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Rejet de Sylvie Goulard : le mépris et l’arrogance

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Ainsi au terme de deux auditions successives et après un vote sans appel, le Parlement européen vient d’écarter définitivement la candidate française du portefeuille stratégique de commissaire en charge du marché intérieur. Même si le poste semble être présentement encore réservé à la France, c’est quand même la première fois dans l’histoire de l’Union européenne qu’une candidature française se trouve ainsi frontalement rejetée. Visiblement meurtri dans la haute conception qu’il a de lui-même et de la sûreté de ses choix, le Président français a beau interpeler la présidente de la Commission, prétendre qu’il ne comprend pas et que cet affront provient en réalité de basses manœuvres politiciennes, l’échec, qui retentit malheureusement aussi sur la France, était pourtant parfaitement prévisible.

En effet, on ne se présente pas comme le nouveau phénix d’une Union qui se fissure, celui qui allait tout changer ou presque, on n’écarte pas de la présidence de la Commission une candidature majoritaire selon la règle jusqu’alors en vigueur, on n’œuvre pas en sous-main pour le rejet des candidatures hongroises et roumaines, on ne bat pas froid à ceux qui ne participent pas à l’alliance franco-allemande, sans provoquer quelques violents remous, ni sans nourrir quelques solides rancœurs au sein d’une Europe qui a eu le tort de pas tomber en pâmoison lors de la rocambolesque élection du nouvel arrivant. Alors:
-quand le maître de céans se permet de proposer comme commissaire européen une proche qui, en dépit de ses qualités évidentes, se trouve avoir dû être exfiltrée du gouvernement français, parce que la justice de son pays a ouvert une enquête sur de possibles infractions tenant au dévoiement partisan de l’assistance parlementaire,
-quand on apprend en plus que la dame ne dédaignait pas d’arrondir son traitement de député européen avec de confortables compléments provenant d’une collaboration fort juteuse avec un cercle de réflexion américain,
le nouveau Parlement européen, qui entend asseoir son autorité, a sainement considéré que l’Europe n’était pas une instance de récupération des ministres déchus de la République française. Il a ainsi clairement signifié que ce qui n’était plus bon pour faire un ministre français – ou de toute autre nationalité – ne l’était a fortiori pas pour faire un éminent commissaire européen et qu’il n’entendait pas de plus qu’un élu ou un commissaire s’expose à un risque sérieux de se trouver en conflit d’intérêts. Donc rien de très surprenant, rien que de très logique qu’un esprit fort moins brillant que celui de notre Président ne puisse aisément comprendre.

Il reste que ce camouflet appelle réflexion. Le président Macron s’est lourdement trompé quand il a cru qu’il pouvait disposer du Parlement européen comme de notre Assemblée nationale, dont le président se trouve actuellement dans les rets de la justice. Car en fait, loin de disposer de l’Assemblée européenne, il l’a indisposée et les vieilles pratiques françaises ont suscité à Bruxelles beaucoup plus de procureurs que de défenseurs. Malgré les annonces solennelles d’une nouvelle moralité infiniment plus exigeante que l’ancienne, les recasements de proches, les rythmes fort contrastés et la vigilance très sélective de notre justice selon la teneur et les tenants des affaires ont clairement montré au peuple français que les anciennes pratiques n’étaient nullement révolues et que, si le pouvoir vante à l’envi les vertus de sa nouvelle lessive, elle est plus onéreuse (parquet financier + autres autorités de contrôle) et elle ne lave pourtant pas forcément plus blanc. C’est cette hypocrisie, cette tartufferie que les députés européens ont entendu sanctionner. Et pour peu qu’au lieu de regimber contre un refus parfaitement justifié, le chef de l’État prenne sereinement le temps d’analyser posément les causes de son échec et de réfléchir à ce qu’il faut résolument changer tant à son comportement personnel qu’à ses décisions, ce revers pourrait être bénéfique aussi bien pour sa vision européenne que pour la place de la France auprès de ses partenaires, comme pour la conduite de ses propres affaires.

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