Depuis quelques années, l’idée d’une simplification de la vie des entreprises et du code du travail fait peu à peu son chemin. Une kyrielle de lois s’en sont ensuivies, comme la loi de simplification de la vie des entreprises du 20 décembre 2014 ou la loi travail du 8 aout 2016, portée par Myriam El Khomri.
La question des seuils sociaux, véritable garrottage des entrepreneurs, en particulier des plus petits, a, elle aussi, émergé et conduit à faire du desserrement de l’étau du code du travail une promesse de campagne du candidat puis président Macron.
Le temps est venu de dresser le bilan de ce qu’il faut bien appeler un serpent de mer du débat public national.
Contenu des ordonnances travail
Parmi les dispositions introduites par les ordonnances du 22 septembre 2017 la mesure la plus emblématique demeure la création des CSE (comité social et économique) dans les entreprises de plus de 10 salariés, qui reprennent les attributions des délégués du personnel, des comités d’entreprises et des CHSCT (comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail). Dans les entreprises de plus de 300 salariés, le CSE dispose de commissions parmi lesquelles la commission santé, sécurité et conditions de travail, CSSCT, qui ressemble furieusement au CHSCT.
Ces ordonnances ont également eu pour objectif d’accorder la primauté aux négociations d’entreprises sur la négociation de branche, dans un louable esprit de subsidiarité. Trois niveaux de négociations ont étés définis : les sujets pour lesquels l’accord de branche prévaut sauf si l’accord d’entreprise offre des garanties équivalentes, les domaines où la branche peut prendre des mesures impératives via des clauses de verrouillage et les autres sujets où l’accord d’entreprise prime sur l’accord de branche.
Deux nouveaux types d’accords d’entreprises ont également été créés : les accords de performances collectives (APC) et les accords de rupture conventionnelle collectives (RCC).
Dans les entreprises entre 11 et 49 salariés, en l’absence de délégué syndical ou de CSE, un accord peut désormais être signé par un salarié mandaté. Dans les entreprises de moins de 20 salariés, le chef d’entreprise peut organiser un référendum auprès de ses employés ou la majorité des deux tiers est requise pour approbation.
Enfin, les règles relatives aux licenciements économiques ont été assouplies et un barème a été crée pour les indemnités prud’hommales versées par le juge en cas de licenciement sans cause réelle ni sérieuse.
Effets observés quatre ans après
La mise en œuvre des CSE s’est faite progressivement : à la fin de l’année 2020, on en comptait 90 000. Dans 49 000 entreprises, ces comités n’avaient pas pu être désignés suite à la carence de candidats. Un tiers des entreprises de plus de 10 salariés, représentant les deux tiers des salariés, étaient couvertes à cette époque. Les CSSCT, facultatives pour les entreprises de 50 à 300 salariés, ont été instituées dans 46 % des entreprises de plus de 10 salariés et dans 74% des entreprises de plus de 300 salariés. Notons également que 25% des accords de CSE prévoient la désignation de représentants de proximité pour traiter des revendications individuelles et collectives au plus près des salariés.
Si le nombre d’accords signés avec des délégués syndicaux, 34 000 en 2020, demeure majoritaire, de plus en plus d’accords ont été soumis au référendum des salariés : 2000 en 2014, 7000 en 2019, 9000 et 5000 en 2020. En 2021, 809 APC (dont 65 % dans des entreprises de 11 à 250 salariés et 28% dans des entreprises de 250 salariés ou plus) et 301 RCC ont étés conclus (dont 64% dans des entreprises de plus de 250 salariés).
Si l’imposition d’un barème indemnitaire pour les licenciements sans cause réelle ni sérieuse fait encore débat chez les juges pour sa conformité au droit international, il est appliqué dans 90% des cas. On ne peut toutefois pas constater d’effets sur le nombre de contentieux aux prud’hommes, qui continue de diminuer chaque année.
Du coté des branches, la négociation demeure stable, à l’inverse de ce qui est observé dans les entreprises.
Concrètement, on ne constate pas de véritable révolution dans les pratiques de dialogue social dans les entreprises, seulement une prolongation de tendances plus anciennes. C’est donc un bilan mitigé qui s’offre à l’observateur averti : les réformes ont été correctement appliquées mais n’ont pas modifié la culture du conflit et la surpolitisation des syndicats français qui empoisonnent la vie des entreprises. L’idéal serait de reproduire le modèle syndical allemand, modèle de coopération des représentants du personnel et du patronat dont les bienfaits ne sont plus à démontrer. On en est loin.