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La vérité sur les retraites par capitalisation

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Dans une chronique d’Alternatives Economiques du 14 aout 2020, Denis Clerc ironise sur la proposition que je faisais moi-même dans une chronique des Echos le 17 juin dernier de tirer un trait sur la réforme contestée des retraites pour adopter le système par capitalisation des Pays-Bas et du Danemark qui accordent aux salariés des pensions très supérieures aux retraites françaises avec des cotisations moindres. C’est trop beau pour être vrai, écrit le fondateur d’Alternatives Economiques : « Ces chiffres me paraissaient tellement surprenants – comment peut-on avoir beaucoup plus en payant nettement moins ? – que j’ai d’abord cru qu’il s’agissait, au mieux, d’une erreur de calcul, au pire d’une arnaque classique pour attraper les gogos ». Ce n’est pas possible, dit-il, car dans les systèmes de capitalisation, les capitalistes et gestionnaires des fonds se gavent au détriment des retraités. D’ailleurs ajoute-t-il, au premier semestre 2020, l’indice des cours de Bourse à Paris a plongé de 17 %, ce qui montre le danger de la capitalisation.
Bien sûr les gauchistes de tout poil refusent l’idée que la capitalisation – ce mot vulgaire ! – puisse être bien meilleure que la répartition collectiviste. Et pourtant !

La capitalisation permettrait à un smicard de bénéficier pendant sa retraite de 110.000 euros de plus que dans le système actuel.

Alors que dans la répartition, les cotisations versées sont immédiatement redistribuées aux retraités, dans la capitalisation les cotisations sont placées dans des fonds qui les investissent. Bien sûr les placements sont diversifiés : bourse, immobilier, fonds euro, obligations d’Etat… Mais l’argent placé, notamment en bourse ou en immobilier, font prospérer les capitaux du fonds, donc des retraites à venir, en même temps que l’économie qui dispose ainsi de plus d’argent pour investir et se développer. La bourse ou l’immobilier peuvent connaître des aléas, mais dans la durée, le placement en bourse a bénéficié depuis le début du XXème siècle d’un rendement moyen de plus de 5%. Le rendement moyen de l’immobilier n’en est pas éloigné. Et l’épargne retraite est évidemment à prendre en compte dans la longue durée d’une vie de cotisation.
Un placement de 100 euros à un taux de 4% a une valeur de 122 euros après cinq ans, la mise est doublée en 18 ans. Imaginons que sur le taux prévu de 28% de cotisation sur salaire en faveur de la retraite prévu par le réforme Macron, 3% soient affectés à abonder un fonds de retraite solidaire pour les plus démunis, il resterait 25% qui pourraient être placés en moyenne pendant 40 à 45 ans selon l’âge de la retraite, soit pendant 42,5 ans en moyenne. Actuellement, selon les tables statistiques, l’espérance de vie d’un homme de 64 ans est de 19 ans et 10 mois (19,9) et celle d’une femme de 64 ans est de 23 ans et 11 mois (23,97), soit une moyenne de 22 ans. Il faut tenir compte (i) d’un rendement de 4% (inférieur au taux de rendement moyen annuel des actions depuis plus d’un siècle), (ii) des frais de gestion, (iii) du fait que par prudence tous les capitaux ne sont pas placés en actions, mais dans des supports moins lucratifs, une partie  étant même conservée en liquidité, et enfin (iv) du fait que le salarié va alimenter son compte retraite avec une cotisation calculée sur son salaire qui va lui-même progresser tout au long de  sa vie, avec sans doute un salaire en fin de vie professionnelle de un et demi à trois fois supérieur à celui de son début de carrière. Sur ces bases, le capital accumulé permettrait de verser au retraité une somme de l’ordre de 100 % de son salaire moyen sur la période d’activité alors qu’aujourd’hui le « taux de remplacement net » permet d’arriver en moyenne péniblement à plus de 60 %. La capitalisation permettrait ainsi à un smicard de bénéficier pendant sa retraite de 110.000 euros (pour une durée de vie moyenne) de plus que dans le système actuel. Les Français l’ignorent parce que la gauche et plus généralement les gouvernements successifs préfèrent le système de répartition qui contrôle les gens et suppose presque nécessairement un régime public et universel alors que la capitalisation peut-être aisément privatisée et permet d’offrir aux salariés le choix, et la responsabilité du choix de leur fonds de retraite.

Il est urgent de stopper la réforme engagée des retraites qui voulait instaurer un régime universel et égalitaire

A ceux qui seraient encore incrédules, il suffit de montrer l’exemple des régimes de capitalisation néerlandais, chiliens, danois, australiens… qui offrent aux retraités des pensions sensiblement supérieures à celles des Français avec des taux de cotisation moindre. Les cotisations obligatoires françaises de retraite, au taux de 28%, sont parmi les plus élevées du monde. La part des dépenses publiques de retraite dans le PIB est de 14% en France, soit près du double de la moyenne des pays de l’OCDE : elle est de 4,6 % au Canada, 7 % aux États-Unis, 5,2 % en Australie ou encore 5,1 % en Nouvelle Zélande…
A titre d’exemple détaillé, ainsi que l’explique la note de l’OCDE en lien ci-après, les régimes de retraite par capitalisation danois sont des régimes privés obligatoires, soit le régime  Professionnel avec une cotisation de 10,8% du salaire et le régime ATP avec une cotisation de 1,2% en moyenne. Le régime ATP est par capitalisation mais il est redistributif car ses cotisations sont variables selon le nombre d’heures travaillées. Le régime Professionnel est proportionnel au salaire. Au niveau du salaire moyen, le taux de remplacement du régime professionnel est de 42% pour une cotisation de 10,8, ce qui équivaudrait à un rendement de 109 pour une cotisation de 28% : https://www.oecd.org/fr/els/pensions-publiques/PAG2013-profil-Danemark.pdf
Certes, il faut tenir compte du fait que les Danois prennent leur retraite à partir de 65 ans et que ces calculs de l’OCDE sont faits sur la base d’un salaire moyen stable sous réserve de la seule revalorisation annuelle générale des salaires, et donc ne prenant pas en compte les augmentations au mérite. Dans le système français, le taux de remplacement par rapport au dernier salaire serait donc un peu inférieur.
Aux Pays-Bas, le taux de remplacement brut calculé sur le salaire constant durant toute la vie dans les mêmes conditions que ci-dessus pour le Danemark est de 96,9.
Les plus modestes sont-ils pour autant défavorisés ? Loin de là, car grâce aux systèmes de solidarité de base, les plus bas salaires bénéficient au Danemark, par exemple, d’un taux de remplacement de 123% du dernier salaire (cf. https://www.oecd-ilibrary.org/docserver/pension_glance-2017-fr.pdf).
On comprend que les économistes collectivistes s’inquiètent que soient révélés les vrais chiffres de la capitalisation qui au surplus a le mérite considérable, et pour eux le désavantage, de responsabiliser les individus et de favoriser la croissance du pays par le renforcement de l’épargne. Mais eu égard aux immenses avantages de la capitalisation, il est urgent de stopper la réforme engagée des retraites qui voulait instaurer un régime universel et égalitaire et qui, avant même d’être votée, a déjà été fragmentée « à la carte », en fonction des intérêts syndicaux et corporatistes qui se sont manifestés. Il faut réformer la réforme des retraites pour qu’au lieu de s’abandonner complètement à la répartition, elle adopte la capitalisation.

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15 commentaires

zelectron 1 septembre 2020 - 4:29

répartition = ponzi ? = gestion complexe
répartition: nécessité d'un personnel(très)nombreux
capitalisation: personnel réduit

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Causeur 1 septembre 2020 - 8:23

Retraite differentielle
Si les salariés du privé ont une retraite égale à 60% du dernier salaire, en moyenne, les agents de l’état ont une retraite de 100%, d’un dernier salaire souvent revalorisé les six derniers mois et bénéficient généralement de carrière plus courte et moins stressante.

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licht 1 septembre 2020 - 10:55

La capitalisation existe en France : ceux qui sont contre qui l'ont inventée
PREFON, FONPEL, CREF (de triste mémoire), 83/39, RAFP la bien nommée, retraite chapeau … etc … pour une fois que les cordonniers sont (parfois) les mieux chaussés !
Nb: 50% des actifs des FP dans le monde sont aux USA. Où les Personnal Financial Advisor demandent à leurs clients de partir à 70 ans s'ils veulent au moins couvrir leur frais de santé. Sachant que le déficit global des FP US est de l'ordre de $ 8 OOO millards (fonds publics,Etats et Federal, et privés). Source OECD et FT.com

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JP Gaillet 1 septembre 2020 - 11:10

Comment composer le capital initial des fonds de pension ?
La comparaison que vous faites oublie que, si l'on mettait en place un systéme de retraire par capitalisation, son capital initial serait faible (le fond de réserve des retraites par redistribution ?)
La première année, les entrées ( cotisations) seraient déterminées par les salaires et les sorties par les cotisations des retraités.En supposant que le nouveau régime ne cherche pas à être plus performant que l'actuel, le bilan annuel ne serait pas meilleur que lui. Le capital n'augmenterait pas, voire baisserait. Les bénéfices des placements seraient les mêmes que les bénéfices des placements du fond de réserve.

Le capital placé pendant toute la durée de la vie active que vous utilisez dans vos calculs n'existerait pas car il serait "mangé" par les pensions distribuées chaque année.

La seule façon de faire fonctionner vos hypothèses serait que la banque centrale dote le fond de pension national d'un capital correspondant à ce qui serait en caisse si tous les salariés avaient cotisé sans qu'aucune pension ne soit versée.
Faisons le calcul : 28% du PIB x 20 ans ( la moyenne d'ancienneté des salariés) soit 5.6 fois le PIB : plus de 10 000 milliards d'euros.
Sans que la Banque centrale ne réclame jamais le remboursement de ce versement initial.

C'est possible mais l'injection d'un tel capital sur le marché financier ne serait pas sans conséquence, en particulier pour le rendement des placements…

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Dhelft 1 septembre 2020 - 4:40

Non, il y aurait un recouvrement en sifflet les deux systèmes continuant à fonctionner jusqu'à extinction de l'ancien système. Je rappelle cependant que Valéry Giscard d'Estaing a accordé le bénéfice de la complémentaire à ceux qui n'avaient pas cotisé. Les adhérents volontaires préexistants ont vu le taux d'appel de la cotisation ARRCO passer de 0.6 à 2.2 le 01/01 suivant.
Voir les 4 Vérités n°747 06/2010, Société Civile n°152 12/2014, livres de J. GARELLO

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JJNK 2 septembre 2020 - 10:22

Quand on dit "retraite par capitalisation", on sous entend "placement dans le privé".
Mais, sans casser la retraite publique, on pourrait très bien décréter, du jour au lendemain, que toutes les cotisations que vous avez versées à l’État pour votre retraite sont capitalisées sur un compte en euro et rémunérées à un taux donné. Ce serait une "gestion par capitalisation" dans le cadre public.
On n'y gagnerait peut être pas en rendement, mais on gagnerait en clarté.
Cela mettrait en évidence que la redistribution des revenus ne relève pas du système de retraite mais doit être assurée en tant que telle par un autre dispositif.

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JJNK 1 septembre 2020 - 12:57

Quel est le but ?
– La retraite publique poursuit deux buts, qui relèvent de deux logiques différentes :
1/- Assurer à tous un revenu minimum quoi qu'il arrive. Logique de redistribution des revenus.
2/- Assurer à tout retraité le maintient de son niveau de vie d'activité. Logique d'épargne personnelle obligatoire confiée à l’État.
=> Le débat sur la retraite publique serait plus clair si on distinguait nettement ces deux buts dans deux dispositifs indépendants.

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Yves Montenay 1 septembre 2020 - 4:27

Ah ces militants contradictoirement convaincus !
Alternatives Economiques à tort de penser que la capitalisation est coulée par la marge que prendront les organismes de placement. Cela reflète l'ignorance du fait que les organismes publics ont un fonctionnement beaucoup plus lourd et coûteux que les organismes privés, même bénéficiaires

Mais attention de ne pas tomber dans le même défaut en disant que la capitalisation apportera globalement 4 % en termes réels à long terme (un progrès par rapport aux 5 % que j'ai vu passer dans les premiers articles pro capitalisation). Pourquoi ? Voir https://www.yvesmontenay.fr/2019/08/06/la-retraite-par-capitalisation-peut-elle-vraiment-saffranchir-de-la-demographie/

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FFLE 1 septembre 2020 - 4:35

Capitaliste vs gauchiste
Bonjour,
Je viens de lire votre article et quelque chose me frappe.
Vous opposez deux systèmes et deux concepts comme si il y en avait un dangereux et l'autre bon ..
Et oui .. malheureusement vous utilisez les mêmes armes que ceux que vous accusez d'être simplistes et gauchistes.
Des arguments très brefs et pauvres "à ceux qui seraient encore incrédules" en prenant l'exemple d'autre pays en lançant un chiffre ..
Ce sujet sensible me paraît être au delà des guères de clochers et si certains pays attribue beaucoup moins de crédit au caisse de retraite quand est il au niveau global de l'état de cette société ? Quid des états Unis ? Quelles sont les conséquences au niveau National et international de ce type de politique au niveau sociétal et économique ?
Ah, la critique est si facile, il me semble que nous n'avons pas encore atteins ici la politique au service du citoyen.
Bien à vous.
Un citoyen ni gauchiste ni capitaliste.

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Patrick Dhelft 1 septembre 2020 - 4:38

Un commentaire
En juillet 2000 ROBECO NV a publié les résultats d'un fonds (12/1933-12/1999) dont le rendement moyen brut était de 16.05% soit 14.05% inflation déduite. J'ai appliqué ce résultat à ma carrière d'ingénieur (01/1963- 10/2001) avec les taux de cotisations français plutôt par défaut, car je n'ai pas retrouvé tous les taux anciens, le
capital acquis était de 18235049 FRF qui avec le même taux me procurait une retraite annuelle 2562024 FRF alors que mon dernier salaire était de 509000 FRF. Ce que vous ne dites pas, c'est que le capital est acquis. Je pouvais céder l'excédent à mes trois enfants qui le plaçaient dans les mêmes conditions et qui n'avaient plus de cotisation retraite à payer. Je peux vous envoyer mes calculs qui testent aussi le projet MACRON.

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JJNK 2 septembre 2020 - 12:16

La vérité, c'est que le problème est mal posé.
Il est bien évident que la retraite privée "par capitalisation", est plus claire et plus performante que la retraite publique.
Mais la retraite publique "par répartition" a des charges que n'a pas la retraite privée : elle participe à la redistribution des revenus en assurant un revenu minimum y compris à des personnes qui ont peu cotisé (voire pas du tout).

Le débat serait plus clair si on cessait de demander à la retraite publique de résoudre, dans un même dispositif, deux problèmes dont les logiques sont différentes.

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Biron 2 septembre 2020 - 5:36

Alternatives
Alter eco un une feuille de chou pour profs d économie de secondaire marxistes et incapables d appréhender la vraie économie notamment celle des entreprises et de la création de richesses. Laissons les fonctionnaires destructeurs de valeurs collectivités baigner dans leurs chimères. Ils ne changeront pas de toute façon ils n en ont pas les outils intellectuels. Tant que la France n aura pas totalement appauvri son peuple, généré de guerre civile et fait faillite en tout cas.

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Jean-Philippe Delsol 3 septembre 2020 - 8:45

Des réponses
Tous les messages sur ce sujet soulignent que la retraite par capitalisation mérite pour le moins un vrai débat.
Bien sûr la retraite par capitalisation n'est pas magique. Le passage de la répartition à la capitalisation ne peut se faire que progressivement et peut-être en étant amorcée par une dotation d'Etat. J'ai évoqué un rendement moyen possible de 4%, mais j'ai mentionné les charges et aléas qui pèseraient sur le système et c'est en en tenant compte que j'ai considéré qu'on devrait arriver, comme dans d'autres pays, à offrir aux retraités un revenu de remplacement beaucoup plus proche de leur dernier salaire que le système actuel de répartition. J'ai notamment mentionné le fait qu'il faudrait assurer un revenu de solidarité aux plus modestes et j'ai prévu dans mes calculs l'affectation de 3% de cotisation à cet effet. Mais en effet et comme certains le suggèrent, il faudrait sans doute distinguer un système de base a minima, qui pourrait peut-être continuer à fonctionner avec la répartition, du système général à mettre en place progressivement sur la base de la capitalisation.
Souhaitons que ce débat ait lieu. Il fera prendre conscience à beaucoup du désastre attendu de la répartition et de l'intérêt de la capitalisation.

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JJNK 4 septembre 2020 - 10:57

1/- La prise de conscience viendra de la clarté.
Pour la clarté (et donc pour un meilleur contrôle démocratique), les cotisations de la retraite publique doivent être considérées (et gérées !) comme une épargne obligatoire (et donc comme une dette de l'Etat) et non comme un impôt qui ne dit pas son nom.
2/- Le besoin d'un revenu minimum de solidarité n'est pas propre aux retraités. Il n'est pas logique de le financer par les cotisations de retraite.
La solution la plus élégante serait d'instaurer une "Allocation universelle de participation", qui serait financée par un "Impôt universel de redistribution nationale", lequel serait assis sur la totalité des revenus. (Ce dispositif remplacerait la myriade de dispositifs actuels qui ont le même but, et cela économiserait des coûts de gestion).

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JJNK 7 septembre 2020 - 9:20

Mais qui veut la clarté ?

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