Selon le gouvernement, le contexte économique serait favorable à une reprise économique. En effet, la baisse du prix du baril de pétrole, l’amélioration de la conjoncture internationale (notamment américaine, britannique et européenne), la dépréciation de l’euro et la stabilisation supposée d’une partie des prélèvements obligatoires (comme l’IR), ont entraîné une très légère hausse de la consommation des ménages sur la fin 2014 et le début 2015. Dans le contexte d’une libéralisation de certaines activités réglementées (bien qu’elle soit timorée), de l’instauration du pacte de compétitivité et des dispositifs d’avantages fiscaux du crédit d’impôt compétitivité-emploi (CICE), le gouvernement espère relancer l’investissement et l’activité avec une série de mesures pour promouvoir l’investissement.
Ce plan présenté par Manuel Valls le mercredi 8 avril met en place des mesures exceptionnelles, à travers notamment une incitation fiscale pour les entreprises manufacturières à acheter des biens d’équipement industriel. Le plan comprend également l’augmentation de la capacité de financement de BPIFrance, un élargissement de l’offre de produits financiers comme le PEA et l’assurance vie, un avancement de TVA pour les collectivités territoriales et la prolongation du crédit d’impôt pour la rénovation thermique. Toutefois, comme nous allons tenter de le montrer, ce plan n’est qu’une série de mesurettes qui ne sauraient promouvoir une reprise durable, et qui pourraient au mieux créer un effet d’aubaine de court terme, dont la composante politicienne à deux ans des élections présidentielles ne saurait être écartée.
La mesure fiscale principale consiste à permettre aux entreprises de suramortir les investissements en les calculant sur une base égale à 140 % (et non 100 %) de la valeur des biens acquis, soit par exemple pour un bien amortissable sur 5 ans, une économie annuelle d’impôt sur les sociétés pendant 5 ans égale à 2,66% de la valeur de l’investissement (33,33% d’impôt multiplié par un cinquième du surplus de 40% de l’investissement considéré). Ce suramortissement de 40 % serait applicable pour les investissements réalisés entre avril 2015 et avril 2016. L’objectif principal est d’accroître la rentabilité des investissements et d’inciter les entreprises à réinvestir leurs bénéfices sous forme d’achat de biens d’équipement plutôt qu’à les distribuer sous forme de dividendes pour les actionnaires. Cette mesure fiscale est évaluée à un effort de 2,5 milliards d’euros sur cinq ans, qui est la durée moyenne de l’amortissement pour l’achat d’une machine. Le montant global des investissements concernés pourrait donc approcher les 20 milliards d’euros si les entrepreneurs profitent de l’aubaine dans le volume estimé. Le principal problème est que cette mesure est sectorielle et qu’elle ne concerne que l’achat de matériel industriel, comme l’outillage, les machines et le matériel de manutention, ce qui réduit énormément la portée de la mesure car il ne s’agit que d’une partie des investissements des entreprises, et que l’éligibilité à la mesure peut s’avérer compliquée à établir.
Le tableau ci-après montre à la fois le coût que représente chaque mesure du plan pour l’État, le montant total des investissements dans le champ d’application de la mesure, et l’estimation potentielle des investissements supplémentaires qui pourraient être entraînés par leur application. Mais les mesures temporaires d’avantages fiscaux ne constituent qu’un effet d’aubaine qui permet d’anticiper et de réaliser plus tôt des investissements que l’entreprise devrait réaliser dans tous les cas. Une entreprise n’investit pas, en effet, parce qu’il y a des mesures fiscales, mais parce qu’elle en a besoin. La mesure pourrait donc avoir un effet incitatif sur le court terme, et pénalisant pour les années suivantes.
Le montant maximum total des investissements supplémentaires que pourrait entraîner ce plan d’investissement est estimé par l’IREF à environ 27,7 milliards d’euros – mais ces chiffres sont à prendre avec prudence ; en effet, les mesures du gouvernement ne sont pas encore détaillées, et la difficulté de l’établissement de l’éligibilité aux investissements ainsi que la complexité fiscale supplémentaire du plan pourraient décourager les entreprises. Pour se faire une idée, cela représenterait environ 6 % de l’investissement total réalisé en 2014 (459,5 milliards d’euros) et 1,3 % du PIB de 2014 (2 143 milliards d’euros). L’essentiel de ce surplus d’investissement serait potentiellement tiré par la mesure sur le suramortissement des investissements industriels, et dépendra de la conjoncture économique, de l’effet « confiance » que le gouvernement aura su rétablir et de la capacité des entreprises à utiliser ces mesures en dépit d’une situation souvent difficile pour elles.
Ces mesures pourraient aussi avoir un effet négatif : le surcoût entraîné par les mesures serait soit financé par de l’endettement (c’est-à-dire des impôts futurs) soit par des prélèvements obligatoires qui entraveront la consommation, l’épargne et l’investissement. L’essentiel de l’investissement est réalisé par le secteur privé (81,5 %), que ce soit par les entreprises (57,5 %) ou par les ménages (24 %). L’investissement privé représente également plus de 16,5 % du PIB, alors que l’investissement total approche les 20 %, comme on peut l’observer sur le graphique ci-dessous. Quant à l’investissement public, il représente tout de même 18,5 % de l’investissement total mais à peine plus de 3 % de la valeur ajoutée totale. C’est pourquoi des mesures visant à relancer l’investissement des entreprises non financières et industrielles par des impôts futurs, de l’endettement et des niches fiscales supplémentaires ont un caractère éminemment politicien à deux ans des élections présidentielle et législatives. Le gouvernement cherche à créer un effet d’aubaine qui lui permettrait éventuellement de dynamiser l’investissement dans les deux prochaines années, afin de pouvoir mettre une potentielle relance artificielle à son crédit plutôt qu’au bénéfice de la conjoncture internationale. Il s’agit donc essentiellement d’une mesure politicienne dont les effets seraient détruits à la fin de la mesure.
Par ailleurs, comme on le constate sur le graphique ci-dessous, le poids de l’industrie manufacturière dans la valeur ajoutée totale créée par les entreprises est en décroissance constante depuis 1983, atteignant un peu plus de 11 % en 2013, même s’il y a une certaine stabilisation depuis 2009. Or, les investissements industriels sont généralement plus lourds et plus difficiles à amortir que les investissements dans les nouvelles technologies de l’information et de la communication, dans le secteur numérique ou dans les industries technologiques à forte valeur ajoutée, où un apport en capital humain et financier peut être suffisant pour accroître la productivité et la compétitivité. Le choix de se focaliser sur les investissements en biens d’équipement industriel peut donc paraître contestable, sachant que le déclin de l’industrie manufacturière française a été constant depuis une trentaine d’années et que l’investissement industriel ne dépend pas des mesures fiscales du gouvernement, mais bien des besoins de l’entreprise.
Conclusions
L’IREF évalue donc que le plan Valls pour l’investissement pourrait conduire au maximum à une augmentation des investissements de l’ordre de 27,7 milliards d’euros essentiellement sur la période 2015-2016, mais qu’il serait suivi dès la fin du plan (avril 2016 pour le suramortissement) d’une baisse de l’investissement. Les mesures proposées comportent une forte composante sectorielle et sont sujettes à une grande incertitude liée à l’évolution de la conjoncture économique. L’effet d’aubaine provoqué ne fera sans doute que détourner une partie de la trésorerie disponible des entreprises pour favoriser des achats de biens d’équipement quiauraient pu être reportés, au détriment d’autres dépenses. La distorsion de l’allocation naturelle du capital par des mécanismes d’avantages fiscaux à court terme est souvent source d’inefficacités, de gaspillages et de détournement des flux de trésorerie. La productivité du travail et la productivité du capital pourraient ne pas être autant améliorées par des investissements massifs que si les décisions des entrepreneurs étaient prises librement dans un contexte de fiscalité plus raisonnable et stabilisée. Ces mesures sont une niche de plus, et comme toutes les niches ceux qui vont en profiter le feront au détriment de ceux qui les financeront.
Pour libérer l’investissement, il faudrait plutôt libérer l’initiative privée en proposant des taux d’imposition et des conditions d’exercice attractifs. C’est pourquoi l’IREF propose de baisser l’IS et de réformer le carcan administratif des entreprises françaises, plutôt que de trouver des rustines court-termistes qui ne feraient qu’accentuer la difficulté de la reprise économique. Avec une baisse de l’IS, les entreprises auraient un message clair de la part du gouvernement qui pourrait les inciter à investir le surcroît disponible de trésorerie entraîné par la baisse des taux. En outre, le plan se focalise essentiellement sur l’activité industrielle, alors que l’économie immatérielle, l’économie numérique et le secteur des nouvelles technologies (NBIC, NTIC) sont les véritables futurs viviers de croissance et d’emploi. Une baisse générale de l’IS pourrait justement permettre aux start-ups du numérique de se développer dans un contexte favorable à l’entreprise.
2 commentaires
L'incompétence !
Toutes ces mesurettes imaginées par nos technocrates incompétents sont destinées à noyer le poisson. Leurs habitudes consistent à créer des textes incompréhensibles et imbéciles par leur complexité afin de faire croire à leur efficacité.
La seule mesure à prendre pour relancer massivement l'économie est D'INSCRIRE DANS LA CONSTITUTION:
– L'interdiction pour tout gouvernement de prélever plus de 30 % de la richesse créée par le secteur privé – contre 80 % à ce jour – tous impôts taxes et charges confondus, sous peine de destitution immédiate.
– L'obligation de justifier auprès de tous les contribuables de l'utilisation des 30 % confiés à l'état (publications par une cour des comptes privée, indépendante du pouvoir politique, en charge de contrôler cette saine gestion et dotée du pouvoir de licencier sur le champ les irresponsables).
Il n'y aurait plus d'énarques au pouvoir car il seraient virés pour incompétence dans le mois qui suivrait leur nomination et remplacés par des personnes honnêtes, compétentes et sachant gérer les impôts des Français. Il y aurait ENFIN des comptes à rendre.
Le bon sens triompherait après 35 ans de laxisme socialo-bolchévique qui ont conduit la France dans le mur et à la faillite.
La simplification à la Française !
Je reproduis ci-après le début du 3ème paragraphe de Marc LASSORT.
"La mesure fiscale principale consiste à permettre aux entreprises de suramortir les investissements en les calculant sur une base égale à 140 % (et non 100 %) de la valeur des biens acquis, soit par exemple pour un bien amortissable sur 5 ans, une économie annuelle d’impôt sur les sociétés pendant 5 ans égale à 2,66% de la valeur de l’investissement (33,33% d’impôt multiplié par un cinquième du surplus de 40% de l’investissement considéré). Ce suramortissement de 40 % serait applicable pour les investissements réalisés entre avril 2015 et avril 2016."
Il suffit ensuite de diviser ce que vous auriez pu trouver par le nombre de crétins qui ont conçu cette mesure fiscale d'une extrême simplicité.
Comprenez-vous pourquoi la France est cuite ?