La croissance baisse presque partout dans le monde, et notamment en Europe. En même temps, la mondialisation est accusée de la perte de souveraineté des pays occidentaux et de la pénurie de puces ou de médicaments. Dès lors, les Etats s’empressent d’intervenir pour subventionner leur industrie à tour de bras en dépit des règles de libre échange qu’ils ont souscrites. Ce faisant, ils détruisent leur économie plus qu’ils ne la renforcent.
Un principe de non immixtion…
Depuis les années 1950, le commerce international s’est développé dans le cadre d’accords multilatéraux selon lesquels les droits de douane ont diminué en contrepartie d’une interdiction des Etats parties aux accords de nuire à la concurrence en aidant leurs entreprises.
Ainsi, les grandes règles du commerce international acceptées par les 163 membres de l’Organisation mondiale du commerce – OMC -, représentant 98% du commerce mondial, limitent les subventions publiques aux producteurs qui faussent la libre concurrence internationale. Dans l’Union européenne, les articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne – TFUE – posent le principe de l’interdiction des « aides d’Etat ». Il s’agit notamment d’éviter que des subventions accordées à une entreprise par un Etat ou avec les ressources d’un Etat procurent à cette entreprise un avantage sélectif susceptible d’affecter les échanges entre États membres et la concurrence.
Cette libéralisation des échanges après la première guerre mondiale a fait que la valeur du commerce mondial est aujourd’hui presque 350 fois plus élevée qu’alors. Depuis 1995, le volume et la valeur des échanges mondiaux ont augmenté respectivement de 4% et de 6% en moyenne. Depuis 1990, le commerce a fait progresser les revenus de 24 % au niveau mondial, et de 50 % pour les 40 % les plus pauvres de la population
… bafoué sans vergogne
Mais désormais, tous les prétextes sont bons pour déroger aux règles de l’OMC ou de l’UE. Déjà, en 2015, la Chine a lancé son plan massif d’aides Made in China 2025 tandis qu’aux Etats-Unis, Joe Biden a présenté successivement des plans massifs pour soutenir l’industrie verte, les semi-conducteurs et les infrastructures : son plan Inflation Reduction Act (IRA), adopté en août 2022, prévoit 369 milliards de dollars (presque autant d’euros) d’aides sur dix ans pour les entreprises qui développent des technologies concourant à la transition écologique. Et ce sera sans doute beaucoup plus. L’Europe n’est pas en reste. En 2020, la COVID a justifié l’adoption d’un plan de relance de 750 milliards d’euros complété en 2022 au motif de guerre d’Ukraine (RePowerEU) pour aider notamment à la transition énergétique. Puis est venu le Chips Act en avril 2023. Les aides d’Etat, qui étaient exceptionnelles, sont devenues monnaie courante dans des domaines, de plus en plus larges, définis comme stratégiques. Ainsi deux autres plans sont en négociation, notamment pour favoriser l’approvisionnement en matières premières stratégiques (lithium, terres rares, graphite…). Désormais, toutes les grandes implantations industrielles font monter les enchères entres les différents pays d’Europe pour obtenir le plus possible de subventions.
Les aides d’Etat qui se multiplient sont pourtant incompatibles avec le libre échange puisqu’elles sont autant d’atteintes à une concurrence loyale. L’Europe en est bien consciente lorsqu’elle attaque la Chine qui a subventionné très largement la voiture électrique, mais plutôt que d’élever des droits de douane à l’encontre des produits chinois à due proportion, elle se lance à son tour dans une compétition à celui qui offrira le plus d’aides pour implanter ArcelorMittal en Espagne (450M€), le fabricant de batteries suédois Northvolt en Allemagne, ou pour accueillir la construction de deux usines de semi-conducteurs à Magdebourg par Intel (10Md€)…
Les contribuables paieront
Lorsqu’il a été décidé de lancer un grand emprunt européen le 21 juillet 2020, Emmanuel Macron avait déclaré sur TF1 : « Ce n’est pas le contribuable français qui paiera cette dette ». En effet, selon l’accord européen, le capital et les intérêts devaient être payés par de « nouvelles ressources propres ». L’idée était de faire payer par les importateurs des taxes à l’entrée de produits dans l’UE. Ainsi a été créée la taxe carbone aux frontières, mais elle ne devrait rapporter guère plus de 2Md€ par an. Qui plus est, il est évident que cette taxe payée par l’importateur sera en grande partie répercutée dans le prix des biens de consommation. Si ce n’est pas en tant que contribuable que nous paierons cette dette ce sera en tant que consommateur…
Dans le même temps, l’augmentation du coût de l’argent fait que les annuités de remboursement de cette dette évaluées initialement à une quinzaine de milliards devraient doubler ou tripler ! La Commission européenne se tourne donc maintenant vers les Etats pour leur prendre une partie de leurs ressources au titre notamment d’une contribution nationale, qui devrait générer environ 16 milliards d’euros (aux prix de 2018) par an à partir de 2024, versée à l’UE par les États membres sur la base de l’excédent brut d’exploitation des secteurs des entreprises financières et non financières. De fait, ce sont les contribuables qui paieront ! Il n’y a pas d’argent magique et les politiques d’emprunt public sont presque toujours des leurres.
Et le monde en souffrira
Désormais la croissance des échanges mondiaux faiblit et se polarise par blocs géopolitiques, l’Europe, l’Asie et l’Amérique du Nord. Pour 2023, l’Organisation mondiale du commerce (OMC) estime que le taux de croissance du commerce mondial tombera à un maigre 1%, après 3,2% en 2022. Le rétrécissement des marchés auquel on assiste affaiblira le monde entier. Parce que les échanges contribuent très largement à la création de richesse en permettant aux individus d’optimiser entre eux leurs talents et de valoriser leurs ressources naturelles.
Des limitations au commerce international peuvent être justifiées pour tenter d’affaiblir des gouvernements totalitaires (Chine, Iran, Corée du Nord…). Mais sous cette seule réserve, elles sont une atteinte grave au bien être des peuples.
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Merci Maître Delsol de nous rappeler les principes fondateurs de l’OMC dont les conditions d’application
exigent des pays de s’y tenir, sans quoi nous perdons toute crédibilité.
Aujourd’hui, le « libre échange » est trop souvent critiqué par la plupart de nous dirigeants politiques
qui nous expliquent que son application est la cause de nos difficultés économiques et sociales et la
raison essentielle de la désindustrialisation en France.
Il est vrai que dans un raisonnement à court terme, l’importation de produits et de services vient
concurrencer ceux produits en France du fait de prix inférieurs.
De ce fait on peut logiquement penser que cette liberté d’échange nuit gravement à l’économie française
et ceci n’est pas faux si l’on s’en tient qu’à cette simple constatation qui n’examine pas l’ensemble de la problématique d’une « saine concurrence » devant respecter les règles établies que vous rappeler
justement.
En outre, la »saine concurrence » veut logiquement que les dits produits ou services importés doivent impérativement être conformes aux normes et réglementations européennes, ce qui n’est souvent pas le cas notamment en matière de production alimentaire.
Bref, il est indispensable que les autorités Françaises renforcent les contrôles en application des règles existantes et, si celles-ci ne sont pas respectées réagissent en levant des droits de douanes après constats dûment officialisés, ainsi que vous le suggérer.
Commençons déjà avec les pays de l’U.E et préparons nous aux tentatives de répliques ou de représailles, même si ce ne sera pas facile, avec ensuite la Chine, ce qui nécessitera une action commune avec les instances de Bruxelles
Dans ce cadre il devient urgent de nous préparer à mener les actions nécessaires si nous ne voulons pas voir
notre tissus économique se disloquer définitivement.
C’est maintenant qu’il faut agir.
Essentielliste