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La fiscalité et la démocratie

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L’inflation fiscale atteint aujourd’hui la plupart des démocraties occidentales. La crise y est sans doute pour beaucoup. Mais de façon récurrente se pose aussi le problème de la gestion démocratique de la fiscalité. Une minorité de contribuables prise pour cible par la majorité des élus peut-elle se défendre ? A l’inverse pourquoi une minorité de contribuables peut-elle obtenir des privilèges fiscaux ?

Maître Jean Philippe Delsol se pose ces questions.

L’inflation fiscale atteint aujourd’hui la plupart des démocraties occidentales. La crise et les débauches de financements publics qu’elle a inspirées y sont sans doute pour beaucoup. Mais de façon récurrente se pose aussi la question de la gestion démocratique de la fiscalité.

La démocratie génère-t-elle une « bonne » fiscalité ou, au contraire, nuit-elle à l’optimisation fiscale? Dans ce débat, certains soutiennent volontiers que le niveau de la pression fiscale est un bon baromètre de la démocratie : celle-ci exigerait des prélèvements élevés pour satisfaire aux impératifs sociaux, les impôts devraient donc croître proportionnellement avec la démocratie.

Nous ne sommes pas certains que le lien soit si évident. Il pourrait même être plutôt inversement proportionnel. En fait, le niveau d’imposition est très variable selon les démocraties. Le processus démocratique peut conduire tantôt au despotisme fiscal tantôt à une neutralité fiscale qui concilie niveau des prélèvements et respect des droits individuels.

Les riches peuvent payer

C’est la grande idée à la mode, et de nombreuses démocraties s’engagent depuis un an dans la voie d’un nouveau tour de vis fiscal pour frapper « les riches ».

Aux USA, la marche forcée du Président Obama pour instaurer une assurance santé publique devrait entraîner aussi une augmentation de 2,9%, voire 3,8% des impôts pour les contribuables titulaires de revenus annuels supérieurs à 200 000$ (250 000 pour un couple). Ces augmentations frapperont l’intégralité des revenus dès lors qu’ils dépasseront les seuils indiqués, même d’un seul dollar. Et, pour la première fois, ce nouvel impôt ne touchera pas seulement les revenus du travail, mais aussi les intérêts, dividendes, plus-values…, à la façon de notre CSG. Comme par ailleurs, les réductions d’impôt consenties par le Président Bush pour faire face à la crise seront à leur terme au 31 décembre 2010 et ne seront pas reconduites, le taux de taxation des plus values sera porté de 15 à 22,9 ou 23,8% et le taux maximum d’imposition des dividendes passera à 42,5 ou 43,3%.

Au Royaume Uni, le Gouvernement taxe depuis l’an dernier tous les « non domiciliés » à un impôt minimum annuel de 30 000£ et a instauré désormais le doute sur la stabilité du système fiscal anglais. Voilà qui d’ores et déjà a incité nombre de fortunes à aller chercher ailleurs des havres de paix. Cette année, le Ministre des finances, Alistair Darling, a proposé de porter de 40 à 50% le taux de la tranche supérieure de l’impôt sur le revenu au-delà de 150 000£.

En France enfin, le taux marginal de prélèvement sur le revenu a été porté depuis deux ans, avec les augmentations de CSG, à un taux de 50 à 52,1%, ce qui est pour le moins surprenant lorsque dans le même temps est mis en place le bouclier fiscal pour éviter que l’imposition globale dépasse 50% des revenus.

Le despotisme majoritaire

Dans un régime qui soumet la loi fiscale à la majorité des électeurs, les contribuables fortunés ont un pouvoir de défense très limité. Ils comptent peu parce qu’ils ne forment que de tout petits bataillons d’électeurs, perdus d’avance face à l’armée des revenus moyens ou plus modestes encore.

Les élus démocrates américains se moquent pas mal des 1,2 millions de contribuables concernés par le financement des lois Obama parce qu’ils ne forment qu’une petite minorité. Selon les estimations de l’Institute for Research on the Economics of Taxation, ce nouveau prélèvement fiscal, estimé à 183,6 milliards sur les 10 prochaines années, devrait peser à raison de 86% de son montant sur les 1,2 millions d’américains gagnant plus de 624 000$ par an. Or, ce sont aussi ceux qui contribuent le plus à l’investissement et au développement économique. Cet Institut estime ainsi que la nouvelle taxe réduira le PIB de 1,3% et la formation de capital de 3,4%, ce qui devrait également abaisser de 1,1 à 1,2% le revenu net de tous ceux qui ne la payeront pas.

Selon l’Institute for Fiscal Studies, seulement 350 000 contribuables britanniques gagnent plus de 150 000£ et le Labour se préoccupe peu de cette frange marginale de son électorat. Pourtant la célèbre « courbe de Laffer » et les études sur ce sujet convergent pour démontrer qu’au delà d’un taux de 40%, l’imposition des revenus est contreproductive. Pour ce qui concerne les contribuables « non domiciliés », les majorités politiques s’en soucient moins encore car ces gens là ne votent pas ! Mieux encore : taxer les riches – ou soit disant tels – permet aux élus populistes de convaincre en leur faveur des électeurs de gauche hésitants. Les gouvernements désignent des boucs émissaires : les banquiers, les directeurs et traders avec leurs bonus, les hedge funds (qui pourtant ont moins pénalisé les épargnants que les autres fonds).

L’abus de minorité

Mais paradoxalement tandis que la majorité impose sa loi, la démocratie suscite aussi des lobbies qui organisent les intérêts de groupes particuliers au détriment des autres, et parfois de la majorité, pour obtenir subventions, déductions fiscales ou crédit d’impôts, dépenses publiques… Les gouvernements ou les majorités politiques cèdent à ces intérêts particuliers pour recueillir leurs voix et plus généralement leur soutien. La plupart des niches fiscales sont le fruit de ces marchandages implicites ou explicites au terme desquels certains obtiennent quelque chose au détriment de tous les autres. En France, ces niches fiscales représentent 72 milliards d’euros collectés auprès de tous les contribuables au profit de quelques heureux élus qui ont su mieux se faire entendre des pouvoirs publics. Sans ces niches fiscales la majorité aurait bien du mal à faire passer la plupart de ces débordements fiscaux.

La diversité démocratique

La réalité démocratique est assez diverse, le niveau de démocratie étant lui-même variable avec les pays, mais aussi la façon dont la démocratie est vécue :

– Au niveau zéro de démocratie, on observe que les pires totalitarismes, comme la Corée du Nord ou Cuba, sont des pays où tout est à l’Etat, c’est à dire où tout est impôt ou presque.

– D’autres dictatures, avec des démocraties de façade (où les élections ne sont pas libres), notamment dans les pays sous développés, sont des pays où le pouvoir est peu soucieux de dépenses sociales et où la pauvreté est trop grande pour que les prélèvements puissent y être importants.

– Presque tous les paradis fiscaux sont des démocraties, car à la différence des dictatures, imprévisibles et arbitraires, ces pays offrent la paix et la stabilité que requiert par définition tout « paradis ».

– Mais toutes les démocraties ne sont pas des paradis fiscaux. Tout au contraire, en même temps qu’elles se développent, elles ont tendance à enfler des coûts sociaux exigés tour à tour par les groupes d’intérêts privés dont elles dépendent ou croient dépendre pour former des majorités. « Ces grands avantages de la liberté, observait Montesquieu (Esprit des lois, Livre XIII), ont fait que l’on a abusé de la liberté même. Parce que le gouvernement modéré a produit d’admirables effets, on a quitté cette modération ; parce qu’on a tiré de grands tributs, on en a voulu tirer d’excessifs; et, méconnoissant la main de la liberté qui faisoit ce présent, on s’est adressé à la servitude qui refuse tout. La liberté a produit l’excès des tributs; mais l’effet de ces tributs excessifs est de produire à leur tour la servitude, et l’effet de la servitude, de produire la diminution des tributs ».

Finalement, tout est peut-être question de proportion et de raison. Certains pays de la vieille Europe, dont la France, ont institué des prélèvements publics de 50% plus élevés que ceux du Japon ou des Etats Unis. Ils se prétendent tous démocrates, mais ceux-là le sont peut-être moins que ceux–ci précisément parce qu ils font peser sur leurs citoyens une charge abusive et attentatoire à leur liberté. C’est encore Montesquieu qui pourrait avoir le dernier mot : « Que quelques citoyens ne paient pas assez, le mal n’est pas grand; leur aisance revient toujours au public; que quelques particuliers paient trop, leur ruine se tourne contre le public. Si l’État proportionne sa fortune à celle des particuliers, l’aisance des particuliers fera bientôt monter sa fortune».

Les citations de Montesquieu nous prouvent que le problème n’est pas d’aujourd’hui, et que les solutions sont sans doute les mêmes qu’il y a trois siècles : éviter les dérives de la démocratie et, pour ce faire, limiter les pouvoirs du législateur et de l’exécutif. La loi fiscale doit respecter les droits individuels, à commencer par la liberté et la propriété qui va de pair.

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3 commentaires

Anonyme 7 avril 2010 - 11:28

la fiscalit
je propose qu’on fasse graver en lettres d’or dans le vestibule de l’Assembl

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Anonyme 8 avril 2010 - 8:15

Reponse au commentaire de anonyme
Vous avez raison, mais il faut surtout ajouter:S

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ernewein jacques 8 avril 2010 - 12:19

la fiscalit
Cette pens

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