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Pensés et impensés de la représentation proportionnelle

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Dans un entretien au Figaro, la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, n’a pas écarté l’option d’une augmentation des impôts ni la taxation des « superprofits » dans les grandes entreprises. Mais sa démagogie ne s’est pas arrêtée là. A l’image de François Bayrou, elle a proposé d’honorer l’imprudent engagement macronien de 2017 d’une « proportionnelle aux élections législatives ».

La proposition d’une représentation proportionnelle

La présidente de l’Assemblée nationale a proposé d’articuler la représentation proportionnelle (RP) à l’échelon départemental et ce, pour ne pas éloigner les Français de leurs élus, une vertu du scrutin majoritaire. Elle concernerait ainsi 26 % des députés.

Elle a proposé aussi d’éviter la RP intégrale au profit d’une « dose de proportionnelle » afin de « garantir une juste représentation, tout en conservant une stabilité pour gouverner et (là encore) une proximité des élus avec le territoire ».

Une proposition démagogique

La proposition ne vise pas à instaurer une RP, mais bien une « dose de proportionnelle ». Autrement dit, il s’agit d’un scrutin mixte, à l’image de beaucoup de modes de scrutin de par le monde. En effet, une RP intégrale serait, comme tous les exemples historiques le démontrent, un désastre, avec son lot d’absence de majorité à la sortie des urnes, de tractations entre partis politiques à l’issue du scrutin au détriment de la « souveraineté » de l’électeur, de risques de corruption pour acheter les voix de certains parlementaires afin de constituer une majorité, fût-elle branlante et fugace, enfin d’absence d’alternance politique du fait même de ces tractations entre partis.

Dès lors, quel est l’intérêt de prévoir une « dose de proportionnelle » ? L’objectif est toujours de représenter les minorités. Et c’est là que l’on se heurte à la quadrature du cercle. Soit il s’agit d’assurer une conformité entre les votes et le nombre de députés (par exemple 5 % de centristes de droite aux urnes, donc 5 % de députés), et la seule manière d’aboutir à cette « justice électorale » est de prévoir la RP intégrale… avec non plus le risque mais l’assurance d’aboutir à une assemblée fragmentée et ingouvernable. Soit il s’agit de juguler les risques d’instabilité propres à la RP intégrale et la représentation des minorités n’est plus que parcellaire, donc elle perd une grande partie de la vertu recherchée.

En l’espèce, la critique d’une chambre déconnectée des voix exprimées aux élections législatives tient d’autant moins que le scrutin actuel, le scrutin uninominal majoritaire à deux tours, permet aujourd’hui la représentation effective et en nombre des extrémistes de droite comme de gauche…

Représentation-miroir contre représentation-filtre

La présidente de l’Assemblée n’a pas posé pleinement les termes du débat : quelle représentation voulons-nous ? Une représentation-miroir qui tente d’assurer la conformité des élus aux voix ? ou une représentation-filtre qui permet d’éviter les tractations entre partis politiques postérieurement aux élections dans le dos des électeurs (il n’est que de voir l’exemple allemand) et qui assure un gouvernement stable ? Bizarrement, on est souvent favorable à la RP lorsque l’on pense en tirer les bénéfices, surtout lorsque l’on se trouve dans l’opposition…

Ajoutons que, contrairement  ce que l’on entend souvent dire, un mode de scrutin ne décide pas de tout ; la question des partis politiques est également d’une grande importance et, suivant le système des partis, un même mode de scrutin peut entraîner des conséquences fort différentes.

A vrai dire, la question du mode de scrutin ne se ferait guère sentir si l’État n’était pas aussi interventionniste. Un gouvernement issu d’une majorité stable à l’Assemblée nationale serait parfaitement légitime pour mener une politique réduite aux missions régaliennes de l’État sans que l’on y trouve à redire.

Nous sommes bien éloignés de ce cas de figure, mais, en attendant, les partisans de la RP feraient bien de se souvenir du désastre de la IVe République et de la « maison sans fenêtre » qu’était alors l’Assemblée, comme ils feraient bien de tirer les leçons du droit comparé.

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