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Du pass sanitaire aux passe-droits pour les membres du Conseil constitutionnel

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Le Conseil constitutionnel vient de valider l’essentiel du dispositif gouvernemental et tous les médias ou presque louent à l’unisson l’indépendance et la sagesse de la Rue Montpensier. Pourtant combien de ces éditorialistes enthousiastes, combien de ces journalistes sûrs de leur fait, combien de ces constitutionnalistes péremptoires, combien de ces politiques dithyrambiques connaissent-ils cette « ombre », qui aurait sans nul doute quelque peu nuancé leur jugement ? En effet, c’est depuis une simple lettre ministérielle du 16 mars 2001, soigneusement non publiée, que tous les Gouvernements qui se sont succédé depuis vingt ans – qu’ils soient de gauche, de droite ou du centre – ont décidé ou continué jusqu’à nos jours et en violation flagrante de la Constitution à majorer unilatéralement et considérablement les rémunérations du Président et des membres du Conseil constitutionnel. Donc durant plus de vingt ans et on se demande bien pourquoi (notamment depuis presque deux ans que l’irrégularité a été rendue publique et que l’Institut de Recherches Économiques et Fiscales y a activement contribué !), aucun Président de la République pourtant tenu de veiller au respect de la Constitution (cf. son article 5), aucun Premier Ministre, aucun Ministre du Budget, aucun parti politique, aucun juge, aucun procureur n’a eu le courage de porter le fer dans la plaie, chacun plaçant sa propre tranquillité et le souci de ménager ses arrières (la fameuse « connivence » qui sévit dans la haute fonction publique) très au-dessus de l’application de la Constitution, de la sauvegarde des deniers publics et de la protection des droits du contribuable. Pour information, actuellement, c’est en rémunérations brutes un supplément d’un peu plus de 900 milliers d’euros que le Président et les huit autres membres actuels du Conseil constitutionnel se partagent chaque année en toute illégalité.

Or ce Gouvernement qui, en dépit de nombreuses alertes, s’obstine à ne rien faire, peut pourtant d’un jour à l’autre et le plus simplement du monde mettre fin à cette résurgence incongrue des épices de l’Ancien Régime. Il lui suffit un jour de grâce de faire son chemin de Damas, en décidant de rejoindre la légalité républicaine, notamment en rapportant sans délai la fameuse lettre précitée du 16 mars 2001. Il est en effet nécessaire d’agir dans l’urgence au regard des délais de prescription qui courent, pour mobiliser sans plus attendre la récupération de l’indu auprès de tous ceux – qu’ils appartiennent ou non au Conseil constitutionnel – qui, durant plus de vingt ans, ont su discrètement canaliser vers la rue Montpensier le cours du Pactole dans lequel les « Sages » ont pu sereinement puiser de confortables enrichissements personnels. En tout cas, plus de quatre ans après la promesse présidentielle, notre République n’est toujours pas exemplaire, loin s’en faut et au moins à quatre titres :

1 – d’abord parce que dans le secteur privé, l’affaire n’aurait certainement pas attendu vingt ans pour qu’un collège de Commissaires aux comptes la fasse émerger en saisissant immédiatement le Parquet, qui aurait su faire tout ce qu’il faut (l’affaire Fillon l’a abondamment montré…) pour qu’une fois l’abus révélé, elle soit rapidement instruite et lourdement sanctionnée;
2 – ensuite, parce que depuis presque un an, le Ministre des comptes publics, comme les Juges d’une section contentieuse du Conseil d’État, et tout récemment encore le Premier Président de la Cour des comptes, ont été personnellement saisis d’un problème qui a été largement développé depuis septembre dans les colonnes du site public de l’IREF, sans que rien ne bouge, sans que rien ne change, malgré la forte symbolique de l’affaire, l’importance relative et la récurrence sans faille des détournements observés;
3 – ensuite encore, parce que le complément de rémunération sciemment maintenu par le présent Gouvernement ne viole pas seulement l’article 63 de la Constitution qui exige un texte organique pour fixer la rémunération du Conseil constitutionnel. Il viole également – et comment ! – le principe de la séparation des pouvoirs, puisque l’Exécutif se permet ainsi de s’immiscer indument dans le fonctionnement quotidien du Conseil constitutionnel (à remarquer d’ailleurs que ledit Conseil, d’ordinaire si sourcilleux sur son indépendance et ses prérogatives, n’a durant plus de vingt ans jamais élevé la moindre protestation contre ce genre d’intrusion à caractère permanent !);
4 – enfin, parce que cette affaire place volontairement tous les « Sages » dans une position intenable de conflits personnels d’intérêts, tant qu’aucun d’entre eux n’aura pris l’initiative de dénoncer l’avantage indu dont il sait que lui et ses pairs bénéficient illégalement de la part du Gouvernement. Pire encore, collégialement, le Conseil lui-même risque de se trouver de ce fait dans une position de suspicion légitime vis-à-vis des justiciables. Car, il ne faut pas l’oublier, devant le Conseil et sur le plan de la procédure, c’est bien le Gouvernement qui assure comme partie autonome[[Les constitutionnalistes débattent pour savoir si le terme de « partie » est bien adapté au procès constitutionnel, mais plusieurs d’entre eux admettent que, malgré certaines spécificités de ce contentieux, ce sont bien des « parties » qui poursuivent des objectifs qui leur sont propres et qui s’opposent devant des juges à propos de la constitutionnalité ou du défaut de constitutionnalité du texte attaqué.]] la défense des textes en place face aux autres parties demanderesses qui en contestent la constitutionnalité et qui, elles, sauf à encourir de très graves ennuis, n’ont pas le droit de proposer aux « Sages » le moindre « supplément » de rémunération.

Exceptionnellement, ce billet ne comportera donc pas de conclusion. Il appelle simplement nos lecteurs et plus largement l’ensemble des citoyens libres, qui sont capables de réfléchir par eux-mêmes à l’écart du brouhaha médiatique et du matraquage de la propagande gouvernementale, à se poser une simple question. Compte tenu de l’importance et de la gravité des éléments rapportés ci-dessus et face à l’épidémie en cours, le Conseil constitutionnel a-t-il, oui ou non, assuré en toute indépendance et en pleine conformité tant avec la Constitution qu’avec notre propre Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, la préservation équitable et suffisante des libertés qui nous sont chères?

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