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Les émissions de gaz à effet de serre de l’Allemagne ont augmenté au cours de la dernière décennie

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Une nouvelle série de mesures fiscales et de subventions prévoit des dépenses supplémentaires et une taxe sur le dioxyde de carbone dans certains secteurs. Les mesures proposées pourraient conduire à l’inefficacité économique.
La politique est un compromis entre l’imaginable et le réalisable, et la politique climatique allemande est un cas d’objectifs ambitieux freinés par la réalité. Les dernières tentatives de Berlin pour établir un équilibre se sont soldées par des complications et des contradictions.

Les politiques climatiques peuvent être évaluées en termes d’objectifs, d’instruments et de résultats. L’Allemagne a des objectifs ambitieux depuis longtemps. Des critiques de tous horizons politiques et économiques ont souligné le décalage entre ces objectifs et ces instruments. Les résultats des politiques sont également mitigés. L’ensemble des nouvelles dispositions proposées par le gouvernement allemand en septembre 2019 risque d’aggraver encore la situation.

Des résultats médiocres

L’Allemagne se classe au sixième rang mondial pour les émissions de gaz à effet de serre (GES), avec une part de 2,1 pour cent du total mondial. Le pays vise une réduction de 40 % d’ici 2020, de 55 % d’ici 2030 et de 95 % en 2050, par rapport aux niveaux de 1990. La part des énergies renouvelables dans la consommation finale brute d’énergie devrait atteindre 60 % d’ici 2050.

La réalité, cependant, raconte une histoire différente. L’Allemagne est en train de supprimer progressivement l’énergie nucléaire et l’énergie au charbon et a investi des centaines de milliards d’euros dans le passage aux énergies renouvelables. Pourtant, la part des énergies renouvelables dans la consommation d’énergie allemande était d’environ 35 % en 2018. Alors que sa capacité de production a augmenté d’environ 145 % au cours de la dernière décennie, sa part de la consommation d’électricité n’a augmenté que d’environ 130 %. Cela montre que les énergies renouvelables n’ajoutent pas d’efficacité au bouquet énergétique ; le taux d’augmentation n’atteint pas non plus les objectifs climatiques officiels du pays.

L’Allemagne se classe au sixième rang mondial pour les émissions de gaz à effet de serre.

Plus important encore, les émissions de GES ont augmenté au cours de la dernière décennie. Par exemple, en 2009, l’Allemagne a émis 788 924 tonnes de dioxyde de carbone, soit une réduction d’environ 24 % par rapport à 1990 ; en 2017, le pays avait augmenté ses émissions à 797 966 tonnes, soit environ 24 % de moins qu’en 1990 mais toujours une augmentation d’environ 1 %. Au cours de la même période, l’économie allemande a connu une croissance d’environ 8 %. D’une part, ces chiffres impliquent que l’économie allemande a augmenté son efficacité climatique depuis qu’elle a réduit ses émissions par unité de produit intérieur brut (PIB). D’autre part, l’Allemagne a des objectifs absolus de réduction des émissions, qui ne peuvent pas s’adapter à la croissance démographique ou économique.

Bien que les résultats ne soient pas nécessairement mauvais, ils sont bien en deçà de l’objectif du gouvernement pour 2020. Face à cette lacune, la chancelière allemande Angela Merkel a décidé d’abandonner les objectifs 2020 tout en continuant à s’y engager pour 2030 et 2050. Une fois acclamée « chancelière du climat », Mme Merkel a dû faire face à des réactions politiques défavorables pour prendre sa décision. Les protestations de plus en plus militantes exigent plus d’action de la part du gouvernement. En outre, le non-respect de ses objectifs de réduction des émissions pourrait coûter cher à l’Allemagne. En vertu des règles de l’Union européenne, le pays pourrait se voir infliger une amende – les observateurs le stipulent en milliards d’euros – à partir de 2021 s’il ne respecte pas les objectifs de réduction des émissions de l’Union.

C’est dans ce contexte qu’a été créé le package climat de septembre 2019.

Impôts et subventions

Le package ne modifie pas les objectifs de réduction des émissions, mais met en œuvre de nouveaux instruments politiques. Il prévoit des dépenses publiques supplémentaires d’environ 54 milliards d’euros pour des activités liées au changement climatique. Elle introduit également une taxe sur les émissions de dioxyde de carbone dans certains secteurs. Selon le gouvernement allemand, le package est budgétairement neutre, ce qui signifie que les dépenses sont compensées par des impôts ainsi que par des réductions dans d’autres programmes, même dans les programmes environnementaux. Le kit complet est le suivant :

A partir de 2021, les progrès accomplis dans la réalisation des objectifs de réduction des émissions feront l’objet d’un suivi annuel secteur par secteur ; dans les secteurs sous-performants, les ministères respectifs auront trois mois pour proposer de nouvelles mesures.
L’achat de voitures électriques et le remplacement des systèmes de chauffage à combustibles fossiles par des technologies respectueuses de l’environnement bénéficieront de subventions substantielles.
L’installation de chaudières au fuel sera totalement interdite à partir de 2026.
Le prélèvement actuel sur le transport aérien sera augmenté. Parallèlement, la taxe sur la valeur ajoutée sur les billets de train sera réduite et le réseau ferroviaire sera étendu. De plus, les trains régionaux ou de banlieue pourront augmenter leurs déductions fiscales.
Une nouvelle taxe sur les émissions de dioxyde de carbone dans les transports et le chauffage sera introduite en 2021, à partir de 10 euros par tonne. Il doublera à 20 euros en 2022, puis augmentera de 5 euros par an, jusqu’à 35 euros en 2025.
Des exigences politiques différentes sont toutefois sensiblement absentes du package, par exemple :
Une taxe générale sur le dioxyde de carbone d’environ 45 euros par tonne d’émissions sur toutes les activités, y compris la consommation et l’investissement.
Interdiction des vols intérieurs et restructuration de la taxe sur le transport aérien par une taxe sur les émissions.
Éliminer progressivement l’utilisation du charbon et des autres combustibles fossiles d’ici 2038.
Durabilité et « écologisation » des activités financières.
Instruments supplémentaires ou renforcés pour les énergies renouvelables.

Pas d’éloges

Immédiatement après sa publication, le package a fait l’objet de critiques publiques en Allemagne. Selon un sondage réalisé par la chaîne de télévision publique allemande ARD, 63 % des électeurs estiment que le gouvernement devrait donner la priorité à la protection du climat plutôt qu’à la croissance économique. Seulement 24 p. 100 croient que la croissance économique devrait être une priorité. La taxe sur les émissions de dioxyde de carbone a été critiquée parce qu’elle est trop faible. L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a calculé qu’une taxe effective sur les carburants qui reflète le coût climatique des émissions de carbone devrait être supérieure à 30 euros par tonne émise. Dans les médias allemands, les économistes ont tendance à convenir que la nouvelle taxe devrait être d’au moins 50 euros pour fournir une incitation adéquate.

Aux yeux des critiques, augmenter les déductions fiscales pour les trains régionaux et de banlieue et réduire le coût de l’électricité – l’un des plus élevés d’Europe – saperait les efforts du gouvernement allemand pour inciter davantage de personnes à économiser le carburant et l’énergie. Par ailleurs, le décalage entre les objectifs et les instruments persiste, en particulier en ce qui concerne les énergies renouvelables. Il n’a fait l’objet d’aucune mesure dans le package.

Le mouvement vert, en particulier, attendait un calendrier détaillé pour l’interdiction de tous les combustibles fossiles, ainsi que des objectifs plus ambitieux comme un nouvel objectif de réduction des émissions. Les ministres de l’environnement du Danemark, de la France, de la Lettonie, du Luxembourg, des Pays-Bas, du Portugal, de l’Espagne et de la Suède ont écrit une lettre aux autres États membres de l’UE, les exhortant à réduire leurs émissions de 55 % plutôt que 40 %. Le gouvernement allemand a refusé de se joindre aux signataires.

La plupart de ces critiques s’appuient sur l’idéologie ou l’opportunisme politique. D’un point de vue plus économique, cependant, le package allemand ne mérite pas non plus d’éloges. De toute évidence, c’est incohérent. Comme nous l’avons souligné précédemment, elle augmente et diminue simultanément les coûts des émissions. Mais plus important encore, elle sélectionne les instruments sans tenir compte de leur efficacité.

Prenons l’exemple de la taxe carbone. La Suède et la Suisse appliquent des taxes similaires à des taux beaucoup plus élevés, supérieurs à 100 euros par tonne. Si ces pays ont pu réduire leurs émissions, ils l’ont fait dans des secteurs non couverts par la taxe. Dans les transports et le chauffage, visés par la taxe, il n’y a eu aucune réduction importante des émissions. Pourtant, l’Allemagne envisage d’appliquer la taxe à ces secteurs.

Subventionner certaines technologies au détriment d’autres est une pratique potentiellement dangereuse. Premièrement, les subventions conduisent à l’inefficacité économique des technologies soutenues. L’Allemagne doit tirer les leçons de son passé. Ses prix de l’énergie sont parmi les plus élevés d’Europe, tandis que la productivité des fournisseurs d’énergie est parmi les plus faibles. C’est le fruit direct d’un réseau dense de subventions qui sont versées même en l’absence de production d’énergie. Deuxièmement, subventionner des technologies spécifiques est un pari contre tout autre développement technologique.

C’est particulièrement discutable pour un pays caractérisé par sa structure décentralisée et une base industrielle importante de freiner le transport. Le secteur garantit non seulement le fonctionnement de la chaîne d’approvisionnement allemande, mais distribue également la capacité de production dans tout le pays. Il intègre les régions périphériques dans l’économie et profite aux citoyens à faibles et moyens revenus. Les coûts économiques de l’ingérence sont exorbitants. Le fait de les cibler contre le changement climatique creuse encore davantage le fossé politique sur ce qui devrait venir en premier.

Les subventions conduisent à l’inefficacité économique des technologies soutenues.

En outre, le package laisse une marge de manœuvre massive pour l’intervention du gouvernement. Le processus de contrôle annuel qu’il prévoit gonfle l’administration allemande déjà baroque. Obliger les ministres à concevoir chaque année de nouveaux instruments ouvre la porte à l’activisme politique.

Enfin, même les économistes de gauche ont noté que les 54 milliards d’euros seraient dépensés d’ici 2023. Cela ne fait que confirmer que ce train de mesures n’est que la première étape d’une série de dépenses et d’interventions gouvernementales accrues. La chancelière Merkel a fait remarquer que la politique est l’art du possible. Mais ce package est au contraire l’incarnation même de l’inimaginable.

Henrique Schneider
Cet article a été publié en anglais sur le site Geopolitical Intelligence Services.

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1 commenter

Gian 30 novembre 2019 - 8:17

On marche sur la tête !
Toutes ces dépenses ne leur servent qu'à s'acheter une conscience écologique.
Le jour où nos dirigeants et leurs cohortes de bien-pensants décideront de s'en acheter une économique, en suivant les mêmes schémas, ça sera la catastrophe.

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