Les élections en Saxe et dans le Brandebourg ont montré que l’Union chrétienne-démocrate et le Parti social-démocrate perdent du terrain. A moins de s’attaquer réellement aux préoccupations des électeurs, migration, sécurité et lutte contre la pollution, les deux partis n’ont que peu de chances de bien s’en sortir aux élections fédérales.
Les élections ont eu lieu dans deux Länder. Curieusement, les résultats ont été revendiqués comme des succès par les deux partis constitutifs de la coalition au pouvoir à Berlin, l’Union chrétienne-démocrate (CDU) et le Parti social-démocrate (SPD).
Dans la Saxe, la CDU a été le parti dominant depuis la réunification, tous les ministres-présidents de l’Etat en sont issus depuis 1990. Bien qu’étant passé de quelque 40% il y a quatre ans à 32% maintenant, le score est considéré comme positif, le parti Alternative pour l’Allemagne (AfD), labellisé « populiste et nationaliste », n’ayant obtenu que 27% – environ deux fois plus cependant qu’il y a quatre ans, ce qui en fait un solide second. Les sociaux-démocrates, à la 5ème place avec quelque 8%, ont perdu un tiers de leurs déjà faibles résultats depuis la dernière élection.
Le Land du Brandebourg, qui entoure Berlin, est le miroir de la Saxe. Les Sociaux-démocrates y étaient au pouvoir et ont conservé leur position, d’une courte tête. Ils ont obtenu à peu près 27% – alors qu’ils étaient à 32%. L’AfD a atteint 24%, presque le double de ses résultats précédents. Se maintenir en pole position a été considéré comme un succès par le SPD. La CDU a perdu un tiers de ses votes (comme le SPD en Saxe) mais a au moins pu se prévaloir d’occuper la troisième place.
Le message est clair
Les Verts, très populaires en Allemagne de l’Ouest, ont un peu progressé mais restent aux alentours de 10% dans les deux Länder. L’extrême-gauche, « Die Linke », naguère puissante en tant que successeur de l’ancien Parti communiste, a vu son score diminuer presque de moitié, à environ 10% dans les deux Länder.
Quel est le message envoyé par les électeurs ? Sans aucun doute, un rejet des deux partis traditionnels dirigeants. Mais aussi une désaffection envers les Verts à l’Est, où la population dans sa grande majorité veut surtout atteindre le même niveau de prospérité qu’à l’Ouest. Les médiocres résultats de la gauche radicale montrent bien qu’elle a déçu. La CDU et le SPD sont-ils perçus de la même manière ?
Les deux formations historiques rejetées
Cet affaiblissement des deux partis traditionnels du gouvernement de Berlin, on l’observe aussi à l’Ouest, particulièrement chez le partenaire minoritaire d’Angela Merkel, le SPD. Actuellement, le grand gagnant dans l’ex-Allemagne de l’Ouest n’est pas l’AfD mais le parti des Verts, un parti de gauche camouflé sous les couleurs de l’écologie.
Mauvaise tactique
Pourquoi cet engouement pour l’AfD en Saxe et dans le Brandebourg ? Un facteur clé est son combat sans fard contre l’immigration et l’insécurité, des problèmes qui, selon beaucoup d’Allemands, ont été trop banalisés par les autres partis. L’AfD n’hésite pas à en parler. Un autre facteur – peut-être plus important – est qu’elle est totalement marginalisée par les autres formations. Comme pour d’autres élections en Allemagne, les campagnes de la CDU et du SPD ont largement porté sur la nécessité d’étouffer l’AfD, au lieu de se concentrer sur des problèmes plus réels et des programmes plus consistants. Il est déconcertant de les voir persévérer dans cette stratégie qui a pourtant échoué ; et qui confirme les électeurs dans leur opinion, que les partis traditionnels sont incapables d’élaborer des programmes qui les concernent concrètement.
Il apparaît très nettement que les sociaux-démocrates ont abandonné leur vocation première, défendre les intérêts des travailleurs. La classe laborieuse est devenue la nouvelle classe moyenne, accablée par l’excès de réglementations et de taxes. La CDU, elle, a glissé vers la gauche, perdant des soutiens au centre et dans la droite modérée. Des débats ridicules sur l’exclusion de membres qui ne sont plus considérés comme acceptables – comme au SPD à propos d’un ancien membre du bureau de la Bundersbank, ou à la CDU pour l’ancien chef de la Verfassungsschutz, l’agence intérieure de sécurité – n’ont rien arrangé. Beaucoup de gens ont l’impression que la coalition ne dirige plus rien et ne fait plus rien, sauf essayer de maintenir le statu quo.
La CDU et le SPD se focalisent sur l’AfD au lieu de s’attaquer aux vrais problèmes
Les résultats des élections sont de mauvais augure pour les deux partis de la coalition, surtout pour le SPD. Aucun des deux n’a donc intérêt à la rompre. Cependant, à moins qu’ils ne révisent leurs programmes, ils ne pourront éviter un désastre aux prochaines élections fédérales. Piquer quelques idées aux Verts, comme ils s’en contentent souvent, ne résoudra rien. Il serait plus efficace de s’attaquer aux questions qui fâchent : en économie, essayer de pallier le manque d’ouvriers spécialisés et combattre la sur-réglementation plutôt que de s’en prendre au commerce ou au Brexit ; instaurer une politique convaincante de lutte contre la pollution et le gaspillage au lieu de décréter d’improbables objectifs climatiques ; ouvrir un vrai débat sur la sécurité intérieure, ainsi que sur l’immigration sans forcément l’opposer à une bonne couverture sociale.
Le gouvernement actuel risque d’être vu comme l’administrateur du déclin. C’est assez clair et il est surprenant qu’il ne le comprenne pas. La politique de Mme Merkel est selon son propre mot «alternativlos », et elle a marginalisé de fortes personnalités. L’AfD, au contraire, a intégré le mot dans son nom. Les partis de la coalition se retrouvent piégés par leur arrogante autosatisfaction.
Article initialement publié en anglais sur le site du GIS