Les rapports entre les actifs et les retraités sont actuellement à la fois tendus et malsains. En gros, les actifs reprochent aux retraités d’accaparer une part trop grande du PIB, notamment par rapport à des nations qui ont le plus souvent choisi à la fois des taux et des montants très inférieurs pour leurs cotisations-vieillesse et leurs pensions (ce qui chez nous, ne conviendrait probablement pas à tout le monde !). Inversement, il semble qu’un nombre important d’actifs n’aient pas encore réalisé qu’un jour ou l’autre, ils deviendront retraités et qu’ils risquent alors de payer fort cher tous les coups de canif sociaux et fiscaux qui sont aujourd’hui portés à la solidarité intergénérationnelle. Or il y a un autre fait qui échappe manifestement à la plupart des actifs : eux-mêmes n’ont jamais que l’expérience de leur carrière, alors que les retraités ajoutent à leur longue expérience d’actifs, celle irremplaçable de la retraite et le moins qu’on puisse dire est qu’avec cet « effet de parallaxe », les perspectives des uns et des autres sont radicalement différentes.
Pour l’actif et en dépit des incidents qui peuvent émailler et pénaliser sa carrière, l’objectif est de faire progresser sa rémunération en fonction de l’accroissement de son expertise et de sa productivité, de manière à bénéficier en fin de carrière de revenus d’activité sensiblement supérieurs à ceux de son début de carrière. Le retraité au contraire doit se dépouiller dès le premier jour de sa retraite de tout espoir de voir progresser le pouvoir d’achat de sa pension calée sur un indice officiel qui est très loin de retracer le coût véritable de la vie d’un senior. A cela s’ajoute le matraquage à la fois fiscal et social de règle sur ces dernières années. Si bien que les retraités constatent unanimement qu’au fil du temps le pouvoir d’achat de leurs pensions diminue en moyenne à un taux de 1 % par an, voire plus pour les mauvaises années (cf. la dernière majoration non compensée de la CSG). Naturellement cette détérioration chronique de son principal moyen d’existence inquiète profondément le peuple des retraités, qui redoute en sus toute nouvelle mesure accélérant encore un déclassement douloureusement ressenti.
Comment, dans le cadre d’une solidarité inter-générationnelle effective, concilier ces deux approches, toutes les deux légitimes quoique divergentes ? D’abord, il est indispensable qu’actifs et retraités cessent de se regarder en chiens de faïence et ensuite il est temps de reconnaître – dans toutes les institutions qui la concernent – à la collectivité des retraités la place et le rang de troisième partenaire social des retraites, à stricte parité avec les deux autres pôles que constituent pour les actifs, les salariés d’une part et les employeurs et indépendants d’autre part.
C’est d’ailleurs cette démarche que soutient le Mouvement national de défense des retraités, qui regroupe 32 associations, fédérations et confédérations nationales représentant tous secteurs, tous métiers et tous statuts (droit direct ou indirect) confondus, plus de deux millions de retraités. Fait encourageant, ce mouvement purement bénévole (qui s’est créé spontanément depuis moins d’un an avec l’appui du député Jean Lassalle et vient seulement de se faire connaître auprès des députés) a réussi sur une question – qui recevait régulièrement des réponses ministérielles toutes plus décevantes les unes que les autres – à convaincre 68 parlementaires de la majorité comme de l’opposition d’amender le projet de loi sur la réforme des retraites. Pour la première fois, ces représentants du peuple lucides et courageux ont clairement indiqué leur volonté d’introduire au sein d’une instance nationale de retraite – la future Caisse nationale de retraite universelle – une représentation collective nationale des retraités, à parité avec celle des autres partenaires sociaux.
Certes si elle n’est pas relayée par le Gouvernement, cette première avancée risque d’être insuffisante pour assurer immédiatement une juste représentation des retraités. Mais maintenant que l’idée est en quelque sorte officiellement lancée, on la voit mal s’arrêter, car avec 36% du corps électoral et le plus fort coefficient de participation électorale, les 17 millions de retraités ont certainement les moyens de peser sur les prochaines échéances majeures que constituent les élections présidentielles et législatives. Comment d’ailleurs la patrie des droits de l’homme pourrait-elle maintenir des années encore et au terme d’une longue vie de travail un apartheid social aussi absurde qu’injuste contre ses aînés, en piétinant ostensiblement l’objectif d’insertion sociale et de proximité que ne cessent de leur faire miroiter des discours officiels, dont les auteurs n’ont hélas pas eu le courage d’aller jusqu’au bout de leur logique ?
2 commentaires
La solidarité inter-générationnelle
– Ce concept de "solidarité inter-générationnelle" est pervers dans son principe car il s'agit une solidarité à sens unique : des jeunes sont exploités par des vieux ; de jeunes pauvres cotisent à perte au profit de plus riches qu'eux.
– Une solidarité saine doit être réciproque ; elle doit être de tous pour tous.
À JJNK: LA THÉORIE DU QUATRE-QUARTS
Vous êtes incontestablement dans l'air du temps, mais vous avez tort. Voici pourquoi. Ainsi vous-êtes vous demandé sur quelle base exactement les parents élèvent sans contre partie directe leur progéniture pendant une bonne vingtaine d'années, en prolongeant souvent leur action – quand ils le peuvent- par des aides financières ou en nature?
En réalité, Il faut qu'au lieu de s'opposer comme l'indique le titre de l'article, les générations demeurent raisonnables en admettant la théorie du quatre-quarts qui devrait normalement les réconcilier.
En effet, au regard de la solidarité , la vie humaine se découpe approximativement en quatre quarts de quelque 20 années chacun. Durant le premier quart de sa naissance à 20 ans et parfois plus, l'individu est solidairement débiteur à raison de l'entretien et de l'éducation qu'il reçoit. Durant les second et troisième quarts qui correspondent pratiquement à sa vie active, il devient solidairement créancier à la fois pour l'entretien et l'éducation de ses propres enfants et pour les cotisations qu'il verse afin d'assurer la retraite de ses parents. Enfin sur le dernier quart, il redevient solidairement débiteur à raison des pensions que lui assure les cotisations des générations suivantes.
Au total, deux décennies de solidarité active (créance), deux décennies de solidarité passive (dette) et vous trouvez que la vie est injuste? Le tout en provenance d'un vieil expert-comptable qui vous assure que tout ne se compte pas et même que souvent l'essentiel se situe au-delà des chiffres.
Cordialement: Th.B