Quatre siècles séparent Montaigne d’André Comte-Sponville mais notre philosophe contemporain a bien l’intention de redonner vie à l’auteur des Essais trop méconnu aujourd’hui selon lui.
Et pourtant la modernité de Montaigne est indéniable, notamment par son style qui va au hasard de sa pensée et de ses expériences, sans construction, et court avec la plus grande spontanéité. Certes les deux philosophes ont plus d’un point commun : leur bagage intellectuel et leur conscience de la complexité humaine ne les font pas hésiter à renverser l’échafaudage livresque quand la pensée devient dogmatique au détriment d’une liberté de conscience. Si le gentilhomme ne dissimule pas ses souffrances physiques et ses tourments métaphysiques, il ne s’enferme pas égoïstement dans sa Librairie. Il ne cache pas son respect pour les habitants du Nouveau Monde, ni sa colère contre les guerres de religions qui sévissent en France. Il est chrétien comme il est périgourdin.
Comme A. Comte–Sponville et Socrate il est « du monde ». Rien ne l’indiffère, ni les devises de l’Ecclésiaste ni l’impuissance de la raison à prouver les vérités religieuses. Car « c’est la vie qu’il faut aimer », tout en « cultivant son moi » pour mieux vivre et « se soumettre doucement » aux réalités de la vie. Si la philosophie montanienne rejoint un prudent relativisme, si elle fait preuve d’une certaine distanciation vis à vis des lois et ouvre la voie à la laïcisation, Montaigne est un humaniste avant tout. Mais de là à en faire un homme de gauche, A. Comte-Sponville fait l’erreur qu’il ne fallait pas faire : Montaigne console dans la désillusion et converge vers le principe poétique selon lequel la « nature est un doux guide »…
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