« Au passage, l’idée selon laquelle la concurrence contribuerait à faire baisser les prix dans l’énergie est tout sauf évidente ». Henri Proglio, PDG d’EDF, Le Figaro, 12 février 2010. En passant de Veolia à EDF Henri Proglio a-t-il troqué son habit d’entrepreneur pour un costume de syndicaliste ? Michel Gâche s’interroge.
Quand il était à la tête de Veolia, Henri Proglio a défendu dans le monde entier et avec succès l’ouverture à la concurrence de tous ses métiers : Transport ferroviaire, Eau, Assainissement, Autocar, Transports urbains. Certainement pour défendre l’intérêt de son entreprise, mais on espère aussi parce qu’il était convaincu que la concurrence garantit des services et des prix optimums. Hasard et ironie, ce même jour, 12 février, Veolia a obtenu le droit de concurrencer la SNCF sur les trains internationaux. Apparemment, il n’aurait fallu que deux mois à Henri Proglio pour changer d’avis, ou bien agit-il seulement pour motiver les personnels d’EDF ? Ce genre de conversion est fréquent. Quelque chose entre le syndrome de Stockholm, où l’otage finit par sympathiser avec ses geôliers, et Becket, à peine nommé archevêque par son compagnon de débauche Henri II, qui va jusqu’au martyre pour défendre l’Eglise.
Cette prise de position est inquiétante, au moment où les inconvénients du monopole d’EDF sont évidents : conflit entre deux monopoles (AREVA / EDF), échec à l’exportation, retards et surcoûts dans les chantiers, faible disponibilité des centrales nucléaires, coupures d’électricité et dictature des syndicats. Et bien sûr, inconnue sur les prix dont personne ne sait s’ils sont trop élevés (voir le tollé quand EDF a voulu les augmenter) ou pas assez pour qu’EDF puisse investir.
Les prix de l’électricité sont assez bas en France, mais quand même très supérieurs pour l’industrie à ceux pratiqués en Suède. Ce qui tend à montrer que les prix sont surtout fonction du mode de production (hydraulique en Suède, nucléaire en France). Il est donc impossible de dire qu’en France, les prix sont bas grâce au monopole, alors qu’ils sont bas grâce au nucléaire et sans doute en dépit du monopole. Ils pourraient être encore plus bas si la France disposait de plusieurs entreprises électronucléaires en concurrence. Toutes choses égales par ailleurs, un concurrent d’EDF où le personnel serait employé aux conditions des autres industries françaises pourrait économiser des milliards d’euros par an. Le régime spécial de retraites, le Comité d’Entreprise EDF et la gratuité de l’électricité coûtent très cher, et des possibilités d’économie existent sans doute dans de multiples autres domaines[1]. Mais pour le savoir précisément, il faudrait qu’il existe des concurrents.
Même si Henri Proglio a simplement voulu faire plaisir à la CGT, il est inquiétant qu’un dirigeant venu d’une entreprise privée et nommé par un gouvernement qui n’est pas de gauche émette de telles opinions. Des années d’efforts pour améliorer l’éducation à l’économie de nos concitoyens ont été ruinées en un instant. Le bon sens et l’expérience le prouvent : la concurrence fait baisser les prix et augmente la qualité de service, même dans des activités d’industrie en réseau comme le chemin de fer, les télécommunications ou l’électricité.
[1] EDF n’a peut-être pas eu de chance, mais le best-seller « Bonjour paresse ! » se passait dans ses bureaux.