations sociales non contributives versées par ces contribuables, qui ne sont pas des revenus pour eux. Puis ils calculent l’impôt payé par ces contribuables sur cet ensemble de revenus, réels et fictifs, pour trouver naturellement que leur impôt est proportionnellement inférieur à celui des autres contribuables imposés seulement sur leurs revenus réels.
Certes, pour procéder à ce calcul ils prennent en compte dans les impôts des plus riches l’impôt sur les sociétés payé en amont par la société sur la quotepart de bénéfice affectée au revenu du contribuable concerné et une part minimale de coût de donation du capital correspondant sous le bénéfice d’un pacte Dutreil. Mais ces impôts sont inférieurs à ceux qui seraient payés par le contribuable s’il recevait ces revenus fictifs, c’est à dire si ces bénéfices étaient effectivement distribués. D’ailleurs, les auteurs reconnaissent à mi- mots qu’ils font un faux calcul en notant au détour d’un graphique que si les bénéfices non distribués des sociétés contrôlées étaient pris en compte, le taux d’imposition des plus riches monterait à 59%. Mais ce que l’opinion retient de leur étude est que les riches sont beaucoup moins imposés que les autres.
Les auteurs de cette étude méconnaissent gravement les modes et besoins de fonctionnement des entreprises. Ils considèrent qu’un actionnaire contrôle une société avec plus de 10% de son capital alors qu’il lui faut une majorité des droits de vote pour décider d’une distribution de dividendes. Ils voudraient donc pénaliser les actionnaires minoritaires en les imposant sur des dividendes qu’ils n’avaient pas le pouvoir de se distribuer. Ils ne comprennent pas non plus que les profits non distribués sont faits pour être investis et pour payer les besoins de fonds de roulement (c’est-à -dire l’argent nécessaire pour supporter les besoins de financement requis généralement par le développement du chiffre d’affaires) des entreprises. Sans eux, pas de croissance du chiffre d’affaires, de l’emploi, du profit et de l’impôt y afférent.
Quoi qu’il en soit, l’idée, saugrenue, d’imposer les contribuables sur des revenus qu’ils n’ont pas perçus, ni dans de nombreux cas ne peuvent recevoir, est évidemment une hérésie fiscale. Comme si on imposait les salariés sur leurs cotisations de retraites et d’assurance maladie du fait qu’ils percevront peut-être, à terme, des pensions ou indemnités correspondantes. Et pourquoi ne pas imposer les chercheurs sur les crédits de leur laboratoires sans lesquels ils ne pourraient plus y être employés.
Par ailleurs, les auteurs de l’étude tiennent compte des profits mais pas des pertes qu’ils devraient, dans leur logique, déduire alors du revenu imposable des contribuables. Ils méconnaissent surtout que les entreprises payent bien d’autres impôts que l’impôt sur les sociétés. Les impôts de production payés par les entreprises sur d’autres bases que les bénéfices représentaient 78,1 Md€ en 2016- l’année de l’étude ! Par comparaison, le produit de l’impôt sur les sociétés pour 2016 a été de 30Md€ ! Alors pourquoi prendre le seul impôt sur les sociétés dans l’étude de l’IPP sinon pour obtenir le résultat recherché.
Ce résultat est d’ailleurs bien maigre puisque les auteurs de l’étude concluent que « L’ensemble des impôts personnels reste progressif jusqu’à un niveau élevé de revenu, autour de 600 000 euros de revenu économique annuel, soit le top 0,1 % » et qu’il ne devient régressif qu’au-delà , précisément parce qu’ils prennent en compte des revenus fictifs.
Ces chercheurs construisent donc le résultat qu’ils veulent obtenir plutôt que d’explorer objectivement le domaine de leur recherche. Comme la qualité intellectuelle de ces chercheurs est reconnue, il faut craindre que ce soit moins par erreur que par tromperie, ou pour le moins que ce soit une sorte de « bidouillage » intellectuel au service du résultat désiré. Ce n’est plus de la science, c’est de l’idéologie. Et ce n’est pas digne de l’université française.
10 commentaires
Les quelques riches qui restent encore en France (les courageux !) vont préparer leur départ pour le lots grand malheurs des pauvres et de m’évolue française déjà en piteux état
Le plus grand malheur des pauvres et de l’économie
votre raisonnement est très juste ces experts ont de l’instruction mais pas d’intéligence je suis une personne qui est dans les petit revenue je comprend très bien que ce n’ai pas en imposant les riches que nous allons faire baiser notre dete soit ces experts son d’utra gauche soit communistes
Bravo, Jean-Philippe!
Éternel délire de Bercy ! Propriétaire du tiers d’une entreprise familiale qui n’était pas mon outil travail, j’ai payé pendant 40 ans de l’ISF sur des actions qui 1°) ne me rapportaient rien 2°) que je ne pouvais pas vendre…
Punir les riches est injuste et stupide. Mieux vaudrait un impôt proportionnel. Le même taux quel que soit le revenu.
Rie, que de penser à une telle idée, on est ne droit de craindre le pire. Une bande d’incapable qui ne comprenne pas que Etat comme particuliers, le seul moyen de s’en sortir, c’est dépenser moins que ce que l’on gagne. L’économie, c’est simple, il faut juste un minimum de courtage politique et accepter des sacrifices, deux choses qui manque cruellement à nos dirigeants
Il n’y a pas que les « ultra riches » qui potentiellement payent des impôts sur les revenus qu’ils ne touchent pas, c’est le lot commun des simples salariés mais aussi des retraités.
L’impôt sur le revenu non perçu est une aberration administrative qui disqualifie non élus et notre administration qui ont laissé s’installer de telles incongruités laissant la voie libre à n’importe quel Guru et fragilise la notion d’Etat de Droits.
Et on donne de l’argent à quelques gugusses pour concocter de telles inepties ? C’est franchement donner de la confiture à des cochons. Voilà un exemple concret de gaspillage. Dans le même genre vous avez Pisani Ferry qui voudrait faire payer un loyer aux propriétaires. Je pense que cela s’appelle spoliation !!!
Il conviendrait de couper toute subvention publiques à des ânes bâtés comme Pisany-Ferry qui est à l’économie ce qu’Obélix est au ballet classique.
Lui faire exercer un job et le payer en fonction de sa valeur ajoutée pourrait lui faire grand bien.
Courage à ceux qui travaillent.