Chaque mois l’équipe du Professeur Enrico Colombatto (Université de Turin, administrateur de l’IREF) publie une lettre d’information sur la situation monétaire et bancaire en Europe. Résumé de la lettre de mars 2013 rédigée par Kevin Dowd et Gordon Kerr.
En Europe – Le consensus de l’austérité
L’optimisme de janvier a fait place au pessimisme en février. La fracture économique est de plus en importante entre les pays européens du nord et du sud.
La chute du gouvernement slovène et celle de l’administration bulgare ont ravivé les craintes. Mais les élections italiennes les ont occultés : la percée de Beppe Grillo illustre le mépris des partis traditionnels. Quant au parti de centre gauche de Bersani et de centre droit de Berlusconi, aucun n’a pris d’engagement sur des réformes structurelles.
L’Europe s’enfonce globalement dans la crise avec un ralentissement de l’activité industrielle et de service. La Commission européenne prévoit une contraction de 0,3% en 2013 et une augmentation du chômage pour arriver au taux de 12,2% sur l’ensemble de la zone.
La crise risque de s’étendre d’autant plus que l’austérité est difficile à faire accepter. La prochaine phase de la crise risque de concerner des pays plus grands tel que la France, incapable par ailleurs de tenir son objectif de réduction de son déficit à 3% en 2013.
L’Allemagne et la Commission européenne devraient être en faveur d’une plus grande austérité, de peur que les autres pays n’aient pas d’autre incitation pour réformer leurs économies. En outre les demandes de renflouements risquent de devenir de plus en plus nombreuses de la part de pays dont la dette est déjà au-dessus du niveau critique des 120% du PIB.
Banques centrales – Liquidation de l’Irish Bank Resolution Company (IRBC)
La IBRC est liquidée par la banque centrale irlandaise. L’Irlande a renégocié l’accord avec la BCE sur la dette de cette banque.
Ce qui est à retenir pour les autres pays européens est l’accord concernant la dette nationale. L’importance de ces accords renégociés se mesure par rapport à la théorie même de l’assouplissement quantitatif et souligne les règles délicates dont dépend l’assouplissement quantitatif pour préserver sa légitimité en tant qu’instrument de politique monétaire. Selon les documents disponibles, il est clair que l’accord original de la BCE (2009) pour la banque centrale d’Irlande (BCI) de monétiser ses 25 milliards d’euros de billets à ordre de son gouvernement, spécialement créés pour l’IBRC, était conditionné au remboursement complet par le gouvernement irlandais, de sorte que les euros ainsi créés seraient renvoyés à la BCE et détruits.
Parce que cela avait été créé selon les règles du dispositif d’apport de liquidité de la BCE en 2009, l’Irlande a aussi accepté les pénalités attenantes, soit des paiements d’environ 3 milliards d’euros pour chacune des dix premières années. Ces billets très couteux ont été annulés le 7 février et remplacés par 7 tranches de crédit d’obligations à taux variable avec des échéances échelonnées de 25 à 40 ans, mais à des taux d’intérêts espérés d’au moins 5% en dessous du rendement des vieux billets. C’est très attractif pour les contribuables irlandais : il est plus intéressant de posséder une dette de 25 milliards d’euros remboursable sur 35 ans à un taux de 4% qu’un amortissement rapide sur 15 ans avec un coupon de 9% sans option de remboursement avancé.
Le nouvel accord trouvé permet de lever la pression sur le gouvernement irlandais pour qu’il effectue de nouvelles coupes dans les dépenses nationales. C’est un signal envoyé aux autres pays : le dispositif d’apport de liquidité est sujet à renégociation.
Banques – Chutes et mauvais résultats
La plupart des banques européennes ont de mauvais résultats en février. La Société Générale (France) a perdu 476 millions d’euros au 4e trimestre 2012 et Commerzbank (Allemagne) 720 millions d’euros.
En Grande-Bretagne, les banquiers britanniques montrent la voie pour transformer les pertes en « bonne nouvelle ». RBS a perdu 5 milliards de livres et Lloyds environ 500 millions de livres. Chacune de ces banques est impliquée dans le scandale du LIBOR. Selon les règles de Bâle II, les grandes banques procèdent à leur propre notation et la font valider par des régulateurs nationaux auprès desquels un lobby important est mené pour obtenir une baisse des capitaux requis. En conséquence, le résultat net a été l’augmentation du poids du système bancaire.
Ayant trouvé une manière de contourner la rigueur de Bâle III, de nombreuses banques ont donc pu ainsi annoncer des gains. Le prix des actions a augmenté. Deustche Bank s’est vanté ainsi de ses actifs pondérés en fonction des risques diminuant de 26 milliards d’euros au 4e trimestre 2012. UBS a annoncé un bénéfice de 8 milliards de francs suisses. SEB (Suède) et BCP (Portugal) ont aussi fièrement annoncé la reclassification de leurs actifs pondérés en fonction des risques.
Devons-nous être horrifiés ? Si cette attitude bancaire peut conduire le lecteur à se demander quelle est la qualité réelle du contrôle des banques centrales, ce n’est rien en comparaison de Monte Dei Paschi en Italie. Des nouvelles récentes suggèrent que les responsables ont obtenu un renflouement secret de 2 milliards d’euros de la Banque d’Italie dans des placements structurés dopant ainsi le soutien des prix du marché.